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La semaine passée, assez agitée sur le plan
économique, a été l’occasion de mesurer exactement
la compétence et la détermination du gouvernement. La
conclusion qu’on peut tirer est sans appel : les curseurs sont diamétralement
opposés puisque tout indique que ses membres déploient une
détermination sans faille à prouver leur totale
incompétence.
Au premier rang de ces rangs intrépides fanfarons qui
se lancent ainsi à l’assaut de problèmes qu’ils ne
maîtrisent pas d’autant plus facilement que ce ne sont ni leurs
vies, ni leur argent qui sont en jeu, on trouve évidemment le
bouillant Arnaud Montebourg d’Arceylör qui a, encore une fois,
montré l’étendue de sa suffisante frétillance avec
sa gestion des déboires du site industriel de Florange.
Grâce à une série de piques sorties de
façon répétée contre le patron indien, Lakshmi
Mittal, Montebourg a ainsi durablement réussi à agacer les
Indiens vis-à-vis de la France, ce qui était une manœuvre
aussi habile qu’indispensable au moment où le pays
s’apprête à leur vendre — enfin ! — ses
Rafales. On appréciera l’ironie mordante de certains journaux
étrangers qui notent que pendant que l’Europe en crise fait tout
pour attirer les investisseurs étrangers, la France et son ministre au
maroquin à rallonge font tout pour les repousser aux
frontières. Peut-être le preux chevalier de l’acier
franchouille n’avait-il plus en mémoire que la France a, avec
l’Inde, un partenaire et des débouchées commerciaux
très importants ; si se mettre à dos un cinquième de la
population mondiale n’est pas une mince affaire, c’est en tout
cas un défi que le ministre du dressement reproductif semble
s’être imposé.
Les consternantes vitupérations du ministre contre le
patron indien n’ont d’ailleurs pas constitué le seul
affichage des capacités d’Arnaud pour fusiller un dossier
puisqu’il a, dans la foulée, proposé une nationalisation
du site. Là encore, je le rappelle, ce n’est pas avec son argent
qu’il joue et peut donc se permettre une libéralité
d’autant plus grande, même si celle-ci est plus que probablement
anticonstitutionnelle et/ou en contradiction avec les traités
internationaux et européens signés par la France.
Et comme prévu, sa proposition ridicule n’a pas
manqué de lui exploser au museau.
Son discours ne pouvait être que dynamité par
l’animosité évidente qu’il peut déclencher
à Bercy (où Moscovici ne peut pas le voir en peinture),
couplée avec l’indifférence (au mieux) ou
l’agacement de plus en plus visible d’un Ayrault qui
n’arrive toujours pas, après plus de six mois aux commandes,
à tenir ses ministres. Au début, le premier pouvait faire
croire à une discrétion feutrée et un travail de fond.
À présent, il passe pour un petit instituteur de campagne
dépassé par une classe de cancres qui se jettent boulettes sur
boulettes, Montebourg loin d’être le dernier.
On notera la constance assez troublante avec laquelle ce
dernier persiste à raconter des bêtises et faire du vent en pure
perte puisqu’il aligne, depuis son accession au ministère
créé pour lui, une assez belle série de ratés
minables et de soufflés voyants mais rapidement
dégonflés. Sans les lister toutes, on se souviendra des
réactions ulcérées déjà
déclenchées autour de lui, ici en France et dans le reste du
monde, lorsqu’il a décidé de nous gratifier de ses
pensées profondes sur les voitures coréennes, la direction de
PSA, les performances de Free et j’en passe. Le bon côté
de l’affaire, c’est que chacune de ses interventions est
l’occasion pour notre diplomatie de développer de nouvelles
compétences et de s’agiter en coulisse pour calmer l’un ou
l’autre dignitaire étranger qu’il aura insulté sans
même s’en rendre compte…
« Sans même s’en rendre compte »,
parce que tout montre qu’en plus, le personnage est complètement
persuadé de faire un travail utile. Il semble qu’aucun feedback
ne lui soit jamais fourni, par personne, alors qu’une tripotée
de paires de claques s’imposent pourtant. Dès lors, il peut déclarer
sans sourciller :
«Si j’avais dû me sentir désavoué,
je n’aurais pas été seul car plus de 63% des
Français soutenaient cette proposition, qui est une sorte d’arme
pour la puissance publique afin de se faire respecter.»
