Officiellement, QE2 a pris fin le 30 juin dernier. Supposément,
le rachat par la banque centrale américaine des bons du trésor
américain serait donc terminé. Comme l’écrit
à ce sujet Natixis dans une publication en date du
5 juillet, le contrôle des taux d’intérêt à
long terme a donc cessé. Il faudrait donc en conclure à
l’instar de la banque française que les taux
d’intérêt à long terme seraient dorénavant
déterminés par l’offre et la demande privée
d’obligations. La fin du QE2 marquerait-elle donc le retour à un
marché sur lequel s’échangeraient des obligations
délivrées de toute entrave et réglementation ?
Cette interprétation repose sur deux erreurs.
L’assouplissement monétaire n’est pas vraiment
terminé et il est fort possible qu’il se poursuive dans les
prochains mois. Et quand bien même, la Fed y renoncerait, il n’en
demeurerait pas moins qu’elle continuerait par ailleurs à mener
une politique monétaire active qui par définition empêche
de parler de marché libre.
Ce n’est pas parce qu’on parle de marché que ce
dernier fonctionne nécessairement selon des règles qui
respectent les droits de propriété individuels de chacun. Ce
genre d’analyse est trompeur en laissant planer l’idée que
ce serait le cas. En se méprenant sur les phénomènes en
jeu – fortement réglementés – l’analyse de Natixis n’est pas un outil d’aide à la
décision mais risque, au contraire, de brouiller les pistes.
En effet, comme l’explique l’analyste Valentin Petkantchin, nous avons déjà
un QE2.5.
L’assouplissement quantitatif (QE pour quantitative easing) est l’un des instruments monétaires
que la Fed a décidé d’utiliser à partir du
printemps 2009. Il s’agit du rachat par une banque centrale des bons du
trésor d’un gouvernement dès lors que ce dernier ne
parvient plus à les placer sur le marché (auprès des
investisseurs privés) à un taux suffisamment bas.
Compte tenu de la préférence pour le présent des
individus, les taux longs sont toujours plus élevés que les
taux courts. Or, la hausse progressive de l’endettement du gouvernement
américain au cours des dernières années (le Sénat
discute actuellement de la possibilité de voter une hausse du niveau
d’endettement au dessus de 14.3 billions de
dollars) a créé des tensions sur les taux
d’intérêt longs. D’où le rachat direct par la
Fed pour tenter de discipliner des taux considérés comme trop
élevés et rendant le crédit trop cher.
Jusqu’à présent, QE1 puis QE2 ont permis de calmer
les marchés et un phénomène qui ressemble beaucoup
à un QE est déjà à l’œuvre. En effet,
le produit de la dette acquise, soit près de 300 milliards de dollars,
sera réinvesti dans l’achat de nouvelles dettes
américaines. Ensuite, la Fed poursuit sa politique de taux
d’intérêt zéro et pourrait l’accompagner
d’un contrôle des prix sur certaines obligations
américaines.
Croire comme Natixis que les taux
d’intérêt avant 2008 et après juillet 2011 puissent
être des taux de marché est erroné. En effet, quand il y
a politique monétaire, il y a manipulation des taux et il ne saurait
être question de parler de marché des taux comme s’ils
étaient fixés librement par le jeu de l’offre et de la
demande.
Reste que la politique monétaire est plus ou moins « efficace »
à lutter contre la hausse des taux longs et que face à
l’impuissance des pouvoirs publics à réduire la dette, la
Fed risque de proposer des doses de plus en plus fortes d’injections de
liquidités dans l’économie, espérant acheter le
temps nécessaire à l’économie pour se
reconstruire.
Evidemment, nombreux sont les analystes qui commencent cependant à
cerner le lien qu’il pourrait y avoir entre cette politique
monétaire laxiste, un endettement massif et une croissance en berne. Loin
de vivre un retour à la fixation des taux par le marché, les
manipulations monétaires pourraient au contraire s’intensifier
et provoquer des réactions violentes.
Cécile Philippe
Institut Economique Molinari
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Cécile
Philippe est le directeur de l’Institut Economique Molinari,
un organisme de recherche et d'éducation visant à entreprendre
et à stimuler l'approche économique dans l'analyse des
politiques publiques. Il a été baptisé du nom de Gustave
de Molinari, économiste et journaliste
franco-belge qui a oeuvré toute sa vie
à promouvoir cette approche.
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