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Les êtres humains ont une
propension très marquée à faire connaître leurs
bonnes œuvres et à afficher leurs vertus. Il ne s'agit pas
nécessairement de narcissisme ou d'orgueil comme on pourrait le
croire, mais d'une stratégie de communication qui vise à
favoriser la coopération sociale.
Comme l'expliquent les biologistes
et anthropologistes qui ont développé ces théories sur
l'évolution des sociétés animales et humaines, un
comportement purement altruiste envers un membre de sa famille s'explique par
l'intérêt inconscient (pas besoin de le rationaliser, nous le
ressentons de façon innée) que chacun a à propager ses
gènes; toutefois, l'intérêt d'une coopération avec
un étranger est moins évident et un tel échange doit
nécessairement s'appuyer sur un avantage plus concret qu'on en
retire.
Mais
comment décider si on peut faire confiance ou non à un
étranger? En particulier dans le contexte de sociétés
primitives, où il n'existe pas de système de justice bien
établi pour redresser les torts, le risque est toujours grand de se
faire flouer et de ne rien recevoir en échange du service qu'on a
offert. On sera donc évidemment porté à amorcer un
rapport d'échange, un acte coopératif, un processus d'alliance,
avec ceux dont l'attitude et la réputation nous rassurent, et à
éviter ceux qui semblent trop égoïstes, ceux qui
paraissent vouloir s'enrichir aux dépens des autres, ceux dont on dit
qu'ils profitent de la situation pour frauder chaque fois qu'ils le
peuvent.
Faire
étalage de ses vertus, c'est donc s'assurer une bonne position dans
les réseaux de coopération sociale essentiels à la
survie et à la prospérité. Il y a bien sûr ceux
qui se font passer pour des âmes pures alors qu'ils ne sont en
réalité que des crapules. Ceux-là réussissent
à duper ceux qui tombent dans leur filet, jusqu'à ce que leur
vrai visage soit mis à nu. En fait, la meilleure façon de
paraître vertueux, c'est de l'être vraiment. Si l'on est vraiment
intègre et qu'on adhère à un code moral strict, on n'a
pas besoin de faire d'efforts spéciaux pour en faire part au reste du
monde, cela va finir par se savoir. Être vertueux et agir moralement,
c'est bien en soi, c'est bon pour la conscience, bon pour s'assurer une place
au paradis, mais c'est aussi « rentable ».
De prudence et de
responsabilités
Tout ceci m'amène
naturellement à parler du premier budget Marois. Je n'entrerai pas
dans les détails, qui se résument à quelques lignes:
quelques baisses d'impôt symboliques, un petit remboursement de la
dette, des centaines de millions de plus aux deux secteurs
étatisés en faillite que sont la santé et
l'éducation, des millions aux parasites régionaux, à
ceux du monde des affaires, de la culture, etc. Rien de bien nouveau ni
pertinent.
Non, ce
sur quoi je voudrais m'attarder, c'est une petite phrase
proférée par la nouvelle ministre des Finances Pauline Marois
une semaine plus tôt, lorsqu'elle a annoncé les grands principes
de sa démarche budgétaire: ce sera, a-t-elle dit, un budget «
prudent et responsable », mais encore, un budget «
qui recherchera l'équilibre entre les baisses d'impôts et
la compassion ».
Ainsi
donc, l'alternative à nous redonner une partie du revenu qu'on nous
prend, ce qui justifie au premier chef de continuer à augmenter les
dépenses de l'État (3,1% d'augmentation cette année), ce
serait la compassion.
On
parle bien sûr ici des dépenses « sociales »,
pas de la construction de bouts de routes ou du financement des
PME. Là où la compassion du gouvernement se manifeste, c'est
dans la nouvelle enveloppe de 300 millions $ pour la lutte «
contre la pauvreté et l'exclusion », les
dépenses additionnelles de 200 millions $ pour la
Famille, l'Enfance et la Condition féminine, ou encore les 42
millions $ alloués à « l'amélioration
des services à domicile et des services pour les jeunes ».