Car oui, en effet, les Français, un peu bernés par
les flonflons patriotiques du ministre et n’ayant aucune idée de
ce que « nationalisation » veut vraiment dire pour les finances
de l’État, approuvent à 59%
l’éventualité d’endetter encore un peu plus leur
progéniture pour sauver ce qui ne peut manifestement pas
l’être. Au passage, ce comportement, qu’on peut largement
qualifier d’irresponsable, est aussi partagé par une partie des
députés qui ont le bon goût, pour une fois, de bien
représenter cette partie naïve du peuple, pas avare des sous des
autres :
«Il y a eu des parlementaires de tous les bancs, des
anciens ministres sarkozystes, de Jacques Chirac, qui ont soutenu cette
proposition. Il y a eu une mobilisation patriotique en faveur du sauvetage de
l’acier français.»
Mais oui, Arnaud, il y a eu mobilisation patriotique dans ta
tête : le petit chimpanzé qui y faisait du vélo et des
cymbales a arrêté de les frapper l’une contre
l’autre pour rejoindre le piquet de grève du panda en collants
mauves, c’est assez clair.
La réalité, malheureusement, est moins
tranchée : d’une part, la majorité des Français
sont mécontents de la politique actuelle du gouvernement. Le fait
qu’elle soit illisible joue beaucoup dans ce score, et
l’agitation cosmétique des uns et des autres, suivis d’une
absence pathétique de résultats, ajoute à
l’agacement du peuple, à l’évidence. D’autre
part, tout le monde sent confusément l’incompétence des
zigotos qui s’agitent dans le poste de télévision.
Comment ne pas comprendre que les dirigeants actuels sont
dépassés lorsqu’il y a besoin, pour occuper le terrain
médiatique pourtant fort encombré des déhanchements
épileptiques de Montebourg, de faire monter au créneau une
ministre de l’Écologie incolore, inodore et sans saveur,
l’excipient q.s.p. parité du gouvernement ? Pourquoi Delphine
Batho s’est-elle exprimée
sur un dossier comme celui de Mittal, et surtout pour ajouter un tâcle
supplémentaire dans les gencives du patron indien ? Quel était
le but recherché ? Comment interpréter autrement qu’en
MégaBordel©™® le communiqué de presse
de Matignon et l’allocution du Premier qui oublie carrément son
ministre ? Qui peut encore porter cette cacophonie au crédit de cette
brochette de clowns ?
Peut-être s’agissait-il pour ce gouvernement de
camoufler le fait que les petites affaires africaines de l’ancien
colonisateur continuent de plus belle, la Françafrique
s’étant muée en Pompafrique depuis un petit moment, quand
bien même l’État français est maintenant aussi
lessivé que ses partenaires de magouilles. On apprend en effet que,
pendant que Montebourg enfilait les perles sur Mittal, Moscovici signait assez discrètement
à Abidjan avec le gouvernement ivoirien un contrat de «
désendettement-développement » de 630 millions
d’euros sur la période 2013-2015, pour un total, Sur une
durée de 15 à 20 ans, de 2,85 milliards d’euros, une
somme qui provient par on ne sait trop quelle tubulure ou quelle imprimante
survitaminée de la récente annulation quasi-totale de la dette
ivoirienne à l’égard de Paris.
Là encore, comment ne pas voir que Moscovici va
déclencher autant de dégâts que Montebourg (avec certes
moins de panache) ? Cela fait maintenant plusieurs décennies
qu’on peut mesurer les effets réels de l’ « aide
» de la France en Afrique ; d’ailleurs, c’est assez bien résumé
dans l’excellent ouvrage de Dambisa Moyo, l’Aide Fatale.
Bien sûr, on comprend que, derrière ces programmes et le petit
crobard officiel de Moscovici au nom d’un état exsangue, se
cache des intérêts économiques et financiers colossaux,
dont la partie émergée est cette petite saillie
du ministre de l’Economie, concernant la (méchante) concurrence
chinoise en Afrique … Eh oui : malgré les rivières de
pognon du contribuable français, les Africains préfèrent
le commerce avec les Chinois.
Ici, Moscovici reproduit le même schéma mental
que Montebourg, et leurs prédécesseurs, avec les mêmes
résultats à la clef, dans quelques années : d’un
côté, on subventionne à mort, et de l’autre, on
pleurniche bruyamment lorsque les entreprises s’en vont une fois les
subventions asséchées, en faisant fi de tout nettoyage des
environnements fiscaux et juridiques, pourris par des décennies
d’instabilité, d’arbitraire et d’incompétence
des décideurs. Pourtant, ils sont la base de la création et du
développement sains de l’industrie et du commerce. Mais nos
clowns n’en ont cure : ils s’inscrivent dans
l’immédiat, réagissent par la panique ou
l’obstination idiote là où une prise de recul
s’imposerait.
Montebourg, comme Moscovici, comme tous les autres,
mènent le pays à sa ruine.
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