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Cours Or & Argent

Par défaut, la ligne de plus grande pente

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Publié le 13 octobre 2011
1218 mots - Temps de lecture : 3 - 4 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

L’accord « politique » dont Angela Merkel vient, faute de mieux, de se prévaloir pour tenter de calmer le jeu ne fait pas l’affaire, si l’on en croit Jean-Claude Trichet. Estimant que le temps joue contre les dirigeants européens, celui-ci s’alarme (mieux vaut tard que jamais) que la crise européenne est entrée dans une « phase systémique » et qu’il est vital de renforcer d’urgence la crédibilité de la dette souveraine, point d’appui essentiel pour éviter la réédition d’un épisode de crise type 2008. On ne peut en effet pas lui donner entièrement tort, car les obligations d’Etat sont un des éléments clé du système financier, en particulier pour les établissements bancaires qui s’appuient dessus. Mais comment faire, si le plan A ne fonctionne pas comme on le constate en ce moment ?


Au passage, le président de la BCE se défend d’avoir sous-estimé le besoin de renforcement du système bancaire, alors qu’il a toujours accordé la priorité absolue à la réduction de la dette publique et doit simplement se mettre au goût du jour, tout en se défaussant sur le FESF, ce dont les Allemands ne veulent pas entendre parler. Le monde est compliqué.


Dans ce contexte, on peut s’interroger sur les chances que l’EBA – l’organisme européen de régulation des banques – a d’obtenir l’approbation des autorités européennes, lorsqu’elle propose de fixer un ratio immédiat et minimum de 9% des fonds propres des banques par rapport à leurs engagements, faute de quoi elles seront sommées de se recapitaliser. Une manière de crédibiliser la troisième vague de stress tests qui a dans les faits débuté mais qui n’ose même plus dire son nom.


Il est aussi permis de se gratter la tête, lorsque Jean-Claude Juncker, chef de file de l’Eurogroupe sur le départ, estime que la décote de la dette souveraine grecque devrait être portée à 60% au lieu des 21% déjà acquis. Car ce ne serait pas sans conséquences pour la détermination du ratio précédent. Ainsi que lorsqu’il affirme, toujours à propos du renforcement des banques, que « nous devons nous assurer que ceux qui mettent du capital à disposition, sous quelque forme que ce soit, se retrouvent impliqués dans les organes de décision de ces banques, dans le conseil de surveillance, le conseil d’administration, la direction. Et de participer aux bénéfices ». En phase avec ce qu’il appelle sa vision « vieille école »…


José Manuel Barroso a apporté sa contribution sur un mode on s’en doute moins incisif, appuyant en général l’idée d’une augmentation du niveau des fonds propres durs comme critère permettant de calibrer la recapitalisation des banques, y ajoutant qu’il faudrait interdire aux banques qui seraient en dessous du ratio retenu – qu’il n’a pas précisé – de verser des dividendes et des bonus.


Le tir de barrage de la Fédération bancaire Française (FBF) et de la fédération des banques privées allemandes (BdB) était donc une bataille d’arrière garde, si ces propositions sont suivies d’effet. L’une voudrait que tout le monde soit, tant qu’à faire, obligé de se renforcer, pour éviter de stigmatiser celles qui seraient seules dans l’obligation de le faire, tandis que l’autre s’oppose à une opération « à la louche » et réclame un traitement au cas par cas… Des arguments contradictoires pour tenter d’esquiver la peine, une fois entendu que les unes et les autres se portent comme des charmes.


Mais ne faut-il pas aller directement à la question essentielle : à quoi un renforcement des fonds propres des banques peut-il bien servir ? Une fois rappelé que ce critère est en soi sujet à caution, puisque Dexia avait satisfait au précédent test. De plus, il reste mille et une manières d’enjoliver les comptes, qui n’ont pas toutes été débusquées, et l’on peut penser sans procès d’intention excessif que le résultat du nouvel examen de passage sera comme d’habitude très politique. Il suffira de placer le curseur que représente le ratio des fonds propres en fonction des résultats que l’on veut obtenir, et de ne pas trop entrer dans les comptes fournis par les banques.


Quoiqu’il en soit, les partisans de la théorie du bazooka avancent qu’il faut une fois pour toute intimider les marchés, en se servant comme modèle du précédent américain du TARP, d’autres considérant, sans trop insister sur le sujet, qu’il s’agit d’anticiper des restructurations qui vont suivre celles de la dette grecque, puisque le chemin est maintenant ouvert, sinon tout tracé. D’autres, enfin, estiment que cela sera un coup d’épée dans l’eau, si des problèmes structurels propres à la zone euro ne sont pas réglés. Par le grand bout de la lorgnette, les uns voient la réduction des déficits, par le petit bout les autres observent la relance de la croissance. Mais il s’agit dans les deux cas de vœux pieux, car personne n’assortit sa vision d’un mode d’emploi convaincant.


Or, si l’on considère la réduction du déficit, les derniers chiffres grecs ne portent pas à l’optimisme. Celui-ci continue de gonfler, en dépit de l’accumulation de mesures de rigueur. Sont principalement en cause la baisse des recettes fiscales dues à la récession, le poids croissant du service de la dette ainsi que les nécessités de financement des caisses de retraite et de chômage, en raison du recul de l’emploi.


La Troïka, qui propose de débloquer le versement de 8 milliards d’euros, n’en fait pas davantage preuve en reconnaissant que la récession sera « plus profonde qu’anticipé », reculant une nouvelle fois l’année où la reprise devrait intervenir, désormais fixée à 2013. L’espoir ne fait toutefois pas vivre le FMI, car il n’est plus question dans ses différentes déclarations d’une nouvelle intervention financière de sa part, comme si la cause était considérée comme désespérée sur ce mode, laissant les Européens face à ce petit problème. Signe que le Fonds est arrivé à la conclusion que seule une restructuration importante de la dette Grecque peut sauver la situation.


Les nouvelles espagnoles ne sont pas davantage encourageantes. L’inflation augmente encore, au rythme moyen de 3% pour l’Europe, résultat en priorité des augmentations de prix décrétés par les gouvernement et les collectivités, et de taxations supplémentaires. Mais elle s’inscrit dans le contexte d’une baisse de la croissance, qui continue à se ralentir et qui devrait stagner au troisième trimestre. Un schéma qui va retentir sur les recettes fiscales de l’Etat et des collectivités et qui fait insensiblement entrer l’Espagne, après le Royaume-Uni, dans le monde de la stagflation.


Les tenailles se resserrent donc, ne cessant de démentir des prévisions de croissance qui se révèlent avoir été surestimées pour les besoins de la cause. L’Union européenne en prend implicitement acte dans son rapport trimestriel, en avertissant que des « mesures d’austérité permanente » vont devoir être mises en place, « en plus de celles qui ont déjà été adoptées ».


Un match est engagé entre les autorités européennes et le FMI, qui se poursuit. Les premières privilégient la rigueur et le désendettement, le second dénonce l’erreur qui consisterait à « vouloir atteindre des cibles chiffrées en matière de déficit », ce qui « ne doit pas se faire au risque d’une contraction à grande échelle de l’activité économique ».


Il est à craindre que, une fois encore, la ligne de plus grande pente prévaudra par défaut, grande inspiratrice de la stratégie des autorités européennes.






Billet rédigé par François Leclerc



 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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fredbob - 13/10/2011 à 10:36 GMT
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