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Cours Or & Argent

Steve Jobs, un héros moderne ?

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Benoît Toussaint
Publié le 16 septembre 2011
924 mots - Temps de lecture : 2 - 3 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Peut-il encore exister d’héroïsme dans nos démocraties modernes ? Avec la fin des conflits armés en occident, la pacification du corps social et l’avènement du consensus démocratique comme mode de gouvernement, les héros semblent bien avoir disparu de nos sociétés modernes. Les temps, autrefois dramatiques et épiques, se sont  apaisés. Et les êtres d’exception, dont la volonté imprimait sa marque à l’Histoire, ont cédé la place à « l’insoutenable légèreté » d’êtres plus discrets, plus anonymes, plus éphémères.


C’est peut-être qu’à l’instar de notre civilisation, l’héroïsme a changé, lui, aussi de nature. S’il faut chercher des héros modernes, c’est peut-être en des hommes tels que Steve Jobs qu’il faut porter le regard. Force est de constater que le fondateur d’Apple, qui a démissionné de son poste de PDG pour raisons de santé le 24 août 2011, a bel et bien changé le monde dans lequel nous vivons.


L’élévation de certains Hommes au rang de héros est un choix éminemment politique. Pour certains, il s’agira de Che Guevara, pour d’autre Ronald Reagan, ou encore Napoléon. Dans ses romans The Fountain’s head ou Atlas Shrugged, l’écrivaine américaine Ayn Rand a longuement détaillé le profil de ce que pourrait et devrait être le héros moderne : un être créatif qui lutte seul contre tous pour faire reconnaître son droit de libre créateur. C’est un individualiste déterminé à poursuivre sa vision artistique dans un monde collectiviste. Généralement, un héros randien est caractérisé par un individualisme radical, une résolution morale, une intelligence hors du commun, un contrôle de soi, une retenue émotionnelle. Si l’on en croit Steve Wozniak, co-fondateur d’Apple, Steve Jobs aurait été profondément influencé par les écrits de la romancière.


Très peu de dirigeants ont su imposer leur marque sur le réel à la manière de Steve Jobs. Et encore moins de dirigeants peuvent prétendre au rang de héros. Son parcours personnel a déjà tout d’une épopée héroïque : Sa naissance en 1955 d’un professeur de sciences politiques syrien et d’une mère célibataire absente ; son adoption par un couple de Californiens modestes ; le lancement de la marque Macintosh ; son éviction de la société en 1985, « trahi » par John Sculley qu’il avait lui-même recruté chez Coca-Cola ; sa traversée du désert ; puis le retour aux affaires avec la création de NeXT Computer et le rachat de Pixar. Dix ans plus tard, il reprend les rênes de Apple, au fond du trou. Il saute ensuite de succès en succès avec l’IMac, l’IPod, l’IPhone et récemment l’IPad, luttant contre ses concurrents, puis contre un cancer à partir de 2004.


« Les gens qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde sont ceux qui le font », aime-t-il à déclarer. Steve Jobs n’a pas simplement fait d’Apple un succès commercial et la première capitalisation du monde, avec un trésor de guerre de 76 milliards de dollars. Il a porté, envers et contre tout, une vision pour lui-même, pour son entreprise et pour la société toute entière. Une vision fondée sur une exigence quasi maniaque, l’irréprochabilité des produits, la simplicité d’utilisation et un raffinement artistique inédit. Il a également insufflé au sein de son entreprise une culture du dépassement de soi et de l’amélioration continue. En témoignent les 313 brevets qu’il a déposés pour Apple. Ces dernières années, la marque a systématiquement pris de cours ses concurrents.


Et les révolutions technologiques que ses produits ont insufflées sont telles, qu’ils ont bouleversé nos modes de vie de façon irréversible. « L’Ipod n’a pas simplement changé la façon d’écouter de la musique. Il a changé l’industrie de la musique tout entière », déclarait-il en 2007. Et il avait raison.  Il suffit de visionner à nouveau l’un de ses grands one-man-shows, le lancement de l’Iphone, pour s’en convaincre. Devant un parterre de journalistes et d’invités, triés sur le volet, il affirmait en 2007 que « l’Iphone va réinventer le téléphone. Il réunit un Ipod, un téléphone, et un outil de communication internet », annonçait-il. Là encore, il avait raison.


Et si le succès est au rendez-vous, c’est sans doute parce que les produits Apple améliore significativement le quotidien des utilisateurs. Le créateur d’Apple n’a pas simplement inventé des nouveaux produits, il a inventé un nouveau style de vie. En entrant dans un Appel Store, les clients ne veulent pas acheter un téléphone ou une tablette, ils veulent acheter un Iphone ou un Ipad. Une nuance qui fait toute la différence. « Think different », clamait une publicité Apple en 1997 comme une profession de foi du modèle Steve Jobs.


L’Iphone, par exemple, n’a pas changé radicalement les personnes, comme entendaient le faire les révolutionnaires russes en 1917 ou cambodgiens en 1976. Il s’est contenté de se mettre au service des gens et de faciliter leur vie. S’orienter, faire un achat via son téléphone, jouer, trouver une adresse, surfer n’importe où, lire la presse. Des petites choses qui ont pourtant tout changé, tant dans notre façon de consommer, que dans notre façon de nous informer, de communiquer. Des choses du quotidien, simples, sur lesquelles repose la vie des individus.


Les dirigeants d’entreprise n’ont pas toujours montré leur meilleur visage ces dernières années. Des sociétés comme Goldman Sachs, dirigée par Lloyd Blankfein, se sont particulièrement illustrées par des comportements irresponsables et une recherche du profit au détriment de celui des autres. Mettre son talent et son imagination pour le bien de la société tout entière, tels sont les qualités des héros modernes. Dans le futur, il faut donc souhaiter plus de Steve Jobs, et moins de Lloyd Blankfein.

 

 

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Journaliste en formation au Centre de formation des journalistes (CFJ, promotion 2012). Diplômé d’une Grande Ecole en commerce international, Benoît Toussaint est bloggeur et auteur pour de nombreux sites et webzines sur la toile.
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