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Cours Or & Argent

En défense de l’Euro III - L’hétéroclite « Coalition anti-euro »

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Publié le 06 août 2012
2659 mots - Temps de lecture : 6 - 10 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

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4.      L’hétéroclite « Coalition anti-euro »



Il convient de mentionner brièvement, l’amalgame hétérogène et bigarré que forment les ennemis de l’euro, car il est à la fois curieux et illustratif. Il comprend des éléments aussi disparates que les doctrinaires d’extrême gauche et d’extrême droite, les keynésiens nostalgiques ou irréductibles comme Krugman, les monétaristes dogmatiques défenseurs des taux de change flexibles comme Barro et d’autres, les adeptes de la théorie des zones monétaires optimales de Mundell, les chauvinistes apeurés du dollar (et de la livre) et, enfin, la légion de défaitistes perplexes qui « devant l’imminente disparition de l’euro » proposent de le dynamiter et l’abolir au plus tôt ![1]


La preuve la plus claire de l’exactitude de l’analyse, faite par Mises, de l’effet disciplinant qu’exercent sur la démagogie politique et syndicale les taux de change fixes et, surtout, l’étalon-or, est sans doute la suivante : c’est la façon dont les leaders des partis politiques de gauche, les syndicalistes, les formateurs d’opinion « progressistes », les « indignés antisystème », les politiques d’extrême droite et, en général, tous les amis de la dépense publique, des subventions étatiques et de l’interventionnisme se rebellent, ouvertement et frontalement, contre la discipline qu’impose l’euro et, en particulier, contre la perte d’autonomie de chaque pays en matière de politique monétaire et son corollaire : la dépendance, si décriée, vis-à-vis des marchés, des spéculateurs et des investisseurs internationaux quand il s’agit de placer la dette publique souveraine croissante qu’exige le financement des déficits publics continuels. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les éditoriaux des journaux les plus à gauche,[2] ou de lire les déclarations des politiques les plus démagogues,[3] ou des syndicalistes les plus notables, pour constater qu’il en est ainsi et qu’aujourd’hui, comme dans les années trente du siècle dernier, les ennemis du marché et les défenseurs du socialisme, de l’Etat-providence et de la démagogie syndicaliste protestent tous contre « la discipline rigide que nous imposent l’euro et les marchés financiers ». Ils réclament la monétisation immédiate de toute la dette publique qui sera nécessaire, sans accepter, en contrepartie, aucune mesure d’austérité budgétaire ni aucune réforme qui stimule la compétitivité.


On assiste dans le milieu universitaire, avec une ample répercussion dans les médias, à une forte offensive des théoriciens keynésiens contemporains contre l’euro, qui n’est comparable, par son agressivité, qu’à celle entreprise par Keynes contre l’étalon-or dans les années trente du siècle dernier. Le cas de Krugman[4] est particulièrement significatif. En tant que chroniqueur syndiqué, il répète presque chaque semaine cette vieille rengaine : l’euro implique l’existence d’un « corset insupportable » pour la reprise de l’emploi. Il se permet même de reprocher à l’Administration nord-américaine si gaspilleuse de n’être pas suffisamment expansive et d’avoir été chiche dans ses stimulants fiscaux (par ailleurs considérables).[5] L’opinion de Skidelsky, plus intelligente et plus savante, n’en est pas moins erronée ; cet auteur a le mérite d’expliquer que la théorie autrichienne du cycle économique[6] est la seule option qui puisse remplacer celle de son Keynes bien-aimé, et reconnaît clairement que la conjoncture actuelle suppose, en fait, une répétition du duel qui opposa Hayek à Keynes durant les années trente du siècle dernier.[7]


