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Cours Or & Argent

Une échappatoire recherchée

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Publié le 02 décembre 2010
1365 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Pour seule réaction au sauvetage présumé de l’Irlande, la crise européenne s’est vivement emballée hier sur les marchés. Tous les indicateurs clignotaient au rouge en un bel ensemble : les valeurs bancaires dans les bourses européennes, l’euro sur le Forex, ainsi que les taux des obligations souveraines.


De manière considérée comme très inquiétante, la liste des pays susceptibles d’entrer dans la zone des tempêtes s’allongeait dans les commentaires, pour y inclure l’Italie et la Belgique au vu de la tenue de leurs obligations sur le marché. Les autorités françaises en venaient à nier toute possibilité que la France y entre à son tour, ce qui n’est jamais bon signe. Mêmes les taux des valeurs obligataires les plus éprouvées, allemandes, néerlandaises et françaises subissaient en effet l’onde de choc. Le marché obligataire semblait déserté par les acheteurs, seuls les vendeurs y restant présents. La BCE y reprenant ses achats qu’elle avait interrompus, afin de limiter l’irrésistible montée des taux.


Les marchés apportaient leur réponse au sauvetage irlandais en montrant qu’ils attendent une toute autre initiative, à l’échelle européenne et non pas à celle d’un seul pays connaissant une crise propre, fût-elle aiguë.


Devant cette situation alarmante, les tentatives de calmer le jeu se multipliaient et de bien bonnes paroles étaient comme à l’habitude prononcées. Notamment par Jean-Claude Trichet, disparu du devant de la scène depuis quelques jours, alors que les rumeurs les plus folles circulaient à propos de la réunion de jeudi de la BCE.


Une polémique éclatait à l’instigation d’Elena Salgado, ministre espagnole des finances, attribuant à Angela Merkel – sans toutefois la nommer – la responsabilité des attaques des marchés contre l’Espagne. Pour avoir agité le chiffon rouge de futurs bail-in, ces restructurations de dette mettant à contribution les créditeurs (que l’on appelle aussi les marchés, mais dans d’autres circonstances…).


Enfin, le Trésor américain dépêchait en Europe l’un de ses éminents représentants, chargé de faire la tournée des capitales afin de faire le point, exprimant l’inquiétude des Américains à propos de la tournure que prenaient les événements. Rappelant que la crise européenne a une dimension mondiale.


Voilà le panorama qui pouvait être contemplé hier soir, alors que le Portugal venait sur le marché obligataire et que l’Espagne se préparait à s’y rendre demain jeudi, et que l’agence S&P annonçait avoir placé « sous surveillance négative » la note du Portugal, en prélude à son abaissement en raison de risques considérés comme accrus. Le commentaire qui y était associé méritant d’être relevé : « Ces risques proviennent de l’incertitude quant à l’éventuel recours du gouvernement à un financement public extérieur et aux conséquences que l’obtention de tels fonds pourrait avoir pour la position des créanciers privés vis-à-vis des créanciers publics après 2013″.


Aujourd’hui, dans un contexte d’arrêt des plongeons après trois jours de coup de tabac, les Portugais devaient néanmoins concéder à l’occasion de leur émission un taux d’intérêt de 5,281%, contre 4,813% le 17 novembre à maturité identique d’un an. La demande de 2,5 fois supérieure à l’offre illustrant la bonne affaire en vue, étant considéré comme inévitable que le Portugal sera réfugié sous le parapluie européen à l’échéance du remboursement. Les marchés sont rationnels…


José Luis Rodriguez Zapatero, le chef du gouvernement espagnol, en prélude à l’émission de demain, vient d’annoncer un nouveau train de mesures : la fin d’une allocation chômage de 426 euros mensuels pour les chômeurs en fin de droits, la privatisation partielle de la loterie nationale et des aéroports, ainsi qu’une baisse d’impôts pour les PME.


