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Dans
l’espoir d’en finir une fois pour toutes, Mariano Rajoy a décidé d’administrer un
remède de cheval à l’Espagne. L’ensemble des
mesures qu’il va faire adopter par les Cortes (le parlement espagnol)
représente selon lui 65 milliards d’euros d’économies
ou de revenus supplémentaires sur deux ans et demi, le temps restant
pour s’inscrire dans le nouvel calendrier de réduction du
déficit public que les autorités européennes lui ont
accordé.
En
s’engageant sur une voie comparée par El Pais au plan de triste mémoire
du généralissime Franco de 1959, le premier ministre espagnol
va jusqu’au bout d’une logique qui n’aboutira pas au
résultat recherché. La première conséquence en
est une fuite accrue des capitaux mesurée par la banque suisse UBS
– les nationaux prenant la suite des étrangers qui ont
entamé le processus en mars dernier – qui va plomber les banques
espagnoles dont le sauvetage vient d’être décidé.
La société espagnole va ensuite continuer à basculer, de
plus en plus sinistrée. Les mesures phares du nouveau plan consistent
en une augmentation de trois points du taux standard de la TVA et une
réduction des allocations pour les chômeurs depuis plus de six
mois… Présenté comme destiné à
empêcher un effondrement, il en renforce les conditions.
La
stratégie de désendettement n’est-elle pas arrivée
au bout du rouleau ? Oui, si l’on observe également
l’impasse dans laquelle s’enfoncent les négociations avec
le gouvernement grec et la présentation que fait de la situation
italienne Mario Monti. Les trois partis de la coalition grecque se sont
réunis à la demande du Pasok, mécontent de la prestation
du ministre des finances Yannis Strournaras lors de
la réunion de l’Eurogroupe, dont le
mandat impératif de renégociation du mémorandum a
été réaffirmé. Combien de temps cet assemblage
va-t-il tenir, si l’intransigeance des autorités
européennes n’est pas assouplie ? En un an, d’avril
à avril, le chômage a augmenté de près de 40% en
Grèce, atteignant 22% de la population active, 50% des jeunes non
scolarisé de 15-24 ans, près du tiers des 25-34 ans et plus du
quart des femmes.
Devant
l’assemblée annuelle de l’Association des banques
italiennes, Mario Monti a déclaré « nous sommes en
guerre, une guerre très difficile », faisant
référence à celle qu’il mène contre
l’injustice dont l’Italie serait l’objet,
préférant ignorer le sentiment partagé par les
investisseurs selon lequel le pays n’est pas capable de gérer sa
dette colossale. Ignazio Visco,
le gouverneur de la Banque d’Italie, a de son côté
renouvelé sans grande chance d’être entendu ses appels
à la reprise des interventions de la BCE sur le marché
secondaire, afin de détendre les taux obligataires italiens.
Au
Portugal, la discussion monte à propos de la nécessité
de renégocier le calendrier du plan de sauvetage en profitant
du précédent espagnol. En Irlande, les résultats du 1er
trimestre rendent peu vraisemblable que le gouvernement puisse atteindre ses
objectifs budgétaires de fin d’année, tandis que les
autorités communautaires ouvrent le dossier du transfert direct
rétroactif de l’aide accordée aux banques via
l’État afin de soulager les finances de ce dernier. Mais
l’exemple espagnol, qui a vu ce principe affirmé avant que son
application ne soit repoussé à une
date désormais indécise, n’incite pas à
l’optimisme.
Dans
l’espoir de pouvoir contribuer à une inflexion de
l’intransigeance allemande qui continue de ruiner malgré des
espoirs prématurés la perspective d’un plan A’ de
désendettement, François Hollande cherche à faire
adopter la « règle d’or » budgétaire. Semblant
pencher pour la solution d’une loi organique qui ne demanderait pour
être adoptée qu’une majorité simple (au contraire
d’une modification de la constitution) et présenterait
l’avantage de ne pas avoir à faire appel aux voix de
l’opposition, surtout si des défections étaient
enregistrées parmi les élus socialistes. L’histoire
tranchera, est-il d’usage de dire quand une décision doit
être prise en forçant le destin. En la circonstance, prendre
cette décision alors qu’un tournant devient de plus en plus
inévitable sous la contrainte des faits ne permet pas de se
réfugier derrière l’excuse de ne pas avoir le choix.
L’autre expression qui vient sous la plume est d’être
l’artisan de sa propre défaite.
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