Tout au long
des 150 années qui viennent de s’écouler, tout
particulièrement pour ce qui concerne la sphère politique
Américaine, une devise manipulée (ou argent flou) a
été favorisée pour satisfaire les intérêts
de gauche du parti Démocrate. Un système d’étalon
or (ou de monnaie saine) a en revanche été favorisé par
les intérêts de droite du parti Républicain.
C’est
pourquoi l’argent flou a été avancé comme le
meilleur ami de l’ouvrier, dans le même temps que la monnaie
saine s’est vue présentée comme la grande favorite des
banquiers et de la classe capitaliste – un mécanisme au travers
duquel les créanciers avares auraient pu la distribuer aux malheureuses
masses. Cette conjecture n’a bien heureusement pas été
mise à l’épreuve, puisque les Etats-Unis ont
conservé leur monnaie saine jusqu’en 1971.
Cette
assertion est-elle correcte ? Lors des élections
présidentielles de 1896, les Démocrates réclamaient ce
qui reviendrait à une dévaluation du dollar de 50% par le biais
de la frappe libre d’argent. La valeur de l’argent avait
considérablement chuté par rapport à celle de l’or
au début des années 1870 et ce, pour la première fois de
l’Histoire. Les Démocrates souhaitaient permettre aux
agriculteurs surendettés de rembourser leur dette en argent peu cher
plutôt qu’en or.
Cela a
débouché sur un discours dont les
Etats-Unis se sont longtemps souvenus. William Jennings
Bryan, candidat Démocratique aux élections
présidentielles, a décrété que de réclamer
le remboursement des dettes en or (comme le stipulent les contrats de
prêt) ne ferait que crucifier les agriculteurs surendettés.
Avec
derrière lui la force de production de sa nation et du reste du monde,
avec le support des intérêts commerciaux et des travailleurs, il
a répondu à la demande du maintien de l’étalon or
en s’écriant ‘ne forcez pas cette couronne
d’épines sur le front des travailleurs, ne crucifiez pas la race
humaine sur une croix d’or !’.
Mais la force
de production n’a pas avalé ses propos. Cette
année-là, les électeurs Américains – en
majorité des agriculteurs et des ouvriers – ont voté pour
McKinley à 51 contre 46% des voix. Peu de temps après, le Gold
Standard Act de 1900 a coordonné la loi avec
la réalité monétaire en faisant du système
monétaire des Etats-Unis un système monométallique, tout
comme l’avait fait le Royaume-Uni en 1816.
Il est vrai
que dévaluer la devise en 1896 aurait facilité le paiement des
dettes. Mais cela aurait également contribué à la
diminution du salaire de tous, ainsi que de l’épargne est des
actifs financiers. Bien qu’il y ait beaucoup de choses à dire au
sujet des effets de la dévaluation d’une devise sur
l’économie, il est généralement suffisant de
préciser que les travailleurs ne sortent pas enrichis de la diminution
de leurs salaires par la dévaluation. ‘Il est impossible de
dévaluer son chemin vers la prospérité’, comme on
dit.
A
l’époque, un membre de la classe capitaliste du nom
d’Andrew Carnegie affirmait le
contraire: selon lui, une devise saine était la meilleure
alliée de l’homme commun, alors qu’une devise flottante
offrait un avantage injuste aux spéculateurs et aux hommes des
finances.
Rien ne peut
placer le fermier, l’ouvrier et toute personne qui ne soit en rien en
connexion avec les affaires financières dans une situation plus
désavantageuse qu’une monnaie changeante… Dans les moments
difficiles, lorsque les prix grimpent et descendent, que la valeur de
l’article utilisé comme monnaie fait des acrobaties et que les
eaux se troublent, les spéculateurs attentifs saisissent le gros
poisson et remplissent leur seau de leurs victimes… Ainsi, les
agriculteurs, fermiers et tous ceux qui reçoivent un salaire ou
vendent leur production sont ceux à qui bénéficie le
plus la fixation de la valeur de ce qu’ils utilisent comme monnaie.
Si vous souhaitez
voir ce qui arrive à une société qui traverse de
nombreux épisodes de chaos monétaire, observez
l’Amérique Latine. Les riches familles d’Amérique
Latine ont appris il y a bien longtemps comment gérer les crises
périodiques qui ont ravagé cette région du monde au
cours du siècle dernier. Elles conservent généralement
leurs actifs à l’étranger en période de
dévaluation de devises, et les utilisent plus tard pour se procurer
des produits domestiques pour peu cher. Le travailleur moyen n’a pas
les capacités d’en faire autant, et se retrouve avec un salaire
et une épargne dévalués en parallèle à sa
devise. Avec le temps, la société tend à bifurquer et
à être divisée entre une masse de citoyens pauvres et un
petit nombre d’oligarques – ainsi que des multinationales
étrangères, notamment des banques, qui viennent remplacer les
entreprises locales lorsqu’elles se trouvent au plus bas.
Aujourd’hui,
nombreux sont ceux qui pensent que la Grèce devrait quitter la zone
Euro et introduire une nouvelle devise dont la seule raison d’être
serait apparemment d’être dévaluée. Ces gens, pour
la plupart, viennent des Etats-Unis et d’Angleterre, des pays qui ont
une histoire de gestion monétaire relativement stable. Pour le peuple
Grec, en revanche, la situation est toute autre. Un sondage
mené en mai indiquait que 71% des Grecs désirent conserver
l’euro, et que seulement 23% d’entre eux voudraient que la
drachme soit réintroduite.
Un bref coup d’œil à l’histoire de la drachme suffit
à expliquer cette opinion. Au début des années 1980, la
drachme s’échangeait à hauteur de 50 drachmes par dollar.
Lorsque l’euro fut introduit au début de l’année
1999, il fallait 280 drachmes pour acheter un dollar. La valeur de la
drachme avait été divisée par six.
Les Grecs
savent ce qu’est l’argent flou. Et ils ne
l’apprécient pas.
Il arrive
souvent que les intentions des avocats de l’argent flou soient bonnes.
Ils ne désirent rien de plus que venir en aide à la classe
moyenne endettée et sans emploi. Leur problème, c’est le
moyen qu’ils utilisent pour y parvenir : la distorsion
monétaire des relations économiques. Ils perçoivent
souvent les avocats de la monnaie saine comme des avares qui complotent
contre les destitués.
A cette
attaque, les avocats d’une monnaie saine rétorquent que pour
venir en aide aux destitués et à ceux qui se trouvent en
difficultés, il faut utiliser d’autres alternatives.
Réduisez le poids de leur dette en leur offrant des termes de
banqueroute indulgents. Réduisez leurs taxes. Offrez-leur une
assistance médicale universelle. Beaucoup de choses peuvent être
faites.
Ne touchez pas
à la monnaie. Cela ne fait que créer plus de problème
que d’en résoudre.
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