Oh mais ça commence à bien faire cette histoire, et là il faut comprendre que toutes les bornes des limites ont été franchies, cela ne peut plus durer et cela ne va pas se passer comme cela sapristi non mais scrogneugneu de nom d’une pipe en bois : Amazon, ça suffit à la fin !
En substance, c’est l’avis posé et calculé par Aurélie Filippetti concernant Amazon. Posant un geste fort, Aurélie est partie en guerre.
Mais revoyons la scène au ralenti.
« Orélifilipéti », c’est l’interjection qui sert actuellement de ministre de la culture en France. Car ce pays, endetté de plus de 1800 milliards, dont le nombre de ministres est deux fois celui de l’Allemagne (pays qui compte 30% d’habitants supplémentaires), dont la Justice a un budget inférieur à celui de, justement, la Culture, ce pays qui croit rayonner dans le monde mais se contente de le crayonner, ce pays qui souffre, à force de se prendre sa propre lumière dans l’œil, de grave cécité, ce pays qui produit plusieurs milliers de chômeurs tous frais tous les jours, qui expulse tous les jours un peu plus de riches, d’entrepreneurs et de travailleurs, et qui augmente ses taxes, ses ponctions et ses impôts à un rythme jamais vu dans son histoire, ce pays dispose, eh oui, d’un ministère de la culture, qui rémunère un bataillon de fonctionnaires pour s’assurer que les derniers cacas géants gonflables de Paul Mc Pröot seront correctement exposés en place publique, ou qu’on trouvera bien un financement pour la dernière œuvre de Flabida Gutronvek dont le titre, « Nanophysique des interstices », permet de mesurer toute l’obèse importance.
Et comme en France, un ministre croupion ne peut exister que s’il ouvre bruyamment le bec au passage de n’importe quel micro mou, Aurélie Filippetti, l’interjection de la Culture, n’a pas pu s’empêcher d’exister un instant lorsqu’il s’est agi de donner son avis sur la météo, le dernier repas présidentiel ou, plus tristement, Amazon et les librairies en France.
Bon. Soyons honnête : ce n’est évidemment pas la première fois qu’elle s’exprime, notamment sur