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En ces périodes troublées, les
français détiennent le record de détention de stock
d’or privé dans le monde. Cependant, on peut bien semer de
l’or mais rien ne poussera et on peut difficilement le manger. C’est
donc de la thésaurisation,
c’est-à-dire une
épargne qui n’est pas convertie en investissement productif dans
l’économie réelle. Mais l’or a toujours
joué le rôle de valeur refuge. Quand les ménages
n’ont plus confiance dans les autres actifs dans lesquels ils peuvent
convertir leur épargne, alors ils se réfugient sur l’or.
Et comme tout le monde fait le même raisonnement, le cours de
l’or s’envole.
Les gens cherchent toujours à
protéger leur revenu, c’est-à-dire le fruit du travail
difficilement arraché à la nature. C’était la
fonction première du souverain : protéger les routes et les
villages et assurer la sécurité des moyens de transport et des
individus qui pouvaient voir à tout moment leur revenu dérober
par les bandits de grand chemin ou les attaques des barbares. Mais quand la
noblesse est devenue elle-même spoliatrice et parasitaire, la
révolution était inévitable. C’est aussi la
fonction initiale des banques qui garantissaient la sécurité
des dépôts par la mise à disposition de coffres bien gardés.
C’est donc un réflexe naturel et
humain, notamment parce que les gens veulent pouvoir faire un usage du revenu
gagné dans le futur. Ils vont donc rechercher des actifs dans lesquels
ils vont pouvoir placer leur épargne. En temps normal, quels sont donc
les autres actifs sur lesquels les ménages pourraient convertir leur
épargne ?
Le premier placement recommandé est
traditionnellement la pierre, c’est-à-dire les actifs immobiliers. Mais le secteur immobilier ne se
développe qu’en période de croissance, en vertu de
l’adage qui dit que « quand le bâtiment va, tout va !
». En fait, il faudrait dire l’inverse :«
quand tout va, le bâtiment va ! ». Les gens trouvent du travail,
ils ont de bonnes perspectives de revenus et la première acquisition
est d’acheter ou faire construire leur maison. La crise a donc
frappé le secteur immobilier, foudroyé par la
spéculation immobilière. De plus, les mesures
réglementaires de contrôle des loyers ou de protection des
locataires, qui augmente le risque de loyers impayés, ne rendent plus
cet investissement attractif. Alors les épargnants se
détournent des actifs immobiliers.
Les ménages peuvent aussi acheter des
actions sur les marchés financiers, c’est-à-dire
convertir leur épargne en actifs
financiers. Mais là encore, c’est un investissement
d’autant plus risqué que la croissance économique
n’est plus au rendez-vous sachant que, sur de longues périodes,
les indices boursiers suivent le trend de croissance du PIB. Alors, les
ménages ont peur d’un krach boursier toujours annoncé.
Et, en cas de bon placement, qui permet de réaliser des gains
boursiers (dividendes, plus-values boursières), ils seront
rattrapés par la fiscalité sur le capital, qui rend moins
attractifs les actifs financiers.
Remarquons au passage que la mise en place
d’une fiscalité sur le capital a été
justifiée par le souci égalitariste d’améliorer
une fiscalité qui portait uniquement sur le travail. Mais ce
raisonnement procède d’une vision erronée de
l’économie en termes de classes, comme s’il existait deux
entités distinctes et opposées appelées le capital et le
travail. Mais sans travail, il n’y a pas de capital et sans capital, on
ne peut engager du travail productif.
Pour comprendre, illustrons ce propos par un
exemple simple. Un ménage perçoit un revenu grâce
à son travail. Il paiera à ce titre l’impôt sur le
revenu, qui est donc l’impôt sur le travail. Mais ce
ménage, qui a le souci du futur et de ses enfants, épargne une
partie de son revenu pour se constituer un patrimoine (un portefeuille
d’actifs). A ce titre, il paiera un impôt sur le capital.
Finalement, le ménage et son revenu ont été
frappés deux fois, car c’est bien le revenu de son travail qui a
été épargné en vue de la constitution de son
patrimoine. Ainsi, la mise en place
d’une fiscalité sur le capital accroît la charge sur le
travail considérant le fait simple que le capital n’est que du
travail accumulé.
C’est l’éternelle histoire
de Robin des bois qui ne volait pas les «
riches » pour redistribuer aux« pauvres » comme veut nous
le faire croire une vision marxisante de l’histoire. Mais il est vrai
que Marx avait l’objectif de proposer une clé simple (simpliste
?) de lecture de toute l’histoire de l’humanité qui se
réduirait à une opposition entre deux classes. Un
prêt-à-penser bien commode pour qui ne veut pas se donner la
peine de réfléchir un peu sur la profondeur et la puissance des
mécanismes économiques. Robin des bois – un noble faut-il
le rappeler ? – s’est révolté face à un roi
illégitime qui avait pris la place du roi légitime (retenu prisonnier
en France) et qui se servait des caisses du trésor royal pour assouvir
ses ambitions personnelles, décrétant des impôts
forcément illégitimes. Alors Robin des bois n’a fait que
reprendre dans les caisses du trésor cet argent spolié pour le
rendre aux contribuables étranglés.
Revenons à nos ménages et
à leur dilemme d’épargnants. Nous avons vu qu’ils
se détournent de l’immobilier et de la bourse. Que leur
restent-t-ils comme possibilités ? Ils peuvent tout simplement
déposer leur épargne à la banque sur des produits
bancaires (livret A, développement durable…). Mais, en pleine
crise bancaire, ils ont perdu confiance dans leur banque et le système
bancaire dans son ensemble. Dans certains pays comme l’Espagne ou
l’Italie, les ménages se réfugiaient au guichet de leur
banque pour vider leur compte et récupérer leur argent en
liquide de peur que la banque fasse faillite le lendemain, au risque de
provoquer une telle faillite. Dans ce contexte, comment les banques
françaises pourraient-elles être protégées ? La
panique bancaire, à l’instar du nuage de Tchernobyl, se
serait-elle arrêtée à nos frontières alors que les
circuits bancaires sont désormais interconnectés et
mondialisés ?
Mais que faire de tout cet argent liquide ?
Certains le placèrent dans un coffre chez eux mais ils ont tout perdu
en un cambriolage. Et même sûrement à l’abri des
regards et des convoitises, conserver de la monnaie sous forme liquide
présente un risque à terme : elle perd son pouvoir
d’achat à cause de l’inflation.
Ainsi, quand tous les actifs (immobilier,
financier, bancaire ou monétaire) ont perdu leur attractivité
parce qu’ils présentent trop de risques, moins de rendements et
plus de fiscalité, l’or apparaît comme le refuge en
dernier ressort (avec les œuvres d’art ce qui explique
l’envolée du marché de l’art hautement
spéculatif).
Mais ce n’est pas une bonne nouvelle,
c’est même un mauvais signe pour l’économie qui
traduit une perte de confiance des ménages voire une véritable
crise de confiance. Et sans la confiance, qui est le carburant psychologique
de l’économie, la croissance a peu de chance de revenir
durablement.
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