A
la suite de Three Mile Island et Tchernobyl,
Fukushima s’inscrit dans le livre des grandes catastrophes
suscitées par la main de l’homme. Certes, celles-ci ne sont pas
toutes d’origine nucléaire et peuvent être de natures
très diverses ; le réchauffement de l’atmosphère
ou la pandémie du diabète en sont des exemples. Mais les
accidents nucléaires ont cette particularité d’être
plus spectaculaires en raison de leur soudaineté, de leur issue
très incertaine et de leurs conséquences à très
long terme.
Dans
sa catégorie, Fukushima innove. Sauf accélération subite
de la catastrophe, pouvant toujours survenir à tout moment, celle-ci
est partie pour durer des semaines, voire des mois. Avec pour
conséquence une lente montée de la contamination radioactive,
avec des pics, dans une zone très étendue de plusieurs dizaines
de kilomètres dans les terres, avec des concentrations par endroits.
Fukushima, c’est une catastrophe dans laquelle il va falloir
s’installer, mais dont on ne pourra pas s’accommoder.
La
remise en marche des installations de refroidissement, au départ
présentée comme une opération simple et rapide,
n’est aujourd’hui même plus assurée,
condamnée au mieux à s’éterniser. Faute
d’instruments de mesure en état de fonctionner,
l’état des réacteurs est indirectement estimé en
aveugle. Des fusions partielles de combustible ont eu lieu et selon toute
vraisemblance se poursuivent. Des radio-éléments
hautement radioactifs s’en échappent, on ne sait comment, et
sans que la possibilité de les contenir existe. L’état
exact des enceintes de confinement ainsi que
l’étanchéité des cuves des réacteurs ne
sont pas plus connus. Ce tableau est celui d’une calamité qui va
durer. A Fukushima, ce que l’on sait, c’est que l’on ne
sait rien ou si peu !
La
catastrophe s’alimente d’elle même,
comme une réaction en chaîne. Le déversement de tonnes
d’eau de refroidissement se traduit par la contamination de masses
d’eau sur le site. Du plutonium y est décelé dans le sol.
L’urgence change : l’évacuation de cette eau dont la
contamination ne peut qu’augmenter prend le pas sur la
réparation des équipements afin d’en rétablir le
fonctionnement, sans que des nouveaux délais puissent désormais
être donnés.
L’opérateur
est de plus en plus pris entre des impératifs contradictoires,
condamné à un pilotage au jugé et improvisé. En
poursuivant les injections d’eau dans les réacteurs, il continue
de remplir les réservoirs improvisés d’eau
contaminée, qu’il cherche par ailleurs à vider sans
savoir comment, ni où, les capacités existantes de stockage
étant saturées. Les arrêter est impossible,
l’augmentation de la température et de la pression dans les
cuves et les enceintes de confinement qui en résulteraient pouvant
occasionner leur rupture. Sans compter la possibilité qu’une
masse grandissante de corium –
résultant de la fusion du combustible – ne fasse fondre la cuve
d’un réacteur, attaquant ensuite la dernière
barrière de protection, la semelle de béton sur laquelle il
repose. Nous projetant dans l’inconnu.
Tous
les scénarios disponibles sont alarmants, rendant l’alarmisme dérisoire
et superflu. La catastrophe continue d’être à
l’initiative. Le risque est grand que l’on s’achemine
progressivement vers une situation où il ne sera plus possible
d’intervenir sur le site.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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