Les banques du Japon, de la zone euro et des Etats-Unis détiennent d’importants portefeuilles d’obligations souveraines. Cet encours représente 20% du PIB au Japon, 18% en zone euro, 12% aux Etats-Unis. Pourtant il n’est aucunement dans les missions des banques d’acquérir des obligations souveraines, alors pourquoi le font-elles ? Essentiellement parce que ça arrange les Etats. Ils doivent financer leur déficit, il leur faut donc trouver des acheteurs, si possible locaux, que l’on connaît et sur lesquels on peut exercer une certaine influence.
Comment ? Par exemple, les normes prudentielles négociées à Bâle stipulent que lorsqu’une banque fait un prêt à une entreprise, elle doit garder des liquidités en sécurité. Par contre elle n’a aucunement besoin de geler du cash si elle achète une obligation souveraine d’un grand pays bien noté ! Donc si ce placement rapporte autant que le crédit à l’économie, pourquoi se fatiguer ? D’une façon générale, les grands Etats endettés ont développé des relations que l’ont peut qualifier d’incestueuses avec leurs grandes banques. Beaucoup ont été sauvées de la faillite lors de la crise de 2008, depuis les Etats les convainquent facilement de participer au renflouement de leurs comptes…
On est ici en plein dans un mécanisme autoentretenu en circuit fermé, autrement dit bullaire. La bulle obligataire n’est pas une vue de l’esprit. Tout pourrait continuer longtemps de cette manière si les taux ne se mettaient pas à remonter. Or précisément, on assiste depuis avril 2013 à une hausse généralisée des taux, pas seulement dans les pays en difficulté mais aussi en Allemagne ou aux Etats-Unis. Les raisons de cette remontée sont multiples, les politiques monétaires expansionnistes finissent par générer des anticipations de hausse de l’inflation, la persistance de la crise augmente la prime de risque, la "reprise" annoncée mais qui n’arrive pas contribuant à ce climat délétère. Et, on le sait, une remontée des taux fait baisser la valeur du portefeuille obligataire, ce qui se traduit par des moins values en capital qui réduisent les fonds propres des banques.
La banque Natixis a calculé ce que cela impliquerait sur le bilan des banques. Une hausse de 1 point des taux d’intérêt à long terme, en supposant que tous les portefeuilles obligataires sont valorisés à la valeur de marché, réduirait les fonds propres des banques de :
14% dans la zone euro
16% aux Etats-Unis
160% au Japon
Pour le Japon ce n’est pas une faute de frappe, ce résultat est du à la taille de leur portefeuille conjugué à la faiblesse de leurs fonds propres. La situation est donc intenable pour le Japon et maîtrisable aux Etats-Unis et dans la zone euro mais seulement en cas de légère remontée des taux. Le bon du Trésor américain à dix ans était à 2% avant la récente remontée des taux, mais rappelons-nous qu’il était à 6% en 2000 et à 8% en 1990, voici des ordres de grandeur à garder à l’esprit. Quoi qu’il en soit, le coût en fonds propres sera sévère si les taux remontent, et ces fonds propres servent à couvrir bien d’autres risques…