La campagne américaine prend une tournure assez spectaculaire (au sens premier) doublée d’un côté nauséabond qui ne fait qu’augmenter à mesure que l’échéance du 8 novembre approche. Ainsi, et au delà des noms d’oiseau qui fusent de toute part, force est de constater qu’en l’espace d’une semaine, la situation a radicalement changé pour les deux candidats. Comme je l’expliquais dans un précédent billet, bien que déclaré totalement fini mi-octobre par des médias qui le détestent très majoritairement, Donald Trump, le candidat républicain, se retrouve maintenant dans une position de gagner des points et certains sondages avancent même qu’il aurait pris la tête dans l’opinion publique. Ce basculement montre que, nonobstant la guerre de personnages à laquelle on assiste – un peu médusé pour tout dire – un élément essentiel vient de marquer son entrée dans une campagne majeure : Wikileaks.
Wikileaks, c’est – pour ceux qui l’ignoreraient encore – cette organisation qui fait régulièrement fuiter des informations confidentielles ou secrètes en assurant un anonymat étanche pour ceux qui délivrent ces informations. Et si le personnage emblématique de Julian Assange, la « tête publique » de cette organisation, est assez controversé, il n’en reste pas moins que le but de Wikileaks, qui est de fournir une plateforme sécurisée pour héberger des révélations d’État, a montré son efficacité par le passé.
Or, avec la campagne présidentielle américaine, Wikileaks apporte de nouveaux éléments à la connaissance des électeurs américains et, par voie de conséquence, du monde entier. On ne peut bien sûr pas écarter le grief probablement personnel qu’Assange entretient vis-à-vis de Clinton (qui aurait cherché à le faire abattre par drone), mais les faits mis à jour récemment ne laissent guère de doute sur la corruption galopante du clan Clinton.
Tout part bien sûr de « l’affaire des e-mails » d’Hillary Clinton. Comme le détaille Stéphane Montabert, on a appris qu’en 2009, Hillary Clinton devenant Secrétaire d’État, elle met en place une messagerie privée parallèle à son officielle, sur laquelle transiteront ses affaires ayant trait à la diplomatie américaine. Ceci est en parfaite violation du Federal Records Act imposant l’archivage des communications officielles des élus et hauts fonctionnaires pour leurs activités de mandat.
Découverte par hasard (via le piratage d’un compte e-mail d’un proche des Clinton), cette messagerie fera l’objet d’une enquête par le FBI. Cependant, plus de 30.000 e-mails manquèrent à l’appel. Malgré ce trou béant, et malgré la présence d’e-mails pourtant classifiés sur ce serveur, le FBI décida de clore l’enquête, à la stupéfaction générale.
Malheureusement, il semble bien qu’une copie de ces e-mails ait persisté, et soit tombée dans les mains de Wikileaks qui s’est fait un plaisir de les mettre à disposition du public, morceau par morceau. Depuis, les révélations ne cessent de s’empiler d’autant que, parallèlement, Wikileaks a aussi eu accès à d’autres sources d’informations, comme une grosse partie des e-mails de l’organisation démocrate (Democratic National Committee, DNC), en charge de la nomination de Clinton à la suite de la primaire, et de supporter Hillary Clinton dans sa campagne présidentielle.
Dans ces e-mails démocrates, on découvre que tout fut mis en place pour qu’Hillary Clinton soit désignée vainqueur de la primaire avant Bernie Sanders, indépendamment des votes et des préférences de la base démocrate. Ces révélations coûtèrent sa place à Debbie Wasserman Schultz, la présidente du DNC.
Et pour en revenir aux e-mails de Clinton elle-même, ils ont finalement refait surface grâce à Wikileaks. Et ces e-mails montrent sans la moindre ambiguïté qu’Hillary Clinton savait pertinemment qu’elle violait la loi en utilisant un serveur privé pour sa correspondance officielle, qu’elle savait aussi l’enfreindre lorsqu’elle échangeait des informations classifiées sur ce serveur non sécurisé. Sur le plan légal, elle a donc bel et bien parjuré en affirmant n’être au courant de rien, elle a effectivement menti en prétendant n’échanger que des informations privées sur ce serveur, et, pire encore, elle a fait acte de trahison (au sens militaire du terme) en plaçant des informations classifiées sur un serveur qui ne l’était pas. De façon pire encore, il est maintenant admis qu’Huma Abedin, l’assistante personnelle d’Hillary Clinton et la directrice adjointe de sa campagne, manipulait fréquemment ces e-mails pourtant classifiés alors qu’elle n’a pas elle-même l’autorisation de le faire.
Dans tous les cas, ces éléments seuls suffisent à jeter plus qu’un énorme doute sur la probité d’Hillary Clinton et sa capacité à respecter des secrets d’État.
Mais ce n’est pas tout. Dans un troisième temps, et alors que les révélations de Wikileaks concernant les e-mails de Clinton ne sont pas encore à leur terme, Wikileaks s’est aussi procuré les e-mails de John Podesta, chef de cabinet de la Maison Blanche de Bill Clinton entre 1998 et 2001, mais surtout directeur de campagne d’Hillary Clinton pour les présidentielles de cette année.
Les révélations que cette correspondance contient sont fracassantes puisqu’elles prouvent sans grande ambiguïté que c’est Podesta lui-même qui a tout fait pour faire disparaître les traces des e-mails stockés sur son serveur personnel (ce qui constitue un crime fédéral d’obstruction de justice et de destruction de preuves dans la législation américaine). Comme bonus, ces e-mails prouvent à leur tour qu’Hillary Clinton a reçu par avance les questions des débats avec Donald Trump organisés dans le cadre des élections, ce qui là encore est un formidable camouflet à l’équité et vient, de surcroît, corroborer les accusations de trucage de Trump.
Enfin, on découvre que non seulement, les médias sont activement biaisés en faveur d’Hillary Clinton, mais que Google a activement utilisé ses moyens de pistage de ses utilisateurs afin de dresser un portrait fidèle de l’électorat et d’influencer les élections en faveur des Démocrates.
Bref, l’avalanche de révélations s’annonce de plus en plus délicate à étouffer de la part du camp Clinton. Alors que la campagne était sur des rails, que la candidate démocrate semblait se diriger tout droit vers une élection facile adoubée tant par les médias que par la finance, l’industrie et les intellectuels, Wikileaks a fait dérailler le train en montrant à tous que la candidate démocrate est l’escroc entouré de crapules que ses adversaires désignaient comme tel.
Bien sûr, il faudrait être naïf pour imaginer que ces fuites doivent tout au hasard ou au courage de certains individus au sens moral aiguisé au sein des différentes institutions concernées ; si une part de hasard ou de courage est certainement en jeu, on peut aussi imaginer sans grande difficulté l’influence d’autres parties prenantes (que ce soit les Russes ou n’importe quelle autre entité qui vous plaira).
Le résultat reste le même : Wikileaks a gagné de sérieux galons en terme d’influence dans les médias, et indépendamment de ceux-ci. Certes, leurs fuites ne seront jamais qu’une partie de la vérité ;; certes, la diffusion de ces fuites dépendra au moins en partie de la bonne volonté (ou de l’éthique) de ces médias, dont la perte de crédibilité à la suite de ces élections sera assez phénoménale ; certes, les perceptions des uns et des autres sont lentes à changer.
Mais en réalisant cette prouesse, Wikileaks a validé, par l’exemple, l’idée selon laquelle, si l’État nous surveille, nous aurions, nous, citoyens, tout intérêt à surveiller l’État, et que cette surveillance, au-delà d’être utile, s’avère indispensable.
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