La faiblesse actuelle du
cours du pétrole pourrait générer des pénuries dès cette année. A l’heure
actuelle, l’offre n’est supérieure à la demande qu’à hauteur de 2%, et le
prix du carburant est de moins de 2 dollars le gallon au Texas. Si l’offre
déclinait davantage, le prix du carburant pourrait doubler sous dix-huit
mois. Pour une marchandise aussi critique pour notre mode de vie que le
pétrole, tout ce qu’il faudra pour faire grimper les prix sera une pénurie
relativement limitée.
En 2014, le jour de
Thanksgiving, l’Arabie Saoudite a pris la décision de maintenir sa production
de pétrole brut autour de 9,5 millions de barils par jour. Elle a pris cette
décision malgré une surabondance estimée à 1,5 million de barils par jour sur
les marchés globaux, et malgré les dommages infligés à beaucoup d’autres pays
de l’OPEP. Vous savez désormais que sa décision a entraîné un déclin sévère
du cours du pétrole à l’échelle globale, et qu’un nuage noir s’est depuis formé
au-dessus du secteur de l’énergie. Mais selon moi, ce ne sera là qu’un déclin
de court terme pour la longue histoire des cycles pétroliers. Le cours du
pétrole a toujours pu rebondir, et le déclin actuel ne sera pas une
exception.
Pour remettre les choses
dans leur contexte, le monde consomme actuellement 93,5 millions de barils d’énergie
liquide par jour, dont tous ne proviennent pas nécessairement de l’industrie
du pétrole brut. Environ 17% de l’offre globale en énergie est satisfaite par
les liquides de gaz naturel et les biocarburants.
L’un des aspects qui influence
l’idée des baissiers selon laquelle le prix du pétrole baissera tout au long
de la première moitié de 2016 est que la demande a tendance à décliner au cours
des six premiers mois de chaque année. Puisqu’une majorité de la population
vit dans l’hémisphère nord, la météorologie a un impact important sur la
demande. Je suis d’accord sur le fait que cet aspect jouera un rôle dans le
maintien du cours du pétrole à un niveau assez bas ces prochains mois. En
revanche, la faiblesse du prix du carburant aux Etats-Unis jouera certainement
un rôle dans la demande en énergie en périodes de vacances.
Le Brent fluctue aujourd’hui
autour de 60 dollars le baril. De mon humble avis, c’est un peu plus bas que
ce à quoi s’attendait l’Arabie Saoudite, et pourrait la pousser à organiser
une « réunion d’urgence » des pays de l’OPEP au premier trimestre.
Mais pour l’heure, je pense que l’Arabie Saoudite est encline à laisser les
autres membres de l’OPEP souffrir jusqu’à la prochaine réunion prévue en
juin.
Une idée très commune
est que l’Arabie Saoudite fait ce qu’elle fait pour mettre un terme à la
rapide production de pétrole de schiste des Etats-Unis. D’autres pensent que
son objectif est d’écraser les économies russe et iranienne. Si le prix du
pétrole demeurait autour de son niveau actuel pour quelques mois
supplémentaires, alors ces deux idées seront justifiées.
Mes modèles de prévision
pour 2015 partent du principe que le prix du pétrole continuera de baisser
tout au long du premier trimestre, avant de grimper graduellement puis
accélérer à l’approche de l’hiver. Avant le mois de décembre, nous devrions
voir un marché pétrolier bien plus restreint et des prix significativement
plus élevés. Dans un article publié dans The National le 24 décembre 2014,
Steven Kopits, directeur en chef de Princeton Energy Advisors, a expliqué qu’en
« autorisant un prix du pétrole très faible, les Saoudiens cherchent à
rétablir un équilibre sur le marché. A l’heure actuelle, mon estimation d’équilibre
se situe entre 85 et 100 dollars le baril pour le Brent ».
Mark Mobius, économiste
et invité régulier de Bloomberg TV, a récemment déclaré qu’il s’attend
personnellement à un prix de 90 dollars le baril pour la fin 2015.
Depuis 2005, l’Amérique
du Nord a été la seule à ajouter des stocks significatifs à l’offre. En
dehors du Canada et des Etats-Unis (et du Golfe du Mexique), la production du
reste du monde a enregistré un déclin net d’un million de barils par jour
entre décembre 2010 et décembre 2013. Plus de la moitié des nations de l’OPEP
ont aujourd’hui une production en déclin. Nous avons ces dix dernières années
été en mesure de complémenter nos réserves d’énergie grâce aux biocarburants,
mais leur apport reste limité parce que nous avons besoin des terres
agricoles pour la production de denrées alimentaires.
Selon moi, la faiblesse
actuelle du prix du pétrole pourrait être excessive et donner lieu à une
nouvelle crise de l’énergie dès le début de l’année 2016. La faiblesse du
prix du carburant ne durera pas.
Les sociétés pétrolières
américaines sur lesquelles je garde un œil ont toutes annoncé une réduction
de 20 à 50% de leurs dépenses de capital pour l’année 2015. Nous commençons à
en percevoir les impacts sur l’offre, alors même que la hausse annuelle de la
demande se développe. Toutes les sociétés de mon portefeuille modèle devraient
rapporter une hausse de production sur un an, mais à un rythme bien moindre
que ces dernières années.
