Les Chinois ont annoncé avoir
développé un programme, qui sera lancé officiellement sur le marché avant la
fin de l’année, qui permettra aux exportateurs qui vendent du pétrole à la
Chine d’accepter la devise chinoise, le yuan, en tant que paiement pour leur
pétrole. Pour y parvenir, les Chinois ont prévu un incitatif : les yuans
reçus par les exportateurs pourront être échangés contre de l’or. Cet or sera
acheté en-dehors des frontières de la Chine, pour les exportateurs de
pétrole.
Ainsi, les yuans des
exportateurs de pétrole pourront être offerts comme paiement aux banques
commerciales de Londres qui fourniront de l’or en échange de yuans.
Voilà les grandes lignes du projet.
Ce qui suit est ce que je
comprends de la situation :
Les banques commerciales sont
les entités financières qui contrôlent le prix de l’or en vendant des
contrats à terme, c’est-à-dire de l’or papier, qui promettent de fournir de l’or
à un certain prix aux spéculateurs qui achètent ces contrats et qui ne
recherchent qu’à tirer des profits en dollars de leurs paris sur une hausse
du prix de l’or, et ne souhaitent pas obtenir livraison de métal physique.
Il arrive que des spéculateurs
gagnent quelques dollars, mais la vaste majorité d’entre eux sont des
perdants perpétuels, parce que les banques commerciales peuvent influencer le
prix de l’or à la baisse à tout moment et se débarrasser ainsi des spéculateurs
qui étaient acheteurs. Et ce jeu se poursuit depuis des années.
Je suppose que les banques
commerciales ne souhaiteront pas accepter de yuans en échange d’une livraison
d’or physique. Elles convertiront d’abord leurs yuans en dollars,
probablement auprès de la banque de Chine qui, au passage, cherche à réduire
ses réserves de dollars. Ainsi, les banques commerciales offriront des
dollars contre de l’or.
Voilà qui fait d’une pierre deux
coups : les exportateurs obtiennent leur or auprès de Londres, et la
Chine réduit ses réserves de dollars.
C’est là que les choses
intéressantes commencent.
Tout d’abord, les quantités d’or
que les banques commerciales pourront fournir exerceront sur elles des
pressions inhabituelles. Les banques commerciales sont habituées à contrôler
le prix de l’or papier de manière à rendre très difficile pour les
propriétaires de contrats papiers d’obtenir de l’or physique.
En revanche, après le lancement
du programme chinois, la situation changera : un nouvel acheteur de
grosses quantités d’or physique entrera en scène. Ce sera là un développement
très bouleversant pour les banques commerciales, qui n’aura encore jamais été
vu par les directeurs de ces banques.
Deuxièmement, les quantités de
pétrole qui sont importées par la Chine chaque année sont énormes. La Chine
est le plus gros importateur de pétrole au monde, avec huit millions de
barils par jour. L’Arabie Saoudite vend environ un million de barils par jour
à la Chine, en échange de dollars. Si les Saoudiens décidaient d’accepter des
yuans pour les échanger ensuite contre de l’or, nous parlons ici d’un million
de fois 50 dollars par baril = 50 millions de dollars par jour. A 1.315
dollars l’once d’or, cela nous donne 38.023 onces d’or – soit 1,183 tonne –
que l’Arabie Saoudite pourrait retirer du marché chaque jour. Des millions de
barils de pétrole verront leur valeur fluctuer contre des quantités d’or
limitées. 1,183 tonne par jour, c’est 431,8 tonnes par an. Et la Chine ne
cherche pas à séduire que l’Arabie Saoudite. Les autres exportateurs de
pétrole qui accepteront des paiements en yuans pour les convertir en or
pourront facilement porter à plus de 1.000 tonnes par an le départ d’or
physique depuis Londres vers Hong Kong ou Shanghai – en plus de l’or qui y
est déjà envoyé aujourd’hui.
Inévitablement, la première
opération qui sera entreprise dans le cadre de ce programme entraînera une
hausse du prix de l’or. Quand les yuans des exportateurs de pétrole seront
offerts aux banques commerciales de Londres, ces dernières échangeront leurs
yuans contre des dollars. Leur offre sur l’or devra augmenter immédiatement,
et avec elle le prix de l’or en yuan au taux de change en vigueur.
Une hausse du prix de l’or en
yuans ou en dollars signifiera un déclin des quantités d’or échangées contre
le pétrole fourni par les exportateurs.
Parce que les exportateurs
pétroliers réaliseront qu’ils obtiennent chaque jour de moins en moins d’or
pour leur pétrole, ils se dépêcheront de vendre leur pétrole avant d’en
obtenir encore moins. Les exportateurs s’empresseront de vendre leurs
réserves de pétrole pour obtenir des yuans et enfin de l’or.
Pour équilibrer les grosses
réserves de pétrole reçues par la Chine et les quantités limitées d’or
disponibles à Londres, il sera nécessaire pour le prix de l’or d’atteindre
des sommets en termes de yuans, mais peut-être aussi en termes de dollars.
En effet, le yuan souffrira d’une
forte dévaluation contre l’or, et il en ira de même du dollar. Je ne peux pas
imaginer à quel prix l’échange or/pétrole finira par se stabiliser, mais je
pense qu’il devra être de plusieurs milliers de dollars par once.
Peut-être le gouvernement
chinois perçoit-il la dévaluation du yuan comme étant favorable à la Chine.
Je n’ai aucune opinion à ce sujet. Quant à la dévaluation du dollar contre l’or
– j’en laisserai les conséquences à votre imagination.
La Chine finira-t-elle par
lancer son programme de « pétrole pour des yuans pour de l’or » ?
Attendons de voir.