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Depuis des décennies, de nombreux Etats européens,
dont la France et la Belgique, subventionnent le gazole au détriment
de l’essence. Une distorsion de marché – en passe de
disparaître - pèse à la fois sur le fonctionnement des
raffineries, l’environnement et la santé publique.
Aujourd’hui, l’écart entre le prix du gazole
et celui de l’essence super ne cesse de se restreindre. De nombreux
automobilistes déçus le regrettent d’ailleurs. Pourtant,
la situation actuelle est encore loin de refléter la
réalité économique, tant le marché des carburants
est victime des distorsions introduites par des États
particulièrement gourmands.
Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un petit coup
d’œil aux prix
officiels des carburants: bien que le
gazole routier et le mazout de chauffage soient chimiquement identiques (si
l’on excepte le colorant destiné à les distinguer), le
premier se vend en Belgique au prix de 1,4720€ le litre, alors que le
litre du second s’achète pour 0,8325€ (prix officiels du
26 juillet dernier).
50% de
taxes !
Penchons-nous plus sérieusement sur la question. La
Fédération Pétrolière Belge publie
régulièrement un tableau reprenant la structure
du prix des carburants en Belgique.
Première constatation: les diverses taxes et accises qui viennent
grever le prix des carburants représentent aujourd’hui en
Belgique 54,70% du prix de la super 95, 53,92% du prix de la super 98, et
46,76% du prix du diesel. Autrement dit, l’État belge - et il
est loin d’être une exception - vit grassement des besoins de
déplacement de ses citoyens. Mais il gagne moins d’argent sur le
diesel que sur les supercarburants. Rien d’étonnant à ce
que, depuis plusieurs années, il s’attelle à
réduire l’écart de prix - enfin, de taxes - entre les
deux catégories. Plus intéressant encore: le diesel coûte
en réalité plus cher que l’essence: le prix à la
sortie de la raffinerie est en effet de 0,6043 € le litre de diesel,
contre 0,5678€ pour la super 95 et 0,5966 € pour la super 98.
Autrement dit, les taxes et accises ont inversé la logique
économique, qui voudrait que le diesel soit plus cher que
l’essence.
Conséquences
importantes, ou carrément désastreuses ?
Cette distorsion de prix en faveur du diesel routier n’est
pas sans conséquences. Au fil des années, les automobilistes se
sont massivement détournés de l’essence en faveur du
diesel. En 1977, les voitures diesel étaient de 114.622 unités sur
2.777.344 , soit un peu plus de 4% du parc de
voitures particulières (qui ne reprennent pas les camionnettes et les
4x4, donc). En 2010, elles étaient 2.173.718 sur 4.820.868, soit 45%
(source: SPF
Economie). Si on ajoute
à cela le fait que les camions, les camionnettes et les 4x4 roulent principalement
au diesel, le résultat est sans appel: la consommation de diesel
routier en Belgique est aujourd’hui quatre
fois plus importante que la
consommation d’essence.
Cela pose aujourd’hui deux problèmes importants: d’une
part, le raffinage du pétrole obéissant aux lois de la physique
et de la chimie, diesel et essence sont produits à parts plus ou moins
égales par les raffineries. Comme la consommation d’essence est
aujourd’hui largement inférieure à celle du diesel, les
producteurs européens se retrouvent donc avec trop d’essence sur
les bras et pas assez de diesel. Ils sont donc obligés
d’exporter massivement de l’essence et d’importer du
diesel. D’autre part, les moteurs diesel sont particulièrement
mal adaptés à la circulation urbaine: s’ils
émettent certes moins de CO2 grâce à leur moindre
consommation, ils sont en revanche grand producteurs de particules fines,
dont les effets nocifs sur la santé sont connus depuis des
années. Ceci est particulièrement vrai pour les petits trajets,
lorsque les filtres à particules sont inefficaces parce qu’ils
n’ont pas atteint leur température de fonctionnement. Au point
que les autorités commencent enfin à admettre - avec
réticence - être
confrontées à un sérieux problème. Un remake moderne de l’arroseur arrosé ?
Frédéric Wauters
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