Une étude publiée par
Crédit Suisse il y a deux semaines montre que les indépendants américains s’attendent
à un déclin d’un tiers des dépenses de capital contre un gain de production
de 10% pour l’année prochaine. Cela signifierait une croissance de la
production de 600.000 barils par jour de liquides de schiste, et peut-être
200.000 barils par jours issus des projets en eaux profondes du Golfe du Mexique.
Dans le même temps, la production conventionnelle domestique des Etats-Unis
continue de plonger. J’ai pu lire des estimations de déclin de 500.000 à
700.000 barils par jour sous douze mois. Si ces prévisions étaient correctes,
la croissance de la production pétrolière des Etats-Unis serait à peine
positive l’année prochaine, et devrait entrer en déclin en 2016.
Les sources d’énergie
non-conventionnelles (sables bitumeux, schiste et autres formations) de l’Amérique
du Nord ont représenté la quasi-totalité de la croissance de production nette
globale enregistrée depuis 2005. Si la production non-conventionnelle cessait
de croître et que la production conventionnelle déclinait, l’offre se
trouverait hautement compromise dès 2016. Au prix actuel, seuls le pétrole de
schiste américain et les sables bitumeux canadiens génèrent suffisamment de rendements
financiers pour justifier des dépenses de développement. L’exploration en
eaux profondes ralentit à l’échelle globale.
Si la croissance de la
demande prenait fin, cela ne représenterait pas un aussi gros problème. Mais
elle augmente d’année en année. Elle a même augmenté pendant la Grande
récession de 2008, ainsi qu’en 2009 et 2010 malgré une faible croissance
économique globale. La faiblesse des prix de l’énergie continue de faire
grimper la demande aujourd’hui, et avec une estimation de croissance du PIB
américain de 5% pour 2015, nous pourrions voir la demande en énergies
fossiles grimper de près d’1,5 million de barils par jour cette année. L’AIE
s’attend actuellement à une hausse de la demande de 900.000 barils par jour.
Dans un tel scénario,
les marchés pétroliers enregistreraient un resserrement important pendant la
première moitié de 2016.
La dernière fois que le
prix du pétrole est resté très bas sur une longue période, c’était entre 1985
et 1990. En 1985, alors que le pétrole s’effondrait pour des raisons
similaire à celles que nous voyons aujourd’hui, le monde disposait d’une
capacité non-utilisée de 13 millions de barils par jour, dont 7 millions en
Arabie Saoudite. L’OPEP était en position d’absorber une hausse significative
de la demande.
Aujourd’hui, l’Arabie
Saoudite représente la totalité de la capacité non-utilisée, qui représente
une estimation de 2 millions de barils par jour. Lou Powers, membre de l’EPG
et auteur de The World Energy
Dilemma, est d’avis que l’Arabie Saoudite aura des difficultés à
maintenir sa production à plus de 10 millions de barils par jour sur une
longue période. Si nous venions à enregistrer une pénurie de pétrole, l’Arabie
Saoudite pourrait avoir besoin de porter son niveau de production à son
maximum tout au long de 2016. Si cela se produisait, nous entrerions une fois
de plus en période de choc pétrolier, et le prix du pétrole passerait bien
au-dessus des 100 dollars le baril.
La faiblesse du prix du
pétrole portera atteinte aux sociétés pétrolières non-couvertes, mais aussi
au secteur des services sur les champs pétroliers. Je m’attends à ce que le
nombre de puits en activité plonge de 30% d’ici la mi-2015. Le prix du
pétrole aura besoin de se renforcer quelques mois avant que les sociétés n’osent
dépenser davantage. Ceci étant dit, les sociétés de forage de haute qualité
telles qu’Helmerich & Payne (HP), Patterson-UTI Energy (PTEN) et
Precision Drilling Corp (PDS) s’en tireront bien, puisque leurs puits les plus
importants poursuivront leurs activités dans le cadre de contrats de long
terme. En 2016, elles auront augmenté leur part de marché.
L’Amérique du Nord et
les eaux profondes représentent les seuls potentiels de hausse de la
production. Si le prix du brut passait sous les 60 dollars le baril ne
serait-ce que pour six mois, les retombées pourraient en être catastrophiques
pour les producteurs qui n’appartiennent pas à l’OPEP. Viendra un jour où une
action de l’OPEP deviendra nécessaire.
« Mais peut-être
pas de la part des Saoudiens. La position de la Russie est comparable à celle
de l’Arabie Saoudite. Les deux pays sont en mesure de réduire significativement
leur production, mais les Russes ont le plus besoin de revenus. L’Arabie
Saoudite aurait raison de dire que les demandes de réduction de production
devraient être transférées à Moscou. L’OPEP pourrait réduire sa production
pour soutenir les prix et faire grimper ses revenus. Mais pour le moment, la meilleure
stratégie (pour l’Arabie Saoudite) est d’attendre, malgré les critiques, et
de laisser se jouer les évènements. Si les Russes ont l’esprit clair, ils
réduiront les premiers » - Steven Kopits, directeur en chef de Princeton
Energy Advisors.
La bonne nouvelle pour
nous, c’est que l’Iran puisse décider de mettre fin à son programme d’enrichissement
nucléaire d’ici quelques mois. Je suis persuadé que c’est là la raison qui
explique véritablement les actions de l’Arabie Saoudite.