Ils s’inquiètent de l’inflation, de la stagflation et du protectionnisme mondial. Contre ces trois éléments, ils pensent que l’or est la meilleure assurance.
Et à moins de 1 300 $ l’once, ils pensent également, pour seulement la troisième fois de la décennie, que le métal jaune est sous-évalué. Faites-en ce que vous voulez.
Voici un enseignement surprenant et remarquable du dernier sondage mondial mensuel des grands gestionnaires de Bank of America Merrill Lynch. Ce sondage est un indicateur clé de l’opinion prévalent chez ceux qui gèrent les investissements mondiaux… BoF a questionné 175 gestionnaires qui gèrent pour 543 milliards d’actifs.
D’une marge nette de 15 %, l’opinion de ces gestionnaires est que l’or est sous-évalué. Ce pourcentage égale le record datant de janvier 2009.
Les gestionnaires estiment habituellement que l’or est surévalué, inintéressant ou les deux. Cette opinion, nous la connaissons depuis 2004, lorsque j’avais suggéré à Merrill Lynch de poser des questions concernant le métal jaune dans ses sondages mensuels.
Durant ces 10 dernières années, la majorité de ces gestionnaires a estimé que l’or est bon marché à seulement trois reprises. Les deux dernières fois que cela s’est produit, en janvier 2009 et en janvier 2015, l’or est ensuite violemment parti à la hausse. Il s’agit probablement plus qu’une coïncidence.
La finance mainstream déteste l’or. Elle ne génère pas de flux financiers, donc il est impossible d’estimer sa valeur. En effet, d’après la théorie financière standard, l’or est dénué de valeur. En revanche, les plus fervents de ses défenseurs se reposent sur certains arguments, parfois discutables, comme celui du statut de monnaie du métal jaune, pour l’estimer.
Les agnostiques, de l’autre côté, ont l’avantage de la neutralité, qui leur donne plus de flexibilité. L’or affiche toute une série d’avantages non-conventionnels. Il s’agit de la seule devise à ne pas être sous le contrôle de politiciens ou de banquiers centraux. Il affiche également une tendance historique raisonnable à évoluer dans le sens inverse des actions et des obligations.
La dernière enquête d’opinion de Merrill Lynch est lourde d’enseignement. D’habitude, ces gens n’ont pas d’or dans leur portefeuille. En effet, pour pouvoir en acheter, la plupart doivent obtenir le feu vert d’un comité d’investissement, ce qui peut prendre des semaines ou des mois. Mais s’ils sont intéressés, et que cet intérêt perdure, ils vont probablement alimenter la demande d’or d’investissement dans les mois à venir.
Icare comme analogie
Cet attrait pour l’or est le revers de ce que Bank of America Merrill Lynch appelle le « réflexe d’investissement d’Icare », la figure mythologique grecque qui plongea vers la mort après s’être trop rapproché du soleil avec ses ailes de cire.
Les marchés actions ont bondi depuis la semaine précédant l’élection présidentielle. En ce moment, la conjoncture, les indicateurs techniques et l’opinion qui prévaut chez les investisseurs plaident tous pour la poursuite de la hausse. (…) Il y a de quoi être optimiste pour la Bourse, surtout si vous êtes un trader qui surfe sur les tendances. BofA prédit une hausse de 10 % avant la fin de ce marché haussier.
Mais le risque reste présent, notamment les valorisations, l’inflation, la hausse des taux et les conflits commerciaux (Trump, durant sa campagne, avait dit des actifs financiers qu’ils étaient « une grosse et horrible bulle », ce qui devrait signifier qu’elle est encore plus grosse et horrible maintenant).
Le plus gros risque émanant des politiques mercantilistes de Trump serait l’émergence d’un cercle vicieux de représailles. La hausse du dollar depuis l’élection est déjà négative pour les États-Unis, vu qu’elle fait du tort aux exportations américaines. Dans un monde mercantiliste, tout le monde veut dévaluer sa monnaie. Mais il s’agit d’un jeu sans gagnant. Seul l’or ne peut être dévalué par les banques centrales dans un tel contexte.
Le second risque est sans aucun doute l’incertitude. Nul besoin d’être un critique du président actuel pour affirmer qu’il introduit une énorme dose d’incertitude dans la gouvernance et les politiques (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ses plus grands partisans l’aiment).
Dans un tel scénario, l’or est plus une assurance qu’un investissement. Les fameuses « gold bugs » allouent habituellement une grande partie de leur portefeuille dans le métal, parfois un tiers ou plus. Les gestionnaires professionnels n’en ont pas. Posséder de 5 à 10 % de votre portefeuille en or ne semble pas déraisonnable.
Article de Brett Arends, publié le 15 février 2017 sur MarketWatch.com