Plus étrange encore est la position que défendent les théoriciens néoclassiques des taux de change flexibles et, en particulier, les monétaristes et les membres de l’Ecole de Chicago.[8] Il semble que, dans ce groupe, prévale la sympathie pour les taux de change flexibles et le nationalisme monétaire sur le désir (que nous supposons sincère) d’encourager des réformes de libéralisation économique. Ils considèrent, en effet, primordial de maintenir l’autonomie de la politique monétaire et de pouvoir dévaluer (ou déprécier) la monnaie locale afin de « récupérer la compétitivité » et d’absorber le chômage au plus tôt et, seulement plus tard, d’essayer, éventuellement, de promouvoir des mesures de flexibilité et libéralisation. Leur ingénuité est extrême ; nous y avons fait allusion à propos des raisons de l’affrontement entre Mises, pour le côté autrichien, et Friedman, pour l’Ecole de Chicago, sur la question des taux de change fixes et flexibles. Mises a toujours vu clairement que les politiques prenaient difficilement des mesures bien orientées, sauf s’ils y étaient littéralement obligés, et que les taux flexibles et le nationalisme monétaire balayaient pratiquement tout stimulant effectif capable de discipliner les politiques et de mettre fin à la « rigidité à la baisse » des salaires (qui devient ainsi une sorte d’acquis que monétaristes et keynésiens acceptent inconditionnellement), et aux privilèges des syndicats et autres groupes de pression. Et que, pour cette raison, les monétaristes se transformaient, à la longue et bien malgré eux, en alliés des vieilles doctrines keynésiennes : « la compétitivité une fois récupérée », les réformes sont ajournées et, pire encore, les syndicats s’habituent à ce que les effets pernicieux de leurs politiques de restriction restent toujours masqués par des dévaluations successives.


Cette contradiction latente entre la défense du marché libre et l’appui au nationalisme et la manipulation monétaire à l’aide des taux « flexibles » se retrouve chez de nombreux adeptes de l’interprétation la plus généralisée de la théorie de Robert A. Mundell sur les « zones monétaires optimales ».[9] Ces dernières seraient celles où il y aurait « préalablement » une grande mobilité de tous les facteurs de production car, au cas contraire, il vaudrait mieux les compartimenter avec des monnaies à étendue plus limitée, pour permettre une politique monétaire autonome face à un quelconque « choc externe ». Mais nous devons nous demander : ce raisonnement est-il correct ? Nullement : la source principale de rigidité dans les marchés du travail et des facteurs de productions vient de, et est consacrée par, l’intervention et la régulation étatique des marchés. Ainsi, il est absurde de penser que les états et leurs gouvernants vont commencer par se faire hara-kiri, en renonçant à leur pouvoir et en trahissant leur clientèle politique, dans le but d’adopter ensuite une monnaie commune. La réalité est tout autre : ce n’est qu’après être entrés dans une monnaie commune (l’euro, pour nous) que les politiques ont été obligés de faire des réformes qui étaient inimaginables hier encore. Comme le dit Walter Block : « …government is the main or only source of factor immobility. The state, with its regulations… is the prime reason why factors of production are less mobile than they would otherwise be. In a bygone era the costs of transportation would have been the chief explanation, but with all the technological progress achieved here, this is far less important in our modern ‘shrinking world’. If this is so, then under laissez-faire capitalism, there would be virtually no factor immobility. Given even the approximate truth of these assumptions the Mundellian region then becomes the entire globe -precisely as it would be under the gold standard- ».[10] Et cette conclusion de Block est également applicable à la zone euro, dans la mesure où celui-ci agit comme un « proxy » de l’étalon-or qui discipline et limite le pouvoir arbitraire des politiques des états membres de la zone


Il convient de noter que keynésiens, monétaristes et mundelliens sont dans l’erreur parce qu’ils raisonnent exclusivement sur la base d’agrégats macroéconomiques et proposent ainsi un ajustement très semblable, fondé sur la manipulation monétaire et fiscale, le « fine tuning », et les taux de change flexibles. Tout le travail à faire pour sortir des crises est donc, d’après eux, du ressort des modèles macroéconomiques et de l’ingénierie sociale. Ainsi, la profonde distorsion microéconomique qu’introduit la manipulation monétaire et fiscale dans la structure des prix relatifs et dans le réseau des biens d’investissement est totalement ignorée. Une dévaluation (ou dépréciation) forcée met tout le monde dans le même sac : elle implique une chute subite en pourcentage, chute linéaire et identique pour tous, du prix des biens et services de consommation et des facteurs de production. Cela donne l’impression à court terme d’une récupération intense de l’activité économique et d’une grande réabsorption du chômage mais, en réalité, fausse complètement la structure des prix relatifs (car, en l’absence de manipulation monétaire, certains prix devraient avoir chuté davantage, d’autres moins, et d’autres ne devraient pas chuter du tout mais plutôt monter), induit à une mauvaise allocation généralisée des ressources productives et crée un trauma profond que n’importe quelle économie met des années à surmonter.[11] C’est là l’analyse microéconomique axée sur les prix relatifs et la structure de la production que les théoriciens de l’Ecole Autrichienne[12] ont traditionnellement développée et qui, en revanche, est totalement absente des instruments d’analyse des théoriciens opposés à l’euro.


