Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Jean-Michel Steg était le 12 octobre
dernier sur le plateau des « Experts » de BFM radio.
Ce n'est pas n'importe qui Monsieur Steg.
Ancien de Goldman Sachs, où il avait passé trois ans, c'est un
monsieur qui a un total de trente ans d'expérience dans la banque.
Diplômé d'Harvard, c'est un profil très anglo-saxon, qui
passa seize ans chez Lazard (dont dix à New York), avant
d'enchaîner avec BZW à Paris. Bref, c'est sans doute quelqu'un
de sérieux et de bien informé et il pilote désormais
Blackstone France (le gros fonds américain).
Sur le plateau de BFM donc, il a tout simplement déclaré
que « en France, on ne bougera vraiment que le jour où on mettra
sa carte de crédit dans l’ATM – le distributeur
automatique – et que ça ne sortira pas… Je pense que ce
jour-là se profile ».
Bon, là, sur plateau, il y a eu un gros silence. Très
gros silence. Il a fallu tout le professionnalisme et la vivacité du
brillant Nicolas Doze pour rattraper cette sortie
de route intempestive et vite embrayer sur un autre sujet qui n'avait rien
à voir avec l'effondrement du système à venir à
savoir toujours la fameuse règle des 3 % de déficit.
C'était un grand moment de radio et de vidéo. Vous
pouvez revoir cette vidéo (à 5 minutes 20 environ) sur le site
d'Olivier Demeulenaere (cf. le lien ci-dessous).
http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2012...au-des-experts/
Mais rassurez-vous, rendormez-vous tranquille, ce n'était qu'un
bug dans la matrice. Rien de grave. Les banques centrales veillent... En
attendant, on a besoin de racheter massivement votre or. Désormais,
les pubs à la télé ne suffisant plus, il a
été nécessaire d'accélérer le mouvement.
Les témoignages s'accumulent de particuliers littéralement
harcelés par des centres d'appels plus ou moins délocalisés.
Mais cette véritable machinerie de guerre qui a
été mise en place à travers le monde entier n'a sans
doute rien à voir avec ce qu'a osé déclarer Monsieur Steg... à moins qu'effectivement « ce
jour-là se profile ».
Ce qui est sûr, c'est qu'en tout cas, en Europe, ce n'est pas
l'amitié franco-allemande qui se profile. On pourrait même dire
qu'elle se défile... l'amitié. L'ambiance semble chaleureuse.
Vous aurez sans doute droit aux traditionnelles embrassades entre la pauvre Merkel, qui est la seule femme parmi 27 chefs
d'état – ce qui, à deux bises par président,
l'amène gentiment à un total de 54 bisous à recevoir en
moyenne. Heureusement que Berlusconi n'est plus là. On peut aussi
imaginer que le mamamouchi grec lui épargnera le câlin
traditionnel. Bref, à l'issue de ces embrassades, tout ce beau monde
va aller manger ensemble (à vos frais). J'enquête actuellement
sur les menus servis, mais figurez-vous que je ne trouve aucune information
à ce sujet....
Après ça, ce sera le moment du communiqué final.
Logiquement, tout ce sera très bien passé, et ce sommet
d'étape aura vu se dérouler un moment de partage intense de
points de vue (ce qui veut dire que l'on est d'accord sur rien).
Bon, il faut dire qu'avant le sommet, c'est-à dire-toute la
journée de jeudi, les Français et les Allemands se sont
lancés dans une guerre des communiqués. Je ne vais pas dire que
ce sont les tranchées... je vous rappelle qu'on est AMIS....
Hollande
à Merkel : le sujet du sommet,
« c'est l'union bancaire »
François Hollande : « Le sujet du conseil, ce n'est
pas l'union budgétaire, c'est l'union bancaire. Donc la seule
décision que nous avons à prendre, à confirmer
d'ailleurs, c'est la mise en place de l'union bancaire d'ici la fin de
l'année, et notamment la première étape qui est la
supervision bancaire. »
Angela Merkel : « Nous pensons,
et je le dis au nom de l'ensemble du gouvernement allemand, que nous
pourrions faire un pas en avant en accordant à l'Europe un
véritable droit d'ingérence sur les budgets nationaux quand ils
ne respectent pas les limites fixées pour la stabilité et la
croissance. »
François Hollande : « Je vais lui dire que nous
devons appliquer les décisions que nous avons prises ensemble le 29
juin. »
« Il y a un partenariat solide entre la France et l'Allemagne,
mais nous discutons avec tous les pays, notamment ceux qui ont des points de
vue qui nous permettent de trouver les bons compromis. »
« Mme Merkel a ses propres rendez-vous
électoraux. »
Heureusement, il y a le chancelier social-démocrate autrichien
Werner Faymann qui a mis son grain de sel :
« Je préfèrerais qu'on fasse des super propositions
avec de vraies mesures pour essayer de lutter contre le
chômage. »
Moi je pense que c'est une très bonne idée. On devrait
tous trouver des super idées de super propositions qui
règleraient tous les problèmes d'un coup. Et même
qu'après l'économie elle serait guérie et que même
que tout le monde il serait gentil, beau et riche...
