J’avais déjà montré, dans un précédent billet, nous avons une situation assez rare dans l’histoire de l’humanité où un bien est fortement réclamé par beaucoup, où sa production n’augmente pas sensiblement, et où ses prix, malgré tout, ont violemment baissé. On pourra regarder ce récent graphique des cours pour se rappeler qu’avant avril de cette année, l’or se baladait de façon assez insolente du côté des 1700$ l’once, et qu’il est maintenant à 1360, en étant passé par un point bas autour de 1200. Les quatre derniers mois furent donc agités. Pourtant, dans le même temps, la demande n’a pas faibli : les banques centrales, même si elles restent aussi discrètes que possibles, continuent d’acheter de l’or, quand bien même stocker la relique barbare n’est pas officiellement une bonne idée.
Quant aux particuliers, leurs besoins ne semblent pas se tarir, comme en témoignent les mouvements massifs d’or de Londres vers la Suisse, et ce d’autant plus que les monnaies produites par les États trouvent de moins en moins grâce aux yeux du public. Il suffit de déchiffrer le graphique livré dans ce billet pour comprendre l’engouement du métal précieux actuellement. Le cas de la roupie, en Inde, est particulièrement symptomatique : plus les autorités, dépassées, tentent de juguler l’importation et l’achat d’or sur leur territoire, plus les foules en réclament, et plus la roupie se dévalue (tant contre l’or que contre le dollar).
Mieux : depuis des années, JPMorgan, qui avait hérité des positions à la baisse massives au rachat de Bear Stearns en mars 2008 et déconseillait l’achat d’or auprès de sa clientèle, a changé de discours et recommande l’achat à présent ; ils disposent maintenant de 85.000 contrats « longs » (misant sur la hausse du cours) – à comparer aux 75.000 contrats « shorts » (à la baisse) qu’ils détenaient précédemment. Historiquement, la concentration actuelle à la hausse sur le COMEX (le marché de l’or à New-York) par les quatre plus gros traders sur ce marché n’a jamais été aussi élevée. Quoi qu’il en soit, ces derniers événements, couplés aux remarques qui ouvrent mon billet, laissent songeur : d’un côté, on nous explique que l’or est une relique barbare, mais de l’autre, les banques centrales en achètent, et tout indique que la demande est bien plus forte que ce que le marché peut fournir. Un investisseur avisé aurait déjà tendance, sur cette base, à conseiller l’achat. Si, en plus, on tient compte des cinq années passées à injecter des centaines de milliards d’euros ou de dollars dans l’économie, et de l’historique moyen des monnaies fiat (qui se sont toutes, systématiquement, terminées sur des échecs), on comprend en quoi les métaux précieux peuvent constituer un refuge alors que les marchés accumulent actuellement des signes inquiétants de nervosité : les taux des bons du trésor américain n’arrêtent pas de monter, les investisseurs s’en débarrassent, les présages boursiers défavorables s’empilent, les deux grosses entités de crédit immobilier Freddie Mac et Fannie Mae ont camouflé des milliards de pertes, les pertes de Walmart sont très inquiétantes, la bourse indonésienne a dévissé, …Alors oui, le marché de l’or est fort étrange actuellement, d’autant plus pour ceux qui voient arriver une reprise, la croissance et la sortie du tunnel. Je leur souhaite bien de la chance.
Pour les autres, vous savez ce qui vous reste à faire.atlantico