Bref, dans les programmes de redistribution de la richesse.
Du
point de vue des socialistes, redistribuer la richesse par de multiples
programmes comme ceux-ci est bien sûr ce à quoi sert
l'État. Et ils ont toujours de beaux mots qui dénotent la vertu
et l'altruisme pour justifier leur position.
Je participais
il y a quelques semaines à un débat sur la pauvreté lors
de l'émission Droit de parole à
Télé-Québec. Vivian Labrie, porte-parole du Collectif
pour une loi sur l'élimination de la pauvreté (voir leur proposition) a alors offert la définition la plus
idéaliste de l'État qu'il m'ait été donné
d'entendre. L'État, a-t-elle déclaré, « c'est
l'instrument de nos solidarités ». Sans
blague.
Dans le
petit monde de l'establishment politique et médiatique, personne ne
remet jamais en question les prémisses de ce type de
déclaration. Ce que l'opposition libérale, ou les porte-parole
du milieu des affaires, ou les commentateurs «
modérés » expliquent, lorsqu'ils critiquent la
propension du gouvernement à trop dépenser, c'est que nous
somme déjà trop endettés, que les taxes sont trop
élevées, que notre économie n'est pas assez
compétitive, et qu'« il faut d'abord créer
la richesse avant de pouvoir la redistribuer ». Tout le
monde s'accorde toutefois sur le fait qu'il faut faire preuve de compassion
et de solidarité et que c'est bien le rôle de l'État de
redistribuer la richesse.
Petit paradoxe moral
Il y a toutefois un petit paradoxe
moral dans ces manifestations très médiatisées de
compassion et de solidarité. Qui au juste fait preuve de ces belles
qualités? Qui se sacrifie vraiment pour les autres dans cet
élan de charité collective?
S'agit-il des politiciens qui prennent les décisions?
Évidemment que non, cet argent ne sort pas de leur poche, ils le
prennent dans les nôtres. Forcer les uns à payer pour redonner
à d'autres ne peut logiquement être considéré
comme une forme d'altruisme.
S'agit-il alors des fonctionnaires qui administrent les programmes? Pas plus,
ils sont payés pour le faire et ne font aucun sacrifice.
S'agit-il de l'électorat dans son ensemble qui, dans une
démocratie, décide collectivement des orientations
générales du gouvernement? Outre le fait qu'un simple vote tous
les quatre ans peut difficilement être couplé à un niveau
quelconque de compassion et de solidarité, l'idée d'un
électorat dans son ensemble qui prend des décisions collectives
ne tient pas la rampe. Ce sont des individus qui votent, pas des
collectivités. Si l'on prend ces individus un à un et qu'on
analyse leurs motivations, on ne trouve pas beaucoup d'électeurs dont
on peut dire qu'ils font preuve de compassion et de solidarité.
Une bonne partie de
l'électorat qui vote en faveur de politiques redistributionnistes est
ainsi composée de ceux qui vont en profiter: toute la frange des
dépendants qui vivent en totalité ou en partie aux frais de
l'État, y inclus les fonctionnaires qui administrent ces programmes et
qui ont intérêt à ce qu'ils grossissent. Loin de faire
preuve de solidarité, ils se servent du système pour
s'accaparer la richesse des autres.
D'un
autre côté, il y a les électeurs productifs, qui
créent de la richesse et dont une partie importante du revenu
disparaît en taxes et impôts pour financer cette redistribution.
Pas besoin de faire d'études sociologiques très poussées
pour savoir que ces électeurs en ont ras le bol de se faire siphonner.
S'ils s'opposent à la redistribution de leur richesse, peut-on
sérieusement prétendre qu'ils font preuve de compassion?
Certainement pas. Il n'y a rien de moral à être forcé de
partager ce qui nous appartient.