Quand on entend et qu'on lit des choses pareilles, on se dit que
franchement, François Hollande est un mec normal super
talentueux...
Quant au grand vizir suédois, il a rajouté un peu de
piment à la sauce européenne. Le Premier ministre Fredrik Reinfeldt a donc dit : « Si une banque est en
difficulté, qui va payer ? C'est ce que les marchés veulent
savoir ainsi que mes contribuables car ils ne veulent pas couvrir les pertes
des systèmes bancaires d'autres nations. »
C'est vrai que c'est une bonne question. En tant que contribuable
français, et plus généralement, je me pose également
la question, mais dans notre pays, un tel débat est tout bonnement
interdit. Il y a des problèmes bien plus urgents pour occuper le petit
peuple, comme le mariage homosexuel et l'adoption. Voilà un vrai sujet
qui va passionner les foules.
Un mort
à Athènes
Pendant ce temps, la Grèce, qui après avoir atteint le
fond se voit contrainte de creuser, était totalement bloquée en
raison d'une nouvelle grève générale. Un homme de 65 ans
est mort durant des manifestations anti-austérité
émaillées de violences qui ont rassemblé des milliers de
Grecs. Mais ce n'est pas grave, depuis le temps qu'il y a des émeutes
là-bas, un mort de temps en temps ce n'est pas très important,
et puis la Grèce c'est loin.
D'ailleurs, le rapport des principaux créanciers de la
Grèce (UE, BCE et FMI), préalable au déblocage d'une
tranche d'aide de 31,5 milliards d'euros, ne sera pas prêt. La
troïka, qui a quitté Athènes mercredi, a dit
espérer un accord avec les autorités grecques « dans
les prochains jours ».
Zut alors, on ne pourra rien décider lors de ce sommet
d'étape. Et puis l'Espagne ne devrait pas non plus demander d'aide.
Ouf, je croyais qu'ils étaient capables de prendre de super
décisions.
Voilà, le prochain sommet ce sera en novembre, après les
élections américaines. Là je pense qu'on va vraiment
pouvoir rigoler.
D'ailleurs, après tout, il pourrait même peut-être
y avoir des pannes de distributeurs de billets. Ce n'est pas moi qui le dit,
moi personne ne m'écoute, même pas ma femme qui me trouve
pessimiste. Non, c'est BFM qui le dit, et là, après que le
Figaro nous ait expliqué hier qu'il fallait en plus acheter des
pièces d'or en cas de gros problème parce que c'était
plus facile pour faire ses courses, je commence à me dire que
vraiment, les pièces d'or, c'est bien.
Mais dormez tranquille, votre contrat d'assurance vie ne risque rien.
Vos comptes bancaires sont assurés. Chuuut,
dodo, couchez, plus bouger... voilà, tout doux... ça y est, ils
dorment !
- CHÉRIEEEE ?...
- Chuuut, crie pas comme ça, tu vas
réveiller le peuple.
- Tu sais quoi, je leur avais dis de faire
attention aux résultats des entreprises sur les plus hauts de la
bourse... que c'était dangereux.
- Oui et alors ?
- Ben ils ont suspendu le titre Google au Nasdaq.
- Ha bon pourquoi ?!
- Ben tu sais, l'économie, elle est tellement bonne aux USA,
que les bénefs de Google ils ont baissé de 20 %....
- Ha BOoooooon ?! Mais je croyais que
les États-Unis étaient en croissance et que le chômage
baissait ?
- Tu sais bien ce que je te dis...
- Oui mais toi, ce n’est pas pareil, t'es mon mari, ça
compte pas.
- T'as vu BFM au fait ?
- Non, qu'est-ce qu’ils disent ?
- Que bientôt y’aura plus de billets dans les distribs...
- Noooooon ?! IM-POS-SI-BLE... T'imagines le bazar...
- Tu ne peux pas savoir à quel point.
- Allez, fais dodo mon chéri, tu ne vas encore pas
réussir à te lever...
Charles
SANNAT
Directeur de la recherche économique, AuCoffre
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