Mon utilisation du terme ‘inaltéré’
n’est pas accidentelle. Il a jusqu’à présent
existé une multitude d’étalons or, dont ceux que nous
connaissons aujourd’hui sous le nom d’étalon or classique,
étalon or lingot, ou encore étalon de change-or. Chacun
d’entre eux a ses défauts. Tous sont des étalons or altérés.
Pour vous donner un exemple, par le Coinage
Act de 1792, le gouvernement des Etats-Unis a
demandé à ce que le prix de tout produit soit fixé en
fonction d’un autre produit. Ce mécanisme est expliqué
dans la section 11 de cet acte de loi :
¹
Il est évident que les gens ne sont pas insensibles
à de telles distorsions. Lorsque le gouvernement fixe le prix d’un
produit trop bas, les gens se mettent à l'accumuler ou l'exporter. Au
contraire, si le prix d’un produit est trop élevé, ils en
inondent le marché.
Voici ce qu’en dit Craig K. Elwell
dans son 2011 Congressional Research
Service Report :
‘Parce que les marchés globaux les
évaluent (l’or et l’argent) à un ratio de 15/1, une
majorité de l’or a quitté le pays et l’argent est
de facto devenu l’étalon dominant’. ²
En conséquence, le gouvernement des Etats-Unis a
changé d’attitude :
‘En 1834, le contenu en or du dollar a
été réduit pour faire passer le ratio à 16/1. En
conséquence, l’argent a quitté le pays, et l’or est
devenu l’étalon dominant’.
Si la loi dicte le ratio or/argent, alors seul un des deux
métaux – celui qui est sous-évalué – est
utilisé. Il s’avèrerait extrêmement difficile pour
le gouvernement de fixer un ratio parfait. Et même s’il y
parvenait, aussitôt que la valeur marché changerait, ce ratio
deviendrait erroné, et seul un métal finirait par circuler.
Le gouvernement ne devrait pas tenter de forcer un prix
sur le marché. Dans le cas de l’étalon or inaltéré,
le marché est autorisé à fixer le prix de
l’argent, du cuivre, du pétrole, du blé, d’un
costume en laine fine, et ainsi de suite. Il permet aux gens d’utiliser
l’or comme monnaie, voire même des coquillages s’ils le
désirent (le marché n’a tout au long de l’histoire
moderne jamais choisi les coquillages).
Au cours du XIXe siècle, de nombreuses lois ont
été mises en place dans l’objectif d’imposer de
nouvelles restrictions aux banques. L’une des restrictions les plus
populaires a été de demander aux banques d’acheter des
obligations au gouvernement afin d’obtenir leur charte (qui n’est
autre que leur permission d’opérer en tant que banque).
C’est là une idée pernicieuse. Les
banques ont besoin d’actifs productifs pour égaler les
obligations liées aux comptes de dépôt. Pourquoi ne pas
les obliger à acheter des obligations gouvernementales en
échange du droit d’opérer ? Parce qu’il ne
s’agit de rien de plus que de chantage. Dans un pays libre, personne ne
devrait à demander la permission d’exercer une activité,
ni être forcé de faire quelque chose en l’échange
de cette permission.
Cette politique a deux effets économiques distincts.
Premièrement, elle pousse le prix des obligations gouvernementales
au-delà de ce qu’il devrait être, ce qui signifie
qu’elle diminue le taux d’intérêt. Cette distorsion
se répercute au travers de l’ensemble de
l’économie.
Deuxièmement, elle expose les banques
agréées par l’Etat à
l’irresponsabilité fiscale du capitole. Et bien entendu, le
capitole est encouragé à emprunter et à dépenser
par cette politique perverse, parce qu’il sait qu’il existera
toujours un marché pour ses obligations. Jusqu’à ce
qu’il fasse défaut, bien évidemment. Et lorsqu’il
le fera, les banques agréées deviendront insolvables. Il ne
s’agit en rien d’un échec de l’étalon or ou
du marché libre. Il s’agit d’un échec lié au
déficit, aux politiques de dépense et à la planification
centrale.
Cela nous mène à un autre problème.
