Les sociétés pétrolières
continuent de souffrir de la faiblesse du prix du pétrole, mais leur peine se
propage désormais sur l’industrie financière. Les grosses banques qui ont
décidé de soutenir certaines sociétés pétrolières en difficulté et acheté de la
dette à hauts rendements qui commence aujourd’hui à mal tourner encourent de
lourdes pertes.
Le Wall Street Journal a
rapporté
que des dizaines de millions de dollars de prêts accordés à l’industrie
pétrolière par Citigroup, Goldman Sachs et UBS ont désormais disparu. Les
prêts accordés aux sociétés de production de pétrole et de gaz ont perdu de
leur attrait, ce qui rend leur vente sur le marché très difficile pour les
banques.
Pour compliquer
davantage la situation, une majorité du crédit émis par les grosses banques a
été rattaché à des sociétés de services pétroliers plutôt qu’à des sociétés
de forage – c’est-à-dire à des sociétés qui offrent du matériel, des
logements, la construction de puits, des camions, etc. Ces compagnies se sont
multipliées pendant le boom, mais sont les premières à souffrir d’une
réduction des activités de forage. Puisque ces sociétés commencent à manquer
d’argent avec lequel rembourser leurs prêts, Wall Street a des difficultés à
se séparer de ses montagnes de prêts toxiques.
Robert Cohen,
gestionnaire de portefeuilles de prêt cher DoubleLine Capital, a déclaré
au Wall Street Journal avoir refusé d’acheter des prêts énergétiques à
Citibank. « Nous craignons beaucoup de nous ré-impliquer avec les grands
noms de l’énergie. Pour le moment, nous attendons de voir. »
Mais certains gros
investisseurs ont replongé sur les marchés de la dette à hauts rendements au
mois de février, alors que le prix du pétrole semblait se stabiliser et en
passe de rebondir. Mais selon
Bloomberg, depuis le 4 mars, les prix ont recommencé à baisser, et l’équivalent
de sept milliards de dollars de dette à haut rendement appartenant à des
sociétés énergétiques en péril a été annulée.
Le marché de la dette à
haut rendement est dominé par l’industrie de l’énergie. La dette à haut
rendement est passée de 65,6
milliards de dollars en 2007 à 201 milliards de dollars aujourd'hui. C’est
une conséquence du recours de sociétés de forage aux marchés de la dette, et
du déclassement de certaines sociétés autrefois stables. Les rendements de la
dette toxique sur l’énergie ont atteint 7,44% de plus que les obligations
gouvernementales, soit
plus de deux fois le taux de juin 2014.
Près d’un trillion de
dollars de prêts auraient été offerts à l’industrie énergétique au cours de
cette dernière décennie, et une majorité de cette somme aurait été transmise
à d’autres investisseurs. C’est une pratique commune, qui cesse cependant de
fonctionner lorsque les prêts commencent à se détériorer. Les banques comme
Citi sont restées assises sur des prêts toxiques dans l’attente d’un rebond.
Mais avec la récente baisse du prix du pétrole, les grosses banques
commencent à encourir de lourdes pertes. Certains prêts toxiques ont été vendus
à la mi-mars à hauteur de 65 centimes par dollar, selon un rapport
publié le 18 mars par le Wall Street Journal.
La dégradation de la
dette apparaît alors que les sociétés de production de pétrole et de gaz
émettent de nouvelles actions à
un rythme record sur plus de dix ans. Les sociétés de forage cherchent
désespérément à obtenir des financements et émettre de nouvelles actions, une
solution qui bien qu’elle ne soit pas optimale puisqu’elle entraîne la
dilution de toutes leurs autres actions, reste préférable à la contraction de
davantage de dette. Environ 8 milliards de dollars de nouvelles
actions ont été émises au premier trimestre de 2015 par le secteur de l’énergie,
un record trimestriel sur plus de dix ans. Mais la baisse du prix du pétrole
a aussi engendré un effondrement de la valeur des actions, une réduction de
la valeur des nouvelles actions, et une diminution des financements pouvant
être levés.
Les difficultés
éprouvées par Big Finance en matière de déchargement de prêts énergétiques
toxiques devraient se répandre sur l’ensemble de l’industrie. Si les
institutions financières ne peuvent pas trouver d’acheteurs, alors elles auront
moins de chances d’émettre de la nouvelle dette. Les sociétés de production
de pétrole et de gaz à la recherche de financements auront donc des
difficultés à trouver des partenaires. Quand elles ne pourront plus obtenir
de financements, les sociétés en difficultés seront plongées dans une crise
de liquidités.