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Créé
il y a plus de deux ans pour accompagner le retour à l'emploi et
simplifier les minima sociaux, le revenu de solidarité active (RSA)
fait la fierté du gouvernement. Cette « avancée
sociale majeure », qui s'est traduite par un nouvel impôt de
1,1% sur le capital, bénéficiait à 1,78 million de
foyers en avril 2010. Pourtant, le 8 octobre 2008 à l'Assemblée
nationale, les députés du Parti socialiste (PS) n'ont pas
soutenu la proposition de loi sur le RSA, préférant s'abstenir.
À
problème socialiste, réponse socialiste
L'attitude
du PS est paradoxale, le RSA étant incontestablement une
réponse socialiste à un problème socialiste. Croire le
contraire serait s'en tenir à une vision étriquée du jeu
politique français. En adoptant la loi sur le RSA, les
députés de l'UMP et du Nouveau Centre s'attaquaient non pas
à notre modèle social, mais au problème du chômage
qui en est la conséquence.
L'inspiration
socialiste du RSA est manifeste sur le site du gouvernement, qui se
félicite de venir en aide à de nombreux ménages, comme
si l'efficacité du dispositif dépendait du nombre de
bénéficiaires et non de son impact réel sur l'emploi et
la précarité. L'UMP défend le RSA comme le feraient
très certainement les socialistes s'ils ne s'opposaient aussi
farouchement à la politique du gouvernement. Et il en sera ainsi aussi
longtemps qu'aucun bilan sérieux ne viendra confirmer le scepticisme
de l'étude
réalisée par la Direction de la recherche, des études,
de l'évaluation et des statistiques (DREES) en avril 2009 –
étude soulignant que le RSA, en plus de n'avoir qu'un impact
modéré sur l'emploi, désavantageait les moins
qualifiés.
La
théorie du chômage volontaire
Le
malentendu sur la signification du RSA vient de l'impression qu'à
travers ce dispositif, le gouvernement reproche aux chômeurs leur
paresse en même temps qu'il les accompagne sur le chemin de l'emploi.
D'aucuns critiquent une mesure « constructiviste et
collectiviste de plus, qui ne satisfera que les amateurs d'aubaines », tandis qu'au Parti socialiste, on
déplore que soit réhabilitée la théorie du
« chômage volontaire ».
Benoît
Hamon et Liêm Hoang-Ngoc
expliquent ainsi le chômage (9,2%
pour le premier trimestre 2011 selon l'INSEE) par le manque
d'opportunités plutôt que par l'oisiveté. Mais comment
expliquer ce manque d'opportunités autrement que par l'intervention de
l'État (salaire minimum, charges sociales, etc.) ? En France, le
chômage est, de fait, voulu soit par le demandeur d'emploi, qui peut se
permettre de refuser un emploi jugé insuffisamment rentable, soit par
le gouvernement, dont la politique « sociale » (pour ne
pas dire socialiste) dissuade les employeurs d'employer.
Des
socialistes contre une mesure d'inspiration socialiste
Il
est difficile de comprendre l'hostilité des socialistes à une
mesure censée corriger le problème de l'assistanat sans
remettre en question les acquis sociaux. C'est d'ailleurs dans cet esprit que
Laurent Wauquiez proposait, il y a deux mois, que
la loi exige des allocataires du RSA cinq
heures de « service social » par semaine.
Présenté par le Ministre chargé des affaires
européennes comme une contrepartie, et dénoncé comme
telle par l'opposition, ce bénévolat ne vise évidemment
pas à compenser les aides versées (vingt heures de nettoyage
dans une école ne valent pas 700,49 euros), mais à préserver
la « culture du travail », thème central de la
campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
En
somme, le principe des contreparties s'inscrit dans une logique dite
d'insertion, servant à rassurer le contribuable sur
l'efficacité du modèle social. La proposition de Laurent Wauquiez, comme
la réforme des retraites, oppose au socialisme inconséquent
du PS le socialisme cohérent et « durable » de
l'UMP. Un
sondage d'OpinionWay a d'ailleurs
révélé que les sympathisants d'extrême gauche
(66%) étaient, comme ceux du Modem (79%), de l'UMP (89%) et de
l'extrême-droite (83%), particulièrement favorables à
cette idée, les sympathisants du PS ne l'approuvant, eux, qu'à
51%. Ce n'est pas la gauche qui se « droitise ».
Ce sont plutôt les références idéologiques du
socialisme qui font consensus, au point que les partis de droite et du centre
se font concurrence pour sauver le socialisme.
L'opposition
socialiste à la politique économique et
« sociale » du gouvernement dissimule une réelle
convergence de vues sur le rôle de l'État et l'efficacité
de ses interventions. C'est ennuyeux pour les partis de gauche, qui
décemment ne peuvent reprocher à l'UMP de vouloir
préserver le modèle social. C'est catastrophique pour les
chômeurs que le « socialisme cohérent » du
gouvernement n'aidera pas à retrouver un emploi.
Nils Sinkiewicz
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