Une
amie m’a un jour demandé quel autre pays, en dehors des
Etats-Unis, pourrait établir un système monétaire
basé sur l’étalon or.
La
réponse est simple : n’importe lequel. Mais ce n’est
pas là ce qu’elle me demandait exactement. En
réalité, ce qu’elle voulait savoir était quel pays
pourrait le faire sans causer de troubles économiques trop importants.
C’est
là une question à laquelle il est bien plus difficile de
répondre. Le problème principal auquel font face les pays tels
que le Nicaragua, le Pakistan et le Cambodge – ou encore la Chine
– est que les devises internationales majeures que sont le dollar,
l’euro, la livre sterling et le yen ont une valeur fortement variable
par rapport à l’or.
Vous
pourriez dire – et vous auriez raison – que c’est la preuve
de l’instabilité des devises flottantes et de l’inertie et
de la stabilité de la valeur de l’or. L’or a joué
le rôle de devise des siècles durant. Ce n’est pas
l’or qui est volatile, mais tous ces morceaux de papier fiduciaires.
C’est
peut-être vrai, mais dans la pratique, une majorité de pays ne
pourrait s’adapter à une telle volatilité de taux de
change. Le tumulte que cela causerait en termes de commerce international
serait tout simplement trop important.
Il
existe cependant des exceptions à cela : des localités au
sein desquelles ces ‘termes d’échanges’ ne sont pas
particulièrement pertinents. J’inclurai par exemple à
cette liste de localités les pays producteurs de pétrole tels
que les Etats du Golfe ou Brunei. Les paradis fiscaux tels que les Iles
Cayman pourraient également s’en sortir plutôt bien. Ces
pays, du fait de la nature de leur économie, auraient la capacité
d’adopter un système monétaire basé sur
l’étalon or.
Pour
maintenir des conditions d’échange stables, la plupart des
nations du monde ont une devise liée, de manière formelle ou
informelle, à d’autres devises internationales majeures. Ce lien
peut être fixe, comme c’est le cas pour le dispositif de caisse
d’émission d’Hong Kong, ou plus désinvolte, comme
par exemple la politique non-officielle employée par la Russie en vue
de stabiliser le rouble par rapport au dollar et à l’euro.
En
revanche, si le futur du dollar ou de l’euro ne s’avérait
pas être des plus joyeux, alors ces liens auraient tendance à
tirer les autres devises dans le puits de la dévaluation. C’est
ce qu’il s’est passé lorsque la première devise de
référence internationale, la livre sterling, a
été dévaluée en septembre 1931 ; puis
lorsque le dollar a été dévalué une
première fois en août 1971.
Si
vous jetiez un œil aux performances des devises du monde par rapport
à l’or au cours de cette dernière décennie, vous
pourriez voir que la même chose se produit encore aujourd’hui.
L’un
des choix qui s’offre à ces pays est d’introduire une
devise parallèle liée à l’or. Beaucoup de pays du
monde disposent déjà d’un système de ‘double
devise’ fonctionnel. Les affaires y sont conduites à la fois en
la devise locale – typiquement une forme de monnaie papier à
laquelle on ne peut faire confiance – mais également en
l’une des devises majeures comme par exemple l’euro ou le dollar.
Voilà maintenant des décennies que les touristes Américains
peuvent utiliser leurs dollars dans les boutiques du monde entier. Lorsque la
devise de ces pays souffre de troubles, ils ont tendance à se tourner
vers une devise internationale.
De
la même manière, un gouvernement pourrait introduire une devise
alternative liée à l’or au sein de ses propres frontières
– ou autoriser une organisation privée à le faire. Si le
dollar et l’euro - et les devises domestiques qui y sont liées
– devenaient incertains, alors les gens privilégieraient tout
naturellement la devise liée à l’or. Chaque individu se
tournerait vers la devise alternative, parce que cela
s’avèrerait être à son avantage. Plutôt que
de causer des problèmes, la devise parallèle offrirait une
solution.
De
nombreux Etats des Etats-Unis, à commencer par l’Utah, ont
déjà mis en place des lois visant à introduire une
devise secondaire liée à l’or. En revanche, je vois
là une grande opportunité de mettre en place quelque chose que
nous n’avons encore jamais vu auparavant : une devise
internationale secondaire, liée à l’or, et soutenue par
l’Etat.
Disons
que le gouvernement Russe, avec le soutien de l’Etat Russe, introduise
une devise parallèle liée à l’or. Le lien existant
entre le rouble et le dollar ne serait pas rompu, mais le gouvernement
autoriserait également l’utilisation d’un rouble
lié à l’or. Cette monnaie pourrait être
baptisée le tchervonets d’or, en l’honneur de la devise
liée à l’or introduite par la Russie en 1701 (un
tchervonets valait 3,47 grammes d’or).
Cette
devise pourrait également avoir un rôle international. Disons
qu’une corporation désire émettre des obligations en
tchervonets d’or. Pourquoi ? Parce qu’il existerait une
demande pour ce type d’obligations, et que ces dernières
pourraient permettre à la corporation de lever beaucoup de capital
à des taux excellents. C’est pour cela que les plus grosses
corporations de notre monde lèvent du capital grâce à des
obligations en dollars et en euros, et non en obligations en leur devise
locale.
Où
émettraient-elles de telles obligations ? A Moscou, bien
sûr ! Moscou deviendrait ainsi le centre financier pour toute
dette et obligation en tchervonets d’or (bien que la stabilité
politique et le respect des contrats soit préalablement
nécessaire dans le pays).
De
cette manière, la Russie pourrait donner naissance à un
système monétaire mondial basé sur le tchervonets
d’or plutôt que sur le dollar fiduciaire, ce sans risquer les
troubles qu’engendrerait une transition directe depuis le rouble vers
une devise liée à l’or. Le système monétaire
centré sur le dollar continuerait d’exister, mais la Russie
offrirait une alternative à qui veut – non seulement à
ses propres citoyens, mais à toute la planète.
La
transition n’aurait pas de ‘date officielle’. Les gens
décideraient, un par un, d’arrêter d’utiliser des
dollars – et toute autre devise fiduciaire appartenant au
système dollar-centrique – et de se tourner vers le tchervonets
d’or ou une autre devise alternative liée à l’or.
Nous
atteindrions certainement un point de non-retour une fois qu’une
majorité des échanges internationaux aient été
établis en monnaie liée à l’or, et il n’y
aurait alors plus aucune raison d’utiliser la drôle de monnaie de
Ben Bernanke. Il est difficile de prédire
quand cela se produira, certainement d’ici dix ans voire plus.
Le
fait est que personne n’ait besoin de décider quand cela devra
se produira. La transition se fera naturellement et dans le plus grand calme
en fonction des décisions prises par les habitants de notre monde. Et
ne pensez-vous pas que ce soit là la meilleure façon de tout
changer ?
La
Russie a déjà pris une telle décision par le
passé. En 1922, le tchervonets d’or était
réintroduit par le gouvernement Russe et autorisé à
circuler en parallèle au rouble flottant. En 1947, le rouble fut
rattaché à l’or à hauteur de dix roubles pour un
tchervonets. Il n’y eut alors plus besoin de deux devises
parallèles, et le tchervonets fut abandonné. Il avait bien fait
son travail.
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