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Cours Or & Argent

Une machine délicate à manoeuvrer

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Publié le 16 mars 2012
1140 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

2° partie.




La société et l’économie chinoises sont plus fragiles qu’elles n’en donnent de l’extérieur l’impression, dépendant d’une machinerie financière à qui tout ne peut pas être demandé, et qui a déjà été à l’origine d’effets secondaires préoccupants. Déclenchant en particulier une inflation affectant les produits alimentaires, qui a pu être partiellement réduite mais est restée à plus de 4 % en valeur annuelle en fin d’année dernière.


Il en résulte que l’idée que la croissance de la Chine va tirer l’économie mondiale est une rêverie d’Occidentaux, qui viennent frapper à la porte pour obtenir le renflouement de l’Europe quand ils n’en escomptent pas l’essor impétueux de leurs propres exportations.


En cette année du Dragon, la Chine va devoir affronter de grands défis, a annoncé Wen Jiabao lors de la session plénière du parlement. De 10,4 %, la croissance est passée à 8,9 % au dernier trimestre, selon les statistiques officielles. Elle a désormais pour objectif officiel de plus modestement atteindre 7,5 % en 2012. Un taux inférieur aux 8 % traditionnellement considérés comme le seuil en dessous duquel il ne fallait pas descendre, sauf à créer d’importants problèmes sociaux. Sous l’impulsion de l’État, les investissements ont continué de croître plus vite que la consommation, contredisant l’intention affichée de rééquilibrer le développement, afin d’« attacher plus d’importance au mode de vie des gens, et laisser la population partager les fruits de la réforme », comme l’a déclaré le premier ministre sortant.


Un nouvel élan devra être selon lui donné à des réformes – qui ont marqué le pas en raison d’obstacles ou de résistances non précisées – en favorisant l’ouverture aux capitaux privés dans de nombreux secteurs de l’économie. Un rapport de la Banque mondiale en ce sens a même été rédigé avec des conseillers du gouvernement chinois, afin de « briser les monopoles ». Il est intitulé « Chine 2030 : bâtir une société à hauts revenus moderne, harmonieuse et créative ». Mais tout dépendra de la succession qui est en train de se jouer dans la plus grande opacité.


Dans l’immédiat, continuant à surveiller de près l’inflation, dont la montée serait socialement explosive, le gouvernement tente de lentement dégonfler la bulle immobilière en faisant baisser les prix et en réduisant le volume de la construction, à la faveur d’une régulation plus étroite du secteur. Ce qui a pour effet de déséquilibrer les finances des collectivités, qui reposent beaucoup sur la vente de terrains aux promoteurs immobiliers, à moins qu’ils ne soient apportés en garantie aux banques. C’est tout un pan du système financier qui vacille.


Parallèlement, les vannes du crédit ont à nouveau été ouvertes, grâce à un nouvel abaissement des réserves obligatoires des banques, qui avaient été précédemment à plusieurs reprises augmentées afin de contenir la bulle financière. Illustrant une politique tiraillée entre les objectifs contradictoires de la relance et de la lutte contre l’inflation. Des moyens de juguler le chômage sont activement recherchés, le gouvernement le chiffrant à 22 % de la population active. L’exode rural est un défi majeur, comme dans tous les pays émergents qui ont créé une vitrine intérieure de prospérité attirant irrésistiblement ceux qui la contemplent du dehors. L’urbanisation de la Chine sous la forme de mégapoles est un phénomène irréversible, dont les conséquences sociales et environnementales sont redoutables : les deux tiers des villes chinoises connaissent déjà une pollution dépassant les seuils admissibles.


Mais le plus préoccupant est l’accroissement des inégalités, qu’il n’est pas possible de chiffrer en raison du refus du Bureau national des statistiques de rendre public les données dont il dispose. Aux extrêmes, les pauvres restent pauvres et les riches deviennent très riches ; les classes moyennes sont soumises au flux et au reflux de la croissance économique. Les problèmes à résoudre sont donc immenses, auxquels il faut ajouter des désastres environnementaux sur lequels il sera long et difficile de revenir.


Le pays va devoir faire face à une baisse de sa croissance à 5 % ou 6 % l’an, selon les prévisions de la Banque mondiale. Celle-ci craint que toute chute brutale de la croissance pourrait révéler « des pertes dans les banques, les entreprises et à différents échelons du gouvernement – aujourd’hui cachées sous le voile de la croissance rapide – et pourrait précipiter une crise fiscale et financière ». Plus explicitement, nous parlerions de dette publique et privée ! La conclusion s’impose pour l’institution internationale : il faut changer de modèle. Avec deux impératifs, accroître la consommation des Chinois en augmentant les dépenses sociales et les salaires – ce qui aura pour effet de diminuer les exportations, et soulager l’Occident – ainsi qu’ouvrir de larges secteurs de l’économie aux capitaux privés en diminuant le rôle des entreprises d’État. Déjà à pied d’œuvre et attendant que les barrières réglementaires se lèvent, les mégabanques occidentales brûlent de faire partager leur expertise et d’accéder au partage d’un nouveau gâteau. L’enfer est pavé de bonnes intentions.


Celles-ci suffisent-elles, lorsque l’on prend connaissance du testament politique de Wen Jiabao, qui a affirmé que « si la réforme politique n’aboutit pas, la réforme économique ne pourra pas être menée à bien » et que « les problèmes apparus dans la société ne pourront pas être résolus », faisant référence explicitement aux disparités de revenus et à la corruption. Quid du magistère du Parti communiste quand il déclare également « il nous faut aller de l’avant dans nos réformes structurelles, économiques et politiques, en particulier la réforme de notre système de gouvernance de notre Parti et de notre pays » ? Comme l’URSS avant elle, la Chine est placée devant la délicate problématique de l’évolution en douceur d’un système faisant obstacle à son développement.


Mais par quoi le remplacer ? L’expérience russe est là pour faire craindre que la réforme progressive de la variante maoïste du système bureaucratique stalinien, associant ouverture politique et économique, ne sera pas l’un de ces larges boulevards tracés lors de l’édification des cités radieuses du socialisme. À l’échelle de la Chine, devenue seconde puissance mondiale, les bouleversements que l’on peut attendre ne seront pas rien. Corriger les conséquences sociales et environnementales d’une industrialisation à marche forcée par un appel au capitalisme privé n’est peut être pas non plus la meilleure des solutions…


Les déclarations du premier ministre sonnent dans l’immédiat comme un aveu d’impuissance, n’étant pas parvenu à ce qu’il n’a cessé de chercher à promouvoir. En s’associant, via de proches conseillers, à la Banque mondiale pour préconiser une ouverture accentuée au capitalisme, parallèlement à un élargissement international progressif du rôle du yuan, Wen Jiabao cherche un levier permettant d’écarter les résistances et de réformer le système. Mais cela pourrait créer une dynamique risquant d’échapper des mains du pouvoir tel qu’il est structuré, si ce n’est de certains de ceux qui l’occupent. L’histoire ne se répète pas, certes, mais parfois elle bégaye.




Billet rédigé par François Leclerc









 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Vivant en Chine une partie de l'annee , je confirme la haute qualite et l'objectivite de ces deux articles . C'est exactement ce a quoi nous assistons chaque jour .
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Vivant en Chine une partie de l'annee , je confirme la haute qualite et l'objectivite de ces deux articles . C'est exactement ce a quoi nous assistons chaque jour . Lire la suite
FROMONT - 17/03/2012 à 04:07 GMT
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