Christine Lagarde, la ministre française des finances, s’était entre-temps fait ce matin le porte-parole des gouvernements européens, lors d’une conférence de presse parisienne, décrits comme étant « évidemment solidaires, déterminés, engagés à défendre leur monnaie et leur zone monétaire. » Une vérité qu’il devenait nécessaire de réaffirmer en la circonstance, qui ne mange pas de pain mais ne mène pas loin.


Les autorités européennes – pour reprendre une formule avec de moins en moins de sens – semblent être fort décontenancées par la soudaineté et la virulence de l’attaque des marchés qu’elles n’attendaient pas si forte. Ce qui montre une fois de plus combien elles sont à côté de la plaque. Cherchant malgré tout à se rassurer, elles veulent croire que cela résulterait d’une maladresse de leur part, d’une annonce faite à contre-temps, qui pourrait donc être corrigée.


Dans cette optique, des assurances continuent d’être données aux marchés qu’ils ne risquent rien dans l’immédiat, que nulles mesures pouvant leur porter atteinte n’entrera en vigueur avant 2013, et qu’elles ne pourront être décidées qu’au « cas par cas », une fois toutes les autres solutions épuisées, (entendez  : discutées alors avec eux), n’ayant en tout état de cause d’effet envisageable que vers les années 2018 ou plus, lorsque des défauts pourront alors intervenir.


Devenu autorité suprême, le FMI est même appelé à la rescousse, en sollicitant pour le moins ses usages et ses procédures, pour les besoins de la démonstration. « Il faut que nous expliquions et réexpliquions à l’envi qu’il s’agit tout simplement de se mettre en règle dans la durée avec un mécanisme tout à fait analogue avec un mécanisme de type Fonds monétaire international, qui ne constitue pas une menace mais un moyen d’organiser les situations de crise » a expliqué suavement Christine Lagarde à cette même occasion.


Si les marchés veulent sans attendre manifester leur catégorique refus d’une telle perspective, même lointaine, ils sont en réalité animés par une contestation d’une bien plus grande ampleur. La nature même du sauvetage de l’Irlande – et de ses limites déjà inscrites dans les faits – expliquent qu’ils se cabrent aussi brutalement. Une fois de plus, ils enregistrent que les dirigeants européens cherchent à gagner du temps et traitent comme une crise de liquidité une crise de solvabilité, une vieille antienne dont ils ne se sont pas départis depuis le début.


De ce point de vue, ils sont au cœur de leurs propres contradictions, refusant d’un côté une remise de peine qu’ils estiment de l’autre inévitable.


Dans l’attente des décisions que va demain annoncer la BCE, le jeu s’est un peu calmé de lui-même aujourd’hui. Qu’espère-t-on de ses annonces ? La relance des achats obligataires sur le marché secondaire est déjà intervenue, mais elle s’inscrit dans une enveloppe très restreinte et déjà très entamée, par rapport à la demande prévisible des Etats.


Est-ce à dire, comme un article du Financial Times l’envisageait ce matin, que nous serions à la veille de l’annonce d’un programme de l’ampleur de celui que la Fed a de son côté déjà décidé ? Rien n’est moins sur, car le ciel tomberait alors sur la tête des Allemands, mais le simple fait que la question soit désormais aussi ouvertement posée est significatif de l’impasse dans laquelle les dirigeants européens se trouvent actuellement.


Leur meilleur plan – qu’ils auraient du mal à faire approuver à l’unanimité comme requis – n’est qu’à échéance lointaine et est déjà largement émasculé. Avant, c’est le vide, et seule la BCE peut le combler.


Est-ce pour autant la revanche de Jean-Claude Trichet et de sa stratégie de réduction à marche forcée des déficits budgétaires ? Cela n’est pas davantage envisageable, au moment où des délais de remboursement sont déjà accordés à la Grèce et alors que – tous les comptes faits – un sauvetage de l’ Espagne n’est décidément pas dans les moyens que les Européens se sont donnés.


Il n’y a donc pas que les marchés qui sont placés devant leurs contradictions.


Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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