On peut
imaginer qu'une partie de ces gens aisés qui paient des taxes
élevées sont des socialistes qui ne rechignent pas à se
faire ainsi enlever une partie de leur revenu au profit des plus
démunis. Ce serait, en fin de compte, la seule frange
d'électeurs qui feraient vraiment preuve de compassion et de
solidarité. Mais le fait qu'ils soient de toute façon
forcés de le faire et qu'on ne sache pas comment ils agiraient s'ils
avaient vraiment le choix de payer ou non ces impôts gâche un peu
le geste. À la limite, on pourrait même dire que ces membres de
la gauche caviar sont ou bien des hypocrites, ou bien des imbéciles.
S'ils veulent vraiment se départir de leur richesse, il y a en effet
des moyens bien plus simples et directs de le faire que par un vote tous les
quatre ans: faire un chèque à Centraide
ou à un quelconque organisme de charité par exemple.
Bref,
les véritables altruistes ne sont probablement qu'une minorité
insignifiante de l'électorat, et il est absurde de dire que les
programmes de redistribution étatiques sont l'expression d'une
solidarité générale. L'État n'est pas «
l'instrument de nos solidarités », il est
simplement l'instrument de la coercition exercée par la petite clique
qui le contrôle et qui se maintient au pouvoir grâce à
toutes sortes de manipulations.
Un acte immoral
Comment donc se fait-il que les
mots compassion et solidarité soient si souvent utilisés dans
le discours politique, si personne ne fait vraiment preuve de ces vertus? Eh
bien, comme je l'expliquais plus haut, faire étalage de ses vertus,
c'est s'assurer une bonne position dans les réseaux de
coopération sociale. Il y en a qui ont l'air vertueux et qui le sont
vraiment, mais il y a aussi ceux qui se font passer pour des âmes pures
alors qu'ils ne sont en réalité que des crapules...
Les
politiciens comme la ministre Pauline Marois,
déjà millionnaire, n'ont aucunement besoin de s'insérer
dans un réseau d'échange comme leurs ancêtres devaient le
faire pour survivre et prospérer. La belle image vertueuse qu'ils
projettent sert à un autre type d'échange: celui du pouvoir.
Votez pour moi, je serais gentille et je vous donnerais la richesse des
autres. La ministre au grand coeur, Louise Harel, est parmi ceux qui sont passés
maîtres en la matière.
Les
grandes âmes telles que Vivian Labrie et les membres de sa coalition,
les dirigeants syndicaux, les groupes communautaires et intervenants de
toutes sortes, les journalistes qui lèchent les bottes de tout ce beau
monde, ont tous intérêt eux aussi à faire étalage
de leur vertus. Dans une société dominée par les
femmelettes et les moumounes socialistes comme la nôtre (voir LA MARCHE
DES FEMMELETTES, le QL, no 69), plus on
projette une image de compassion et de solidarité, plus on a de chance
de monter dans l'échelle du pouvoir étatiste.
L'évolution biologique semble avoir erré en faisant de la
plupart des gens de grands naïfs qui se laissent duper par ces crapules.
C'est pourquoi si l'on veut mettre fin à cette manipulation, il faut
absolument déconstruire la propagande socialiste bien-pensante et
montrer que le roi est nu, en répétant quelques
vérités fondamentales.
Redistribuer la richesse au moyen de l'appareil coercitif qu'est
l'État est immoral. Personne ne fait preuve de quelque compassion ou
solidarité que ce soit dans un tel contexte. L'acte est
entièrement découplé de la responsabilité.
La
compassion et la solidarité véritables ne peuvent s'exprimer
que lorsqu'on donne volontairement, en tant qu'individu responsable
de ses gestes.
La
seule façon morale d'aider les pauvres est donc d'abolir notre
système socialiste et de revenir au système de charité
privé qui prévalait jusqu'à il y a encore quelques
décennies.
Martin Masse
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