Quel est le
point commun entre la « TVA
anti-délocalisation » et la critique des 35 heures ?
Dans un cas comme dans l'autre, les difficultés rencontrées par
nos entreprises et leur impact sur la croissance et l'emploi sont
imputés au droit du travail français. Mais attention aux
malentendus : redynamiser l'économie française est une
chose, vaincre la concurrence étrangère en est une autre.
En France, le
débat sur la crise de l'emploi et de la croissance a ceci de
particulier qu'il se confond de
manière presque systématique avec le débat sur la
mondialisation. Force est de constater que les difficultés des
entreprises françaises ne sont prises au sérieux que dans la
mesure où elles impactent les chiffres du chômage et où
on croit pouvoir y remédier en nous protégeant du monde
extérieur – en l'occurrence, de la concurrence
étrangère.
La TVA
sociale, aussi appelée « TVA
anti-délocalisation », en est la parfaite illustration.
Elle consiste à alléger les charges sociales pesant sur les
employeurs... pour mieux les transformer en points de TVA
supplémentaire, dans l'espoir de réduire la part des
importations dans la consommation totale. De toute évidence, il ne
s'agit pas de faciliter la vie des entreprises françaises mais de faire
front contre la concurrence étrangère. Le patron
français peut, assez curieusement, remercier l'ouvrier chinois :
sans ce dernier, rien ne justifierait l'allègement des charges aux
yeux de l'opinion publique.
Approuvée
par les uns, désapprouvée par les autres, cette tentation protectionniste
n'étonne plus personne. Elle devrait pourtant, tant elle contredit les
lieux communs les plus répandus sur ces atouts fondamentaux de
l'entreprise française que sont la qualité, le savoir-faire et
l'innovation. Si de surcroît les salariés français sont
aussi productifs qu'on le prétend, qu'avons-nous à craindre des
ouvriers chinois ou des plombiers polonais ?
C'est le
paradoxe français : nous nous vantons d'être les seuls
à pouvoir faire ce que nous faisons, mais nous craignons que d'autres
le fassent à notre place et nous volent des parts de marché.
C'est absurde,
mais c'est ce que répètent à longueur de temps les
partenaires sociaux et, avec eux, l'ensemble de la classe politique
française. D'un côté, on s'accroche aux
réglementations nationales relatives au temps de travail et au salaire
minimum, martelant que les entreprises françaises et leurs
concurrentes étrangères ne jouent pas dans la même
catégorie, et que par conséquent celles-ci n'ont pas besoin
d'imiter celles-là ; de l'autre, on réclame la protection
des entreprises et des emplois français face à la concurrence
étrangère.
Défendre
ces deux positions revient ou bien à insulter l'intelligence des
Français – en expliquant que les importations ne font pas
concurrence au « made in France » mais en menacent
quand même la survie – ou bien à mettre en doute la
capacité des consommateurs à faire la différence entre
un produit de qualité fabriqué en en France et un produit de moindre
qualité sorti d'une usine asiatique. Autant dire que ce n'est pas
très clair.
Ce qui est
clair en revanche, c'est que les Français sont très
attachés à leur « modèle social »
et ne peuvent donc expliquer la stagnation et la hausse du chômage
autrement que par la « concurrence déloyale » et
la mondialisation. Un consensus qui, malgré les apparences, ne profite
ni aux entreprises, qui en affrontant la concurrence étrangère
à reculons subissent la mondialisation au lieu d'en tirer
profit ; ni aux ménages, pour qui la baisse des prix induite par
le libre-échange est une bénédiction.
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