|
En 2009, les
signataires de l’Accord des Banques Centrales sur l’Or ont
cessé de vendre de l’or. Cet accord est le troisième de son
genre, et restera effectif jusqu’au 26 septembre 2014. Pourquoi donc
les banques centrales ont-elles adopté une telle attitude ?
En 1999, le premier de ces
accords était ratifié par le Royaume-Uni et était alors
appelé Accord de Washington. Cet accord reçut la
bénédiction tacite des Etats-Unis et du Japon. Il fut ensuite
suivi de la signature d’un Accord des Banques Centrales sur l’Or
le 27 septembre 2004, qui demeura effectif jusqu’au 26 septembre 2009.
Pour accommoder ostensiblement la vente de 403 tonnes d’or par le FMI,
un troisième traité fut signé le 27 septembre 2009, dont
la validité s’étend jusqu’au 26 septembre 2014. Mis
à part la vente de sept tonnes d’or par la banque centrale
Allemande visant à la frappe de pièces d’or, aucun des
signataires du troisième Accord des Banques Centrales sur l’Or
n’a vendu de métal jaune. A dire vrai, les ventes
annoncées depuis le début de notre siècle n’ont jamais été honorées.
Après que le FMI ait complété sa vente, plus aucune des
banques centrales du monde développé n’a compté
parmi les rangs des vendeurs d’or. Pourquoi ?
Leur absence sur le
marché de l’or ne revient pas à un
non-évènement. Elle soulève un point important en termes
de décisions politiques quant à la vente et l’achat
d’or. Si je décidais, en tant qu’investisseur, de vendre
ou d’acheter de l’or, alors mon action traduirait mon opinion
quant au futur du prix de l’or. La même loi s’applique
à ma possession d’or. Il en va de même pour les banques
centrales. Nous observerons ici les raisons pour lesquelles les ventes
excessives des banques centrales Occidentales depuis 1999 ont poussé
son prix à la baisse, et pourquoi la peur de ventes d’or de la
part des banques centrales des pays développés a poussé
les banques centrales des nations émergentes à devenir des
acheteurs nets. A l’heure actuelle, très peu sont ceux qui
s’imaginent que les banques centrales des nations
développées vendront à nouveau de l’or dans le
futur. Peut-être pourrons-nous en apprendre plus en observant
l’évolution de la part de l’or dans leurs réserves
de devises au fil des ans ?
Part de l’or dans les réserves des
banques centrales en 2000, 2005 et 2012
Ce premier tableau
présente les quantités d’or détenues par les
banques centrales du monde suivies de celles détenues par les nations.
Plus important encore, il indique le prix de l’or en 2000, 2005 et
2012. Regardons la part de l’or dans les réserves des banques
centrales en 2000, alors que le prix de l’or était de 275,75
dollars. Comme vous pouvez le voir, les réserves d’or
officielles ont chuté d’environ 2000 tonnes depuis cette date,
mais la part qu’elles représentent dans leurs réserves
totales a augmenté jusqu’à atteindre 75,9% pour les
Etats-Unis.
Le fait que les banques
centrales aient conservé leur or (bien que certaines en aient vendu
une petite partie) confirme ce que stipule l’Accord des Banques
Centrales sur l’Or : l’or
est un important actif de réserve.
Les banques centrales qui ont
vendu plus de 50% de leurs réserves d’or se le voient
régulièrement reprocher. Celles qui ont vendu 20% de leur or
s’en mordent les doigts. Et celles qui ont signé l’Accord
et n’ont jamais vendu d’or sur le marché, comme
l’Allemagne, ont un sourire jusqu’aux oreilles. Même les
vendeurs d’or les plus téméraires tels que
l’Angleterre et la Suisse ont vu la valeur de ce qu’il leur reste
d’or être multiplié par six par rapport au dollar.
Je pense bien entendu que les
personnes qualifiées qui peuplent les banques centrales savent
très bien que la valeur de l’or va bien au-delà de son
prix en dollars.
Il est clair que malgré
le fait que les banques centrales des pays développés
n’achètent pas plus d’or, leur volonté d’en
vendre plus – qui était de rigueur jusqu’en 2000 – a
été remplacée par un refus catégorique de vendre.
Les banques centrales des pays émergents, quant à elles,
achètent de l’or dès qu’elles en ont
l’occasion.
Les banques centrales ont
cessé de rejeter l’or et l’aperçoivent
aujourd’hui comme un membre à part entière du
système monétaire, comme une réserve de valeur qui leur
est aujourd’hui nécessaire. Si le système
monétaire continue sur sa lancée, alors ce besoin continuera
d’augmenter. Les banques centrales auront bientôt besoin de plus
d’or.
L’or,
un contrepoids pour les devises
Lorsqu’on
lui a demandé pourquoi ne pas sauter sur l’occasion et vendre
600 tonnes de son or sous le second Accord des Banques Centrales sur
l’Or, le directeur de la Bundesbank, Axel Weber, a
déclaré ceci : ‘l'or est un excellent contrepoids
contre les fluctuations du dollar’. Jamais personne n’avait
expliqué si précisément pourquoi les banques centrales
devraient conserver leur or. Weber a également ajouté que ‘l’or
est un important facteur dans le maintien de la confiance envers
l’euro’.
Le
passé a été fait de changements, et le futur le sera
à son tour. L’expérience d’un système
basé sur les devises fiduciaires, même s’il parvient
à durer plus de 40 ans, ne pourra jamais remplacer un système
basé sur l’or. Les signataires de l’Accord des Banques
Centrales sur l’Or ont prouvé qu’ils en étaient
parfaitement conscients lorsqu’ils ont demandé à ce que
soit ajouté comme clause première que ‘l’or
demeurera toujours un élément important des réserves
monétaires globales’.
