Le
billet précédent concluait que le débat
environnemental qui se pose actuellement à Rosia Montana
en Roumanie semblait insoluble. En effet, il semble impossible de
décider au niveau politique si les bénéfices
économiques sont supérieurs ou pas aux coûts sociaux et
environnementaux. Si l’on se fiait en revanche aux droits de
propriété, des solutions concrètes et durables
pourraient être trouvées, qui en outre seraient plus conformes
à l’opinion et aux attentes des habitants de la région.
Bien
que l’institution des droits de propriété ait
été relativement affaiblie par cinquante années de
régimes dictatoriaux, elle reste toute de même
l’instrument le plus fiable dont nous disposons pour résoudre
pacifiquement les désaccords. Parmi les quelque 4000 habitants qui
vivaient encore dans la ville en 1995, à l’arrivée
d’EuroGold, plus de la moitié est
déjà partie en vendant ses propriétés
immobilières. Actuellement, EuroGold se
trouve en possession d’à peu près la moitié des
terrains sur lesquels le site l’exploitation devrait
s’étendre.
Ces
terres ont été directement achetées à leurs
propriétaires, ou obtenues en échange de compensations. EuroGold a reconstruit une partie des maisons à
environ 10 km de Rosia Montana, et a bâti un
quartier de nouvelles maisons en banlieue de la ville d’Alba-Iulia
(à 40 km). Quant à ceux qui refusent encore de vendre leurs
propriétés, ils considèrent soit que leurs terres n’ont
pas de prix, soit que le prix offert par l’entreprise n’est pas
assez élevé. Il est important de mentionner que le prix de
l’immobilier dans cette ville rivalise aujourd’hui avec le prix
moyen du mettre carré de la couronne
parisienne.
Parmi
les acheteurs, mis à part EuroGold,
l’on rencontre deux autres catégories d’acteurs. La
première catégorie est composée de ceux qui ont investi
dans des terrains limitrophes en achetant des propriétés avec
l’espoir de les revendre encore plus cher lorsque la compagnie en aura
désespérément besoin, et en prenant le risque de ne pas
recevoir d’offre à la hauteur de leurs attentes. La seconde
catégorie est constituée d’organisations
environnementalistes, qui ont racheté des terres à des endroits
stratégiques dans l’espoir d’empêcher la
réalisation du projet et donc de préserver les terres en
question.
On
peut ainsi observer que les droits de propriété offrent une
solution à la fois efficace et durable à ces dilemmes qui
apparaissent insolubles lorsqu’on les regarde d’un point de vue
impersonnel et abstrait au nom ce qui serait mieux pour la
société. De toute évidence, le choix entre retirer
l’or immédiatement ou d’attendre (pour différentes
raisons), ne fera jamais l’unanimité à
l’échelle des habitants dans la région et encore moins
à l’échelle du pays. Chacun connaît en revanche sa
propre préférence, qui se voit contrebalancée par celle
des autres à travers le marché immobilier.
Si
le projet est effectivement viable, l’entreprise devrait être en
mesure d’acheter toutes les terres concernées au prix du
marché. Si en revanche le projet est tellement indésirable pour
des raisons sociales et environnementales, les habitants dans la
région sont logiquement les mieux placés pour le dire, et des
ONG devraient éventuellement être en mesure de racheter les
terres pour empêcher l’exploitation minière.
Malheureusement,
les droits de propriété ne représentent pas la seule
manière de résoudre ce dilemme. En réalité le
gouvernement roumain a des intérêts directs dans le projet et
joue un rôle important à travers le ministère de
l’environnement, qui est appelé a
donner soit un avis défavorable (qui nuirait aux intérêts
de l’entreprise et des habitants dans la région désireux
de vendre leurs terres), soit un avis favorable (qui nuirait aux
intérêts des habitants dans la région ainsi forcés
de quitter ou solder leur terres sous la menace d’une nationalisation).
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