Il est entré dans la zone
chaude de la Grande mer de la Politique au printemps dernier, pour assommer
les baleines communes qui se dressaient devant lui de ses puissantes
nageoires caudales. Mais voilà que le Péquod démocrate, ainsi que son
équipage de la diversité et de l’inclusion, se sont jurés de le
prendre en chasse jusqu’au bout de la Terre, jusqu’à ce qu’il se vide de son
sang et se couche, mort, sur son flanc. Moby Trump ! L’avez-vous
vu ? Ouvrez l’œil, hommes, et femmes, et autres individus
multidimensionnels et non-binaires, illes et els ! Voyez-vous ce Bitcoin
cloué sur le mât, au loin ? Il est à vous si vous traînez jusqu’à moi ce
cachalot du privilège blanc !
Mais qui joue le rôle d’Achab
dans toute cette histoire ? Le New
York Times, bien évidemment. Telle est l’étendue de son obsession
pieuse pour la malignité cosmique de Moby Trump, qui lui a arraché le bras –
affectueusement appelé Hillary – la dernière fois que le Péquod a mis les
voiles. Tel est le scénario qui se joue aujourd’hui, avec Jim Comey dans le
rôle de Starbuck, le Quaker empli d’honnêteté et de rectitude, au coup de
lance pourtant si mortel.
Telle est l’ampleur de la
grande tragédie américaine.
Souvenez-vous cependant que
dans le conte original du minable (il n’en a jamais tiré un dollar)
Herman Melville, la baleine blanche fait couler le Péquod dans un dernier
effort désespéré de vengeance, alors qu’Achab meurt noyé, pris dans ses
propres cordes de harpon, comme cloué sur le dos de son immense proie.
C’est tout pour l’orgueil
littéraire – remerciements à Bob Dylan pour nous avoir rappelé, dans son récent
discours de Nobel pas comme les autres, ce que la baleine blanche devrait
signifier pour nous. De notre monde austère et sordide de télé-poubelle et de
Kardashians, c’est là l’intrigue sous-jacente. La saga de Moby Trump raconte
une tragédie à laquelle la République ne supporte pas de faire face : ou
comment nous avons causé notre propre destruction.
La question est de savoir ce
qui restera de la vie politique américaine une fois que le grand Trump aura
été harponné, dépecé et bouilli jusqu’à ce qu’il ne reste de lui que ses
huiles essentielles. Pour moi, ce sera certainement un grand vide maléfique,
qui ne sera pas sans rappeler le tourbillon que nous décrit Melville, et qui
laissera enfin paraître les membres du Deep State pour les revenants creux
qu’ils sont, les fantômes de nos institutions bien-aimées, y compris de
l’Etat de droit.
Une destitution est quelque
chose qui plane juste au-dessus et juste à côté de la loi, et est établie sur
la très vague notion de crime ou délit grave – un terme qui peut signifier
tout et n’importe quoi aux yeux de ceux qui sont déterminés à y recourir.
Notre Trump adepte des gaffes a exprimé son espoir de voir abandonnée la
douteuse enquête du FBI contre le Général Flynn quant à sa conversation avec
un ambassadeur de Russie (comment a-t-il pu oser s’entretenir avec un
émissaire étranger ?). Voilà qui pourrait faire l’affaire, comme nous
l’a laissé entendre Jeffrey Toobin, journaliste de CNN, porte-parole légal de
la « Résistance ».
J’avoue que je n’ai jamais
perçu M. Trump – ou le Grand Golem à la toison d’or, comme j’aime l’appeler –
comme un cheval susceptible de gagner la course. Après les élections, je
m’attendais à ce qu’il soit destitué par tous les moyens après seulement
quelques mois. Bien que je ne sois pas non plus dans le camp de ses
antagonistes, je ne le considère pas comme étant apte à exercer les fonctions
qui lui ont été conférées suite à une élection ignominieuse contre une
opposante répugnante. Il semble tout simplement n’avoir aucune idée de ce
qu’il fait, ce que je trouve particulièrement effrayant à cet instant
particulier de l’Histoire, à une heure où – ce qui semble échapper à nous
fournisseurs d’actualités, depuis les agences de presse larvaires jusqu’aux
grands Poobahs du Congrès et aux seigneurs technocrates – notre nation
vacille au bord d’un désastre financier qui fera passer l’effondrement de
l’Empire romain pour la faillite d’une petite entreprise.
D’ici à ce que cela se passe,
gardez l’œil sur les marées politiques toxiques qui viendront balayer les
fondations de notre expérience d’ordre civil désormais vieille de deux
siècles. D’ici six mois, plus personne ne fera confiance à quiconque et à
quoi que ce soit, et nous pourrions très vite en venir à nous opposer les uns
aux autres, dans la confusion résonante du vortex politique dans lequel nous
serons joyeusement entrés.