Bon, alors, finalement, cette reprise, elle vient ? Non, toujours pas ? Pourtant, il y a encore quelques mois, tout le monde s’entendait pour dire que les États-Unis repartaient de l’avant, youkaïdi, youkaïda, sous l’impulsion d’un Obama adulé par tous (mais si, mais si – à l’exception de quelques civils insurgés afghans, mais baste, passons). Las. Arrivé février 2013, la situation semble bien moins rose.
Et avant même d’entrer dans les détails d’un marché boursier qui semble s’agiter comme un junkie avant l’overdose, penchons-nous quelques instants sur les fondamentaux américains puisqu’il est dit et répété que l’Amérique conduit le monde. Penchons-nous, mais pas trop, de peur de tomber : c’est en effet des trous béants qui s’offrent devant nous, à commencer par celui de la dette américaine, toujours aussi gargantuesque, et qui continue d’enfler. Et pour cause : les États-Unis sont plongés dans le même paradigme délétère que l’Europe, paradigme qui veut qu’une bonne relance par la dépense aidera à nous sortir de l’ornière dans laquelle nous avons basculé.
Cependant, cela fait des années qu’on a basculé, cela fait des années qu’on relance, et cela fait des années qu’on n’en sort pas. La conclusion keynésienne de l’administration Obama est donc évidente : on n’a pas assez relancé. Notez à quel point le raisonnement est similaire à ce qui se passe en Europe, et en France en particulier, où les caniches de la dépense joyeuse continuent d’aboyer sur le contribuable à chaque mésaventure budgétaire et préfèrent grogner pour trouver 6 milliards supplémentaires qu’ajuster les dépenses pour 6 milliards de moins.
Et puis, les petits graphiques s’accumulent et ne pointent pas forcément dans la bonne direction. Celui de la masse monétaire (graphique n°1) présente une jolie exponentielle :
Celui de l’emploi, graphique n°2, lui, refuse méchamment de coller aux prévisions (malgré la relance, je le rappelle) :
Si l’on ajoute d’un côté l’effondrement des exportations américaines …
… et l’investissement dans l’immobilier rocambolesquement élevé tout d’un coup, qui fait furieusement penser à une bulle d’opportunité …
… on en vient à douter (franchement, si) de la fameuse reprise américaine et à ne pas tout parier dessus pour nous sortir de la fameuse ornière de tout à l’heure. Je ne vais pas non plus parler du taux de déliquescence des prêts étudiants américains, dont la somme totale avoisine les 220 milliards de dollars et dont une moitié semble à passer en pertes…
Cela me semble évident : la crise est là, et bien là, et pour l’État (américain, européen, français), il va falloir encore se desserrer la ceinture un bon coup. Et là, il y a un problème. Parce que, comprenez-vous, dire officiellement qu’on va continuer à imprimer des billets comme les journalistes des années 50 des articles en cinq colonnes à la Une, avec les rotatives qui tournent à fond, ça risque d’inquiéter un tantinet des marchés déjà fort nerveux. Alors, on va indiquer, discrètement, que toute cette belle politique laxiste de distribution de papier à tout le monde, cela commençait à bien faire. Dans les minutes de sa dernière réunion, la Fed a ainsi expliqué :
« Un certain nombre de participants ont établi que l’évaluation de l’efficacité du coût et des risques des rachats d’actifs pourrait conduire le Comité à diminuer ou terminer ces rachats avant qu’on puisse constater une amélioration substantielle du marché de l’emploi. »
Une fois traduit, cela veut dire que certains se sont rendus compte que même si le graphique n°1 se verticalisait à la vitesse d’un DSK sous viagra, le graphique n°2, pour le coup, s’affalait comme un Hollande sous Valérie et que tous ces mouvements de petits billets ne servaient finalement peut-être pas à résorber le problème, voire à l’aggraver. À la suite de cette boutade fédérale, les marchés or & action ont bien entendu dévissé : stupéfaction ! Horreur ! Le bon argent frais va arrêter de dégouliner des tubulures chromées de la Fed !
