Une
nouvelle notion fait florès, le coût du travail, dont on
n’a pas fini d’entendre parler. Et si l’on en parle tant,
c’est parce que bien évidemment il va falloir le diminuer.
Pourquoi ? Parce qu’il faut améliorer la
compétitivité des entreprises. Comment ? En diminuant les
charges sociales (patronales) et en augmentant en contre-partie
la CSG, par exemple.
Il
s’agit donc d’un transfert de charge du travail au revenu (ou
à la consommation, si la TVA est augmentée), qui paraît
difficilement destiné à accroître la consommation
intérieure, on s’en doute, mais à aider les entreprises à
affronter le marché international avec des prix plus bas. A moins
qu’elles n’augmentent tout simplement leurs marges, ou que cela
ne crée un « choc d’offre » sur le marché
intérieur (une autre notion qui va faire fureur, voir plus loin).
Comment
est calculé le coût du travail ? Là, cela se complique,
car tout le monde n’intègre pas les mêmes données.
La base du calcul résulte de l’addition des salaires et charges
sociales et impôts, en soustrayant les subventions publiques. Mais il
peut y être ajouté, selon les cas, les coûts de
recrutement, de formation et de licenciement. Les comparaisons n’en
ressortent pas facilitées… Mais alors, le coût du travail
est-il particulièrement élevé en France ? Selon une
étude de l’Insee portant sur la période 1966-2008, il est
équivalent à celui de l’Allemagne, ce qui tendrait
à montrer que là n’est peut-être pas la question,
mais qu’importe !
D’ailleurs,
le coût du travail est-il le seul paramètre sur lequel il est
possible d’agir pour augmenter la compétitivité ? Pas du
tout, une analyse commune des centrales syndicales (exception faite de la
CGT) et des organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) en a
identifié d’autres : l’innovation ou la qualité et
le savoir-faire de la main d’œuvre. Oublions-les !
Carlos
Goshn, le PDG de Renault et de Nissan, a de son
côté analysé la situation et déclaré que
« l’Europe est confrontée à un super
problème de compétitivité ». Quelle solution
voit-il ? Il constate un problème de sur-capacité
: « ce n’est pas un problème provisoire mais sur le long
terme » diagnostique-t-il. Amenant à penser que la diminution du
coût du travail ne réglera rien et que le remède est
ailleurs, dans sa « flexibilité ». C’est le
deuxième volet des réformes en préparation.
Le
gouvernement français, on le sait désormais, est en faveur de
la « sécurisation de l’emploi », celui-ci doit
devenir « plus souple » pour les entreprises et « plus
protecteur » pour les salariés (on a l’impression
d’entendre Christine Lagarde, directrice générale du FMI,
réclamant à la fois des actions en faveur de la croissance et
de la diminution des déficits publics…). En
réalité, il est également question de permettre aux
employeurs de réduire le temps de travail – et la
rémunération – moyennant une contrepartie qui, comme déjà
vu, peut se résumer à… la conservation de son emploi.
Heureusement,
les avis éclairés ne manquent pas sur la question. Jean-Paul Chifflet, le nouveau président de la
Fédération bancaire française, a déclaré :
« à ce stade, dans les actes qui ont été
posés, nous trouvons que les décisions qui sont portées
ne vont pas dans le sens de la compétitivité ». «
Il faut faire mieux, il faut faire plus, il faut faire plus fort »,
a-t-il ajouté en retrouvant le sens de la simplicité.
L’économiste
Elie Cohen a de son côté fait remarquer que « les pays comparables,
qui ont eu des problèmes de compétitivité il y a une
dizaine d’années, ont massivement transféré les
charges qui pesaient sur le travail vers le revenu ou la consommation,
créant un choc d’offre. Ils sont ainsi parvenus à
redresser leur compétitivité ».
La
notion de « choc d’offre » est utilisée par les
économistes pour désigner une modification importante des
conditions de la production – dans ce cas une baisse des prix –
pouvant aboutir à une augmentation de la consommation plus ou mois durable. Hypothèse qui demande pour le moins
à être vérifiée dans le contexte actuel, qui
n’est pas exactement celui d’il y a dix ans. Cela ne supprime pas
le principal mérite de ce mystérieux « choc » :
impressionner les esprits ! C’est peut-être pour cela que le
premier ministre préfère déjà évoquer une
« stratégie de compétitivité », moins
brutale pour ceux qui vont la financer. Les arbitrages ne sont pas rendus.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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