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Symbole
de la situation, l’attente de la dégradation de la note AAA de
la France, qui pourrait être suivie de celle du Royaume-Uni, se
poursuit et le profond mal-être des banques se confirme.
Les
dépôts au jour le jour à la BCE de ces dernières
accumulent les records, en dépit d’un taux de
rémunération de 0,25% inférieur au 1% payé pour
emprunter les mêmes fonds. 489 milliards d’euros ont
été empruntés et 452 milliards ont été
déposés dans les coffres de la BCE pour la nuit de mardi
à mercredi : il est plus sûr, en attente des grosses
échéances de remboursement des banques du trimestre à
venir, de conserver les fonds à l’abri, quitte à perdre
de l’argent avec cette solution d’attente, que d’investir
ici ou là. Les banques font donc le pari que le dysfonctionnement du
marché interbancaire est durable, déjouant les pronostics de
ceux qui les voyaient investir sur le marché obligataire ou
développer le crédit à l’économie.
Rendez-vous est maintenant pris au 29 février prochain, pour la
deuxième opération de prêt à trois ans.
Le
gouvernement italien vient certes de passer haut la main le test de deux
émissions obligataires à six mois et à deux ans, qui ont
vu les taux spectaculairement diminuer de moitié. Mais la
mariée est trop belle et il n’est pas difficile de deviner qui sont les investisseurs de cette opération
miraculeuse. Il ne faut probablement pas chercher plus loin que les banques
nationales de l’Eurosystème, car il
est significatif qu’en dépit d’une demande très
forte, destinée à faire baisser les taux, le trésor
italien n’a placé ses obligations que pour un montant
s’inscrivant dans le bas de la fourchette qu’il avait
annoncé. Une émission à dix ans aura lieu demain jeudi.
Deux chiffres résument la précarité de la situation
italienne: elle va devoir trouver 450 milliards d’euros sur le
marché, dont la moitié durant les quatre premiers mois de
l’année à venir, elle va continuer d’être en
récession au long de celle-ci, la prévision actuelle
étant une contraction de 0,4%.
Sur
le départ du conseil des gouverneurs de la BCE à la fin de
l’année, Lorenzo Bini Smaghi a de son
côté mis les pieds dans le plat en s’étonnant des
“discussions quasi religieuses à propos de
l’assouplissement quantitatif, si la déflation menaçait
la zone euro”. Ajoutant que la BCE avait “un devoir
d’action” pour assurer la transmission de sa politique
monétaire (le subterfuge inventé par Jean-Claude Trichet pour
justifier les achats sur le second marché) et que si ce
n’était pas le cas actuellement, il ne voyait pas pourquoi
“un instrument taillé pour les caractéristiques de la
zone euro ne devrait pas être utilisé” si cela changeait.
En
attendant que ce tournant se réalise le cas échéant,
l’application du plan “A” se poursuit, et ses conséquences
ne changent pas. Emanation des mégabanques,
l’Institute of International Finance (IIF) voit son rôle et
autorité continuer de croître et pronostique une contraction
économique de 1% de la zone euro l’année prochaine. Il se
révèle plus pessimiste que l’OCDE, la Commission
européenne et la BCE, dans l’attente de la révision
prochaine des anticipations de la FMI, qui table encore sur 1,1%.
C’est
dans ce contexte que Mario Monti, le président du conseil italien, a
commenté l’adoption de son plan d’austérité,
selon lui la condition préalable à un “travail
énorme pour libérer l’économie italienne des
freins qui depuis trop longtemps ont ralenti sa croissance”. A
l’entendre, la croissance serait donc là, à
l’état naturel en quelque sorte, il suffirait de supprimer les
obstacles lui faisant obstacle, d’abattre les totems, suivant
l’expression d’Elsa Fornero, la
ministre des affaires sociales.
Fortement
engagée dans les pays entrés dans la zone des tempêtes,
la mise en cause de “l’État providence” se
généralise progressivement. Tous les secteurs sont
touchés : aides sociales, pensions, prestations maladie. Le filet de
protection se rétrécit partout, au prétexte de la faible
croissance et d’une évolution démographique qui n’a
pas été anticipée.
Dans
le laboratoire européen que représente la Grèce, la
situation va de mal en pis. La troïka va revenir à
Athènes le mois prochain pour faire le point, le gouvernement ne
parvenant pas à remplir ses engagements et envisageant de nouvelles
mesures d’austérité. “L’avenir du pays se
décidera entre le 16 janvier et les deux ou trois semaines suivantes,
au cours des négociations sur le nouveau programme
d’aide”, a prédit Loukas Papademos, le premier ministre. Mais comment le pays
pourrait-il sortir de la spirale descendante dans laquelle il a
été engagé dans ces conditions ?
La
même question se pose à propos de l’Espagne, qui a pour
l’instant évité d’entrer dans cette logique
dévastatrice qualifiée de sauvetage. La crise de la
dette s’y exprime dans toute sa dimension, associant
vulnérabilité du système bancaire ne pouvant plus
être dissimulée et conséquences d’une
austérité budgétaire sans cesse accentuée. A
peine sorti de la récession début 2010, le pays
s’apprête à y replonger au dernier trimestre 2011, ce qui
va à nouveau peser sur un taux de chômage établi
officiellement à 21%. Les conséquences de
l’éclatement de la bulle immobilière sont loin
d’être toutes reconnues et maîtrisées, les banques étant
durement atteintes et rebelles à la solution d’une bad bank
envisagée par le gouvernement.
Au
Royaume-Uni, le vice premier ministre Nick Clegg a formulé ses bons
vœux, tout en précisant que “l’année
prochaine, chacun en Grande-Bretagne va être confronté à
de nombreuses et grandes épreuves”, puis en ajoutant “mais
cette mission de sauvetage de l’économie n’est pas encore
terminée et nous devons encore en faire beaucoup plus”. En guise
de consolation, il a conclu en faisant remarquer : « il suffit de
regarder ce qui se passe à notre porte, dans d’autres pays en
Europe, pour voir où l’on pourrait en être arrivés
».
La
compétition au sein de l’Union européenne était au
moins-disant fiscale, elle a changé de nature pour se placer sur le
terrain des mesures de rigueur budgétaire. En s’y inscrivant
avec autant de fougue, le malade va finir par mourir guéri.
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