Enfin, et en dehors du contexte purement universitaire, l’insistance avec laquelle les économistes, investisseurs et analystes financiers anglo-saxons s’obstinent à discréditer l’euro et à lui augurer un avenir des plus obscurs est assez suspecte. Cette impression se renforce au vu de la position hypocrite des différentes Administrations des Etats-Unis (et , dans une moindre mesure, du Royaume-Uni) qui souhaitent (du bout des lèvres) que la zone euro « mette de l’ordre dans son économie », et oublient volontairement de mentionner que la crise financière est née de l’autre côté de l’Atlantique ; ce qui signifie qu’elle est issue du manque de contrôle et des politiques expansionnistes menées durant des années par la Réserve Fédérale et dont les effets ont contaminé le monde par l’intermédiaire du dollar, utilisé comme monnaie de réserve internationale. La pression exercée pour que la zone euro se lance dans des politiques monétaires au moins aussi expansives et inconscientes (« quantitative easing ») que celles entreprises aux Etats-Unis, est presque insupportable, et doublement hypocrite, car ces politiques sonneraient, sans aucun doute, le glas de la monnaie unique européenne.


Cette position du monde politique, économique et financier anglo-saxon ne cacherait-elle pas la crainte que l’avenir du dollar, en tant que monnaie de réserve internationale, ne soit menacé si l’euro survit et se montre capable de lui faire concurrence dans un futur assez proche ? Tous les indices montrent que cette interrogation est de plus en plus pertinente et, même si aujourd’hui elle ne semble pas encore politiquement correcte, elle met le doigt sur la plaie des analystes et responsables du monde anglo-saxon : l’euro naît comme un rival du dollar potentiellement redoutable au niveau international.[13]


La coalition anti-euro regroupe, comme on le voit, des intérêts très variés et puissants. Chacun se méfie de l’euro pour des motifs différents. Mais tous coïncident de la façon suivante : les raisons sur lesquelles se fonde leur opposition à l’euro seraient identiques et seraient même avancées avec plus de vigueur si, au lieu de concerner la monnaie unique européenne, elles devaient s’opposer à l’étalon-or classique comme système monétaire international. Il existe, de fait, une grande similitude entre les forces qui se sont alliées dans les années trente pour forcer l’abandon de l’étalon-or et celles qui prétendent, sans succès jusqu’ici, réintroduire en Europe un nationalisme monétaire périmé. Nous l’avons dit, il a été beaucoup plus facile techniquement d’abandonner l’étalon-or que ne le serait aujourd’hui, pour n’importe quel pays, quitter l’Union Monétaire. Il n’est donc pas étonnant que l’on tombe souvent dans un défaitisme impudent : on annonce la catastrophe et l’impossibilité du maintien de l’Union Monétaire, pour proposer comme « solution », tout de suite après, son démantèlement immédiat. On convoque même des concours internationaux (en Angleterre, patrie de Keynes et du nationalisme monétaire) auxquels participent des centaines d’ « experts » et de songe-creux, qui proposent chacun la manière la meilleure et la plus inoffensive de dynamiter l’Union Monétaire européenne.[14]



A suivre


 

 



[1] Je n’inclus pas ici l’analyse de mon cher disciple et collaborateur Philipp Bagus (The Tragedy of the Euro, The Lusdwig von Mises Institute, Auburn, Alabama, U.S.A. 2010) car, du point de vue allemand, la manipulation à laquelle La Banque Centrale Européenne soumet l’euro menace la stabilité monétaire traditionnelle dont jouissait l’Allemagne avec le mark. Son argument, d’après lequel l’euro a stimulé les politiques irresponsables par un effet typique de tragédie des biens communaux, me paraît plus douteux car, durant la période de bulle, la plupart des pays qui ont aujourd’hui des problèmes, sauf la Grèce, étaient en situation d’excédent (ou en étaient bien proches). Je crois donc que Bagus aurait mieux fait d’intituler son livre, par ailleurs excellent, la tragédie de la Banque Centrale Européenne (et non de l’euro), compte tenu surtout des graves erreurs commises par la Banque Centrale Européenne à l’époque de la bulle et dont nous parlerons plus bas (je remercie Juan Ramón Rallo de m’avoir suggéré cette idée).

[2] La ligne éditoriale de l’ancien journal espagnol Público fut, en ce sens, représentative (voir aussi, par exemple, le cas d’Estefanía 2011 et de sa critique contre la réforme de l’article 135 de la Constitution espagnole qui consacre le principe anti-keynésien de stabilité et équilibre budgétaires).