L’Europe
a subi trop de changements dévastateurs au cours de ce dernier siècle
pour avoir une confiance totale en un système monétaire qui,
comme a su le prouver l’Histoire, finit toujours par s’effondrer
sous la pression. Les Etats-Unis n’ont pas vécu la même
expérience et ont donc une confiance totale envers
l’hégémonie du dollar. L’Histoire nous indique
pourtant qu’il est vulnérable et se dirige tout droit vers
l’effondrement. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder les
menaces à la dominance des Etats-Unis sur l’OPEP et le prix du
pétrole et l’arrivée inexorable du yuan sur la
scène internationale. La dette des Etats-Unis et leurs
difficultés à résoudre leur problème de
déficit prouvent bien que les jours du dollar sont comptés.
Le comportement
des banquiers centraux du monde développé, en tentant de
maintenir en place le monde qu’ils ont construit, suffit à
prouver que l’or est le seul actif de l’Histoire capable de
faciliter le passage d’un système monétaire à un
autre. Leur comportement montre bien que la confiance envers les nations et
leurs systèmes finit toujours par s’estomper. L’or
n’est pas une création humaine, c’est pourquoi il est
capable de survivre à des évènements tels que les
guerres et les échecs économiques.
Les pays
signataires de l’Accord n’ont pour l’instant nul besoin
d’acheter de l’or, puisque son prix actuellement en hausse a le même impact que des achats passés lors
d’une staticité relative de son cours,
comme les tableaux présentés ci-dessous nous le prouvent.
Contrôles et
réalité
Les
dirigeants de l'Histoire ont toujours tenté d’imposer des
contrôles à leur peuple et ce, ‘pour leur plus grand
bien’. Mais ils ont également eu à accepter les
réalités de l’existence de leur nation. Lorsque
naissaient l’euro et la BCE, cette dernière a demandé
à pouvoir détenir 15% de ses réserves sous forme
d’or. Si elle avait voulu s’en tenir à cela, elle aurait
dû vendre une grande partie de l’or qui lui a été
confié par les pays membres, parce que la hausse du prix de l’or
fait cet or représente aujourd’hui 33,8% de ses réserves
totales. Pour que les banques centrales puissent gérer prudemment la
sécurité financière de leur pays, elles doivent prendre
en compte la réalité des choses. Je pense que les signataires
Européens de l’Accord s’entendent sur le fait que la BCE
ne vendra pas son or malgré la part très importante qu’il
représente dans ses réserves totales. Le prix de l’or en
hausse agit comme une forme de contrepoids contre le déclin du
système monétaire du monde développé. C’est
pourquoi les signataires de l’Accord y sont tant attachés.
Le
piège dans lequel beaucoup d’analystes financiers se laissent
prendre est de croire qu’une formule arithmétique domine la
relation entre les mouvements des marchés. La relation entre le
pétrole et l’or, ou l’or et l’argent, est simplement
due à l’idée que se font les investisseurs du futur. La
confiance et la perception d’un investisseur sont ce qui donne
naissance à cette formule. Une formule suit un marché mais ne
le dirige pas. Une formule est constamment changeante. En regardant le
marché des actions aux Etats-Unis, nous pouvons voir que les
investisseurs ont toujours confiance en une croissance des Etats-Unis dans le
futur. S’il venait à s’avérer qu’ils se
trompent, alors le marché des actions chuterait.
Quelle
attitude adopteront les banques centrales envers l’or dans le
futur ?
Les
banques centrales des pays émergents achètent de l’or
dès que du métal devient disponible et avant tous les autres
acteurs du marché. Une production annuelle de 4000 tonnes (dont 1600
tonnes de débris de métal) est à peine suffisante pour
elles. A partir du premier janvier 2013, il ne serait pas surprenant de voir
naître une demande en or de la part des banques commerciales. En raison
de l’entrée en application du traité de Bâle III,
cette demande devrait tout d’abord apparaître en dehors des
Etats-Unis. Toutes connaissent la date d’entrée en vigueur de
Bâle III, et aucune d’entre elles ne voudra rester à la
traîne. Si elles commencent à acheter de l’or à la
manière des banques centrales, alors elles ne feront qu’attendre
que l’offre se présente à elles. Mais ce qui est certain,
c’est que l’offre sera bien vite insuffisante. La solution sera
donc d’augmenter de prix de l’or.
Comme
nous avons pu le voir depuis 2007, le souci principal des gouvernements est
la santé du système bancaire. Dans la liste de leurs
priorités, cette dernière passe bien avant les
intérêts de leurs citoyens. Le système monétaire
se délabrant de jour en jour, il faudra bientôt lui redonner de
l’éclat, tant à l’étranger que chez soi.
Comme nous avons pu le voir, la confiance des banquiers centraux et
commerciaux est la première à devoir être
protégée pour qu’ils puissent continuer d’agir en
tant que vaisseaux sanguins de notre système monétaire.
Pour que
cette confiance soit maintenue, l’or devra certainement devenir le
domaine des banques centrales et commerciales. Il est cependant impossible
pour moi que de prédire quand cela se produira.
L’inquiétude
des banquiers fera à nouveau entrer l’or sur la scène
monétaire d’un monde qui peu à peu
s’éloignera de toute forme de globalisation. Les unes
après les autres, les nations confisqueront l’or de leur
citoyens, qu’il soit stocké chez eux ou à
l’étranger. Que ces confiscations aient ou non les mêmes
conséquences qu’en 1933, elles n’en auront pas les
mêmes causes. Le seul dénominateur commun sera la confiance que
portent les banquiers à l’or.
Julian D. W. Phillips
|
|