Les banques recueillent des dépôts, principalement des
dépôts à vue, et achètent des obligations,
notamment des obligations à long terme. Cela s’appelle
‘emprunter à découvert pour prêter à
couvert’, et c’est une pratique dangereuse parce que si leurs
déposants demandent à récupérer leur or ou leur
argent, les banques peuvent se retrouver avec rien de plus que leurs
obligations non-liquides. Les déposants ne veulent bien entendu pas
d’obligations gouvernementales, et les banques peuvent être
forcées de faire défaut si des retraits massifs
s’ensuivent.
Cette pratique est aussi appelée
‘durée de non-appariement’, et finit tôt ou tard par
échouer. La raison à cela, c’est que le déposant,
qui est l’émetteur ultime du crédit, signale à sa
banque qu’il désire simplement étendre son crédit
pour une courte durée. Mais sa banque, elle, a étendu son
crédit sur le long terme. Ce n’est pas à elle de prendre
cette décision, et en ne respectant pas la volonté de son
déposant, elle se rend elle-même vulnérable à une
panique bancaire. ³
En 1864, le National Banking Act vint imposer une
taxe de 10% sur les billets de banque émis par les banques
d’Etat. Il est inutile de préciser que les banques
agréées par l’Etat ont répondu à cette
menace. Il existait 1466 banques agréées en 1863. Cinq ans plus
tard, 83% d’entre elles avaient fait faillite ou avaient reçu
une charte faisant d’elles des banques nationales. ⁴
L’une des provisions de cette loi était
l’obligation pour les banques nationales de détenir des
obligations gouvernementales afin de pouvoir émettre des billets de
banques standardisés à l’échelle nationale et
d’autres types d’obligations. ⁵ L’une des raisons à cela était
que le gouvernement était très impatient de pouvoir financer la
guerre civile (1861-65). Quelques années plus tard, alors que le
gouvernement eut à rembourser sa dette, les banques se
retrouvèrent en difficulté, ce qui entraîna une
déflation et une panique bancaire.
Le problème n’a fait qu’être
exacerbé lorsque le gouvernement repris la frappe de pièces. ‘Le
Crime de 1873’ ⁶
est le nom qui a été donné par beaucoup au Coinage Act de 1873, qui
démonétisa l’argent. Il ne s’agissait de rien de
plus que d’un transfert massif de capital depuis les plus petits
épargnants tels que les fermiers qui gardaient leur argent chez eux
vers les demeures des plus riches qui conservaient leur or auprès de
leur banque.
Ces problèmes se sont développés sous
l’étalon or classique. Avant même le Federal
Reserve Act de 1913, nous avons pu assister aux altérations
suivantes :
- Un ratio
or/argent fixe sous un étalon bimétallique. En
conséquence, l’or, puis plus tard l’argent, ont
quitté les Etats-Unis.
- Des lois
permettant aux banques d’entrer en activité. Les
gouvernements dépensiers, qui avaient besoin d’un
marché pour leurs obligations, ont forcé les banques
à acheter leurs obligations en échange d’une charte
qui leur permettait d’opérer. Ainsi, les banques se sont
retrouvées exposées à la banqueroute lorsque ces
obligations ont fait l’objet de défaut, et un autre
problème s’est développé lorsque la taille du
secteur bancaire s’est retrouvée restreinte par la valeur
de l’encours des obligations gouvernementales.
- Démonétiser
un métal entraîne un transfert du capital depuis une classe
d’épargnants vers une autre.
- La
durée de non-appariement est à l’origine des cycles
économiques. La croissance apparaît suite à
l’expansion du crédit qui se fait au-delà de
l’intention des épargnants. La récession commence
lorsque les autres déposants réalisent que la banque ne
possède ni monnaie ni actif de court terme. La banque ne
détient rien de plus que des obligations de long terme et ne peut
pas rembourser ses déposants. Une panique se développe,
qui laisse la banque en banqueroute. Finalement, une dépression
apparaît.
Dans ma deuxième partie, j’aborderai
l’étalon or physique et l’étalon de
change-or…
¹http://nesara.org/files/coinage_act_1792.pdf,
accessed Oct 2012
²http://www.fas.org/sgp/crs/misc/R41887.pdf, accessed Oct 2012
³http://keithweiner.posterous.com/duration-mismatch-necessarily-fails
⁴http://en.wikipedia.org/wiki/National_Bank_Act
⁵http://www.let.rug.nl/usa/essays/general/a-brief-history-of-central-banking/national-banking-acts-of-1863-and-1864.php
⁶http://en.wikipedia.org/wiki/Coinage_Act_of_1873
|