[3] Voir, par exemple, les déclarations du candidat socialiste à la présidence de la France, pour qui ”le chemin de l’austérité est inefficace, létal et dangereux” (Hollande 2012), ou de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen qui déclare : ”nous devons revenir au franc et fermer une fois pour toutes la parenthèse de l’euro” (Martín Ferrand 2012)

[4] Par exemple, entre autres articles, celui de Krugman 2012.

[5] Le déficit public des Etats Unis s’est situé entre 10 et 8,2 % durant les trois derniers exercices et représente quasiment plus du triple du déficit allemand qui n’a été que de 1% en 2011.

[6] Voir l’explication moderne de la théorie autrichienne du cycle dans Huerta de Soto 2011a.

[7] Skidelsky 2011.


[8] Les économistes de ce groupe sont très nombreux ; la plupart viennent de la zone dollar-livre ! On peut citer, entre autres, les cas de Robert Barro (2012), Martin Feldstein (2011) et de l’assesseur du président Barak Obama, Austan Golsbee (2011). Pour ce qui est de chez nous, il faut inclure dans ce groupe, quoique pour des raisons diverses, des économistes prestigieux tels Pedro Schwartz, Francisco Cabrillo ou Alberto Recarte.

[9] Mundell 1961.

[10] Block 1999, 21.

[11] Voir l’excellente analyse, développée par Whyte 2012, du grand mal que cause la dépréciation de la livre en Angleterre ; pour les Etats Unis, consulter Laperriere 2012.

[12] Huerta de Soto 2011a.

[13] “The euro, as the currency of an economic zone that exports more than the United States, has well-developed financial markets, and is supported by a world class central bank, is in many aspects the obvious alternative to the dollar. While currently it is fashionable to couch all discussions of the in doom and gloom, the fact is that the euro accounts for 37 percent of all foreign exchange market turn over. It accounts for 31 percent of all international bond issues. It represents 28 percent of the foreign exchange. reserves whose currency composition is divulged by central banks” (Eichengreen 2011, 130). Guy Sorman a, pour sa part, fait allusion à ”l’attitude ambiguë des experts et acteurs financiers des Etats Unis. Ils n’ont jamais aimé l’euro parce qu’il rivalise, par définition, avec le dollar : les soi-disant experts américains, dociles à des ordres reçus, nous ont expliqué que l’euro ne pourrait pas survivre sans un gouvernement économique central et un système fiscal unique” (Sorman 2011). Il est clair, en définitive, que les partisans de la concurrence entre monnaies devraient orienter leurs efforts contre le monopole du dollar (par exemple, en appuyant l’euro), plutôt que de défendre la réintroduction et la concurrence entre ”petites monnaies” locales (drachme, escudo, peseta, lire, livre, franc et, même, mark).

[14] Tel est le cas, par exemple, du concours convoqué au Royaume-Uni par Lord Wolfson, propriétaire des magasins Next, auquel se sont présentés rien moins que 650 ”experts” et faiseurs de projets. Si l’hypocrisie de ce genre d’initiatives, toujours prises hors de la zone euro (spécialement dans le monde anglo-saxon par ceux qui craignent, haïssent ou méprisent l’euro), n’était pas aussi évidente et grossière, il faudrait être reconnaissant à leurs auteurs du gros effort et de l’intérêt qu’ils manifestent pour le destin d’une monnaie qui, en fin de compte, n’est pas la leur.

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tres beau plaidoyer qui sonne en finalite le glas de l'euro
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...Il convient de mentionner brièvement l'homogénéité des défenseurs du système des banques centrales :
Les crapules bancaires et leurs agents politiciens corrompus qui profitent criminellement de l'argent dette de création privée .

L'euro comme le dollar sont émis au seul profit des banquiers , au seul profit des fortunes déjà richissimes comme le démontre aisément les sauvetages en série uniquement des bancaires , à coup de milliers de milliards tirés du néant.
Les gouvernements apportent à ce gigantesque holdup le cautionnement d'état gagé sur l'or et les biens des nations à vendre à l'encan.

L'économie réelle peut crever ainsi que la population , vampirisés par le système fiscal d'un état tombé au service des banques pour rembourser une dette odieuse car crée de toute pièces par des lois sur mesure qui bafouent ouvertement la constitution .
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change miramar - 06/08/2012 à 10:22 GMT
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