L’une des menaces, ou
peut-être LA menace, qui se présente à l’Union européenne suite au fiasco des
sanctions, est la possibilité que la Russie ferme les réseaux d’approvisionnement
de gaz et mette fin aux livraisons vers les pays européens. De quoi exacerber
la crise et forcer une solution à la situation.
L’économie de la Russie en
souffrirait grandement. Que pourraient bien faire les Russes de tout le gaz
qui est envoyé chaque jour vers l’Europe, et plus particulièrement vers son
plus gros acheteur, l’Allemagne ? L’inhaler ? Il n’y a pour
l’instant aucune infrastructure en place pour permettre l’exportation de ce
gaz en de grandes quantités vers d’autres consommateurs. Les revenus en
devises étrangères et les recettes publiques du pays diminueraient.
Mais pour l’Europe, le
problème serait bien moindre, comme l’a expliqué Günther Oettinger,
Commissaire européen pour l’énergie, suite à la publication de son test de stress
jeudi dernier par la Commission, qui a été ostensiblement destiné à
déterminer ce qui se passerait si la Russie cessait de livrer du gaz à
l’Europe cet hiver.
« Nous disposons pour la
toute première fois d’un tableau complet des risques et des possibles
solutions », a-t-il dit. Il est clair que certains pays, notamment
l’Estonie et la Bulgarie, rencontreraient des problèmes, mais « si nous
travaillons ensemble, faisons preuve de solidarité et mettons en place les
conseils apportés par ce rapport, aucun foyer ne restera au froid dans
l’Union européenne cet hiver ».
Il semblerait qu’à la manière
des tests de stress imposés aux banques, ce test de stress ait un objectif
précis : apaiser les gens et leur faire croire que tout est sous
contrôle et qu’ils n’ont pas à s’inquiéter.
En réalité, même pour
l’Allemagne – qui est loin d’être aussi indépendante du gaz russe que la
Pologne, la Finlande, l’Estonie ou la Bulgarie – le scénario s’annonce
catastrophique. C’est ce qui a été dit dans un rapport du Ministère allemand
pour l’énergie, publié par le Spiegel. Le
rapport, que même le Parlement n’avait pas lu avant sa publication, a été
inclus à l’analyse que le Ministère de l’économie a envoyé
à la Commission européenne à la fin du mois d’août – et au vice-président de
la Commission européenne responsable de l’énergie, Günther Oettinger. Ce dernier était, au moins depuis cette date,
au courant des faits. Il n’en est pas moins que dans le cadre du test de
stress de la Commission, il ait continué de prononcer les mêmes paroles de
réconfort.
L’analyse s’est penchée sur ce
qui arriverait à l’Allemagne si la Russie cessait de lui envoyer du pétrole
pendant six mois, tout au long de l’hiver. Les réserves de gaz du pays
seraient réduites de 23 milliards de mètres cubes, alors que l’Allemagne
utilise en un hiver 51,2 milliards de mètres cubes de gaz. C’est une baisse
de 45% !
Seule une petite fraction de
cette baisse pourrait être compensée par d’autres sources :
- 2
milliards de mètres cubes pourraient provenir d’importations
additionnelles de gaz naturel liquéfié
- 0,75
milliard de mètres cubes pourraient être tirées d’importations depuis la
Norvège
- 3
milliards de mètres cubes pourraient être épargnées en changeant
l’alimentation de centrales électriques, grâce par exemple au pétrole,
et en ne livrant pas aux clients avec lesquels des contrats résiliables
ont été signés
Voilà qui représenterait moins
de 6 mètres cubes, pour compenser une baisse de 23 milliards de mètres cubes. Après une courte période, même si les
infrastructures de stockage étaient virtuellement pleines à 96%, le
gouvernement devrait déclarer une urgence énergétique, ce qui lui donnerait
le droit de déterminer qui obtient du gaz, et qui n’en obtient pas.
Le gaz pourrait alors être
distribué par séquences basées sur la hiérarchie de quatre groupes, qui selon
le rapport sont organisés comme suit :
- Clients
protégés (ménages, mais aussi centrales électriques au gaz qui
fournissent du chauffage à des clients)
- Centrales
électriques au gaz jugées indispensables pour la distribution d’énergie
- Industrie
- Autres
centrales au gaz
Le groupe 1 consomme 26
milliards de mètres cubes de gaz. Le groupe 2 en consomme 2,4 milliards. Cela
représente un total combiné de 28,4 milliards de mètres cubes, plus encore
que les réserves de gaz disponibles. Le reste des consommateurs – l’industrie
et les autres centrales électriques au gaz – n’obtiendraient rien. En
théorie.
Mais la situation se
complique. Il ne s’agit là que de la redistribution théorique. En réalité,
« il est techniquement difficile de séparer des clients protégés des
clients non-protégés ». Les ménages qui devraient recevoir du gaz
pourraient donc se retrouver sans rien, et voir leur gaz utilisé ailleurs.
L’industrie perdrait une
grande partie de son électricité, puisque les centrales jugées
non-indispensables devraient fermer. Oubliez le chauffage de ces centrales,
oubliez l’allumage de lumières ou le chargement de robots. La production
plongerait. Les licenciements se multiplieraient. Les réseaux de distribution
s’effondreraient. Une coupure de gaz aurait de très importants coûts
économiques. Même les plus chanceux devraient faire face à une forte hausse
du prix du gaz.
En prenant une telle décision,
aussi autodestructrice qu’elle puisse être, la Russie pourrait affaiblir la
puissance industrielle allemande, ce qui aurait des conséquences tout autour
du monde puisque le pays ne pourrait plus satisfaire ses demandes
d’exportation, et que les importations prendraient fin. Les coûts seraient
simplement trop élevés. C’est pourquoi le rapport a été gardé secret. C’est
pourquoi le Parlement allemand ne l’a pas lu. Et c’est pourquoi les
Eurocrates ont tout fait pour mollifier la population.
La Russie dispose toujours de
396 milliards de dollars de réserves étrangères, bien qu’elles continuent de
se réduire. Mais elle souffre apparemment d’un grand nombre de problèmes.
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