Rassurez-vous : les autorités américaines sont bien vite revenues sur leurs constats.
Soyons bien clairs : ici, les opérateurs habituels jouent à se faire peur. Tout le monde sait pertinemment que la distribution de roudoudous verts va continuer, tout simplement parce qu’il n’y a aucune autre option dans la panoplie des économistes actuels. La seule échappatoire serait de laisser s’effondrer les banques chargées de créances douteuses ou pourries, de laisser se liquider les fonds de pension en défaut, de diminuer les dépenses gouvernementales comme jamais, sachant que tout ceci provoquerait une déflation à côté de laquelle celle de 1929 aurait un petit air « parcours de santé ». Il va de soi que la (très grosse) douloureuse s’étalerait pendant une paire d’années et que l’économie, assainie, repartirait ensuite sur des bases bien plus solides. Mais honnêtement, on voit mal les cyniques, les imbéciles et les mollassons qui nous gouvernent (tant de ce côté-ci que de l’autre de l’Atlantique) prendre une telle décision, politiquement intenable, d’autant plus dure à prendre maintenant qu’il aurait fallu la prendre il y a plus de dix ans, et qu’elle a été repoussée jusqu’à maintenant…
Autrement dit, non, les QE de Ben ne sont pas finis ; et je ne suis pas le seul à émettre cet avis :
Et à ceci se sont ajoutées les tensions gouvernementale italienne, avec la montée franche d’un populisme dont on peine à voir les objectifs concrets. C’est donc logiquement que les marchés ont montré des signes de nervosité particulièrement importants ces derniers jours, lundi 25 et mardi 26 février notamment. Or, cette agitation, si elle paraît particulièrement effervescente et brouillonne, permet tout de même de rassembler quelques informations intéressantes. D’une part, les volumes d’échange sont toujours aussi faibles, ce qui montre que non, les investisseurs les plus nombreux ne sont pas revenus. La confiance dans l’avenir, synonyme d’investissements boursiers et de prises de risque, n’est toujours pas là.
D’autre part, les cours de l’or, qui avaient subi une baisse logique depuis quelques mois, sont « subitement » repartis à la hausse alors que les tensions, justement, s’accumulaient. Il est intéressant de constater ce genre de mouvements sur le métal précieux, alors que, depuis quelques jours, l’or est à nouveau en backwardation : les prix des contrats futurs sur l’or sont actuellement supérieurs au prix courant (spot) de l’or. Autrement dit, un investisseur aurait tout intérêt à vendre son or maintenant pour le racheter à terme et récupérer un profit ; comme actuellement, ce n’est pas ce qui se passe, on en déduit que tout le monde préfère le « tiens » unique de maintenant aux deux « tu l’auras » dans plus tard. Tout se passe comme si certains envisageaient l’avenir encore plus sombre, notamment au niveau des monnaies, et se réfugiaient dans l’or.
Non, la crise n’est décidément pas finie, et l’Europe n’en finit pas d’aller mieux. La guerre des monnaies semble se mettre en place d’autant plus facilement que les imbéciles frétillants l’attisent de leurs grands moulinets oratoires, les chiffres macro-économiques se succèdent et se ressemblent tous dans l’abominable, et le pouvoir politique, des deux côtés de l’Atlantique, montre tous les signes d’une parfaite déconnexion avec la réalité.
Personne ne semble prendre la mesure de ce qui se profile à l’horizon, mais tout pointe dans la même direction : un grain majeur.
Sera-t-il plus ou moins camouflé, plus ou moins atténué par les mouvements excités de politiciens et de banquiers tentant de sauver les meubles par tous les moyens (illégaux ou non-orthodoxes y compris) ? Sera-t-il au contraire évident, massif, visible et supporté par tous ? Peu importe finalement : la situation est très tendue, et devant l’amoncellement de chiffres et de comportements catastrophiques, on voit mal l’année 2013, encore jeune, se terminer dans 10 mois sur un constat de stabilité.