L’exception
culturelle française est un concept dinosauresque
: elle fossilise la créativité artistique de notre pays par un
système de subvention et fait de l’État le deus ex
machina du culturellement correct. Cela pourrait faire sourire sauf que nous allons
tous être obligés de remettre la main au pot pour financer une
production culturelle française qui ne trouve pas son public mais sécurise
ses taxes.
Pierre Lescure,
auteur du rapport intitulé « Acte 2 de l'exception culturelle
» remis à François Hollande le 13 mai 2013, a
concocté 80 propositions destinées à protéger le
modèle français de la culture contre ses ennemis que sont
Amazon, Apple ou Google. Rendez-vous compte : ces géants du Net
donnent un accès libre et gratuit à toutes les cultures sans
aucune discrimination. Et ils y parviennent sans l’aide de l’État.
Impensable.
Heureusement,
Pierre Lescure veille au grain. Son rapport satisfait les milieux bien-pensants
du culturellement correct. Selon l’Elysée, l’« Acte
2 de l'exception culturelle » constitue « une base de travail
solide, notamment sur les mécanismes de régulation et de
protection comme sur l’offre légale des œuvres
numériques et la mise en place de nouveaux outils de financement.
»
Ah les outils
de financement ! Car François Hollande tient à « la
défense de la culture et de tous ceux qui y contribuent » ce qui
veut dire qu’il veut pérenniser les subventions. Alors Pierre
Lescure y est allé de sa petite taxe : elle sera applicable à
tous les terminaux connectés à internet, que ce soient les
ordinateurs, les tablettes, les consoles de jeux, les liseuses et bien
évidemment les smartphones. La SmartTaxe est née !
Pierre Lescure
explique que c’est « une taxe d’un taux très faible
de 1% sur une assiette très large des terminaux connectés qui
représente un marché de 8,5 milliards d’euros »,
soit une recette de 85 millions d’euros. Cependant, il souligne que le taux
de cette taxe a vocation à augmenter vers les 3 ou 4%. Puis il ajoute
que « cette mesure permet en plus de rétablir une justice
fiscale puisqu’elle porte sur des produits fabriqués par des
géants internationaux de l’Internet qui ne participent pas au
financement de la création. » Faire croire que ce sont Google ou
Amazon qui paieront relève de l’erreur commerciale. Comme
toujours, ce seront les consommateurs qui paieront la soi-disant justice
fiscale. Quiconque a fait de la vente de produits sait bien que d’ue façon ou d’une autre, les taxes sont
répercutées sur les prix et que le client final est toujours
celui qui assume tous les frais.
Le plus
terrible est qu’avec cette SmartTaxe qui
s’ajoute à d’autres prélèvements comme celui
sur le prix de billets de cinéma par exemple, les consommateurs se
retrouvent producteurs sans le savoir. Producteurs de films, de musiques, de
peintures, de sculptures ou d’autres « œuvre d’art
» qu’ils n’iront jamais voir et pour lesquels ils
n’auraient probablement jamais investi un seul euro si on le leur avait
demandé. Pourtant, l’art ne devrait-il pas être
considéré comme un business comme un autre ?
Soumise aux
lois du marché, la production culturelle française diminuerait ainsi
en fonction de sa rentabilité et ne survivrait que celle produisant un
vrai retour sur investissement. Ce n’est pas choquant : un peintre de
gauche tel que Pablo Picasso ou un extravagant tel que Dali étaient
des experts en business et en marketing. Ils sont des exemples pour les
artistes français. Le mythe de l’artiste
éthéré faisant de l’art pour l’art est
fallacieux. Lorsqu’on crée, il faut savoir vendre.
Certes dans un
premier temps cela provoquerait un écrémage assez violent dans
cette profession assistée, mais dans une logique de «
destruction créatrice », cela relancerait une création
artistique française de qualité supérieure afin
d’être compétitive et rentable face aux productions
étrangères. Et puis la culture française,
n’étant plus une exception subventionnée, n’aurait
plus à plaire aux autorités publiques afin d’obtenir ses
subventions. Elle retrouverait son indépendance face au pouvoir. La
liberté artistique n’a pas de prix…
En attendant,
la SmartTaxe, si elle est adoptée, fournira
une rentrée fiscale de plus pour un gouvernement qui recherche
toujours plus d’argent. D’ailleurs ces fonds iront-ils à
la culture ? Qu’importe, il fallait taxer les terminaux
connectés et les smartphones. C’est
fait. À défaut de création artistique, nous avons eu de
la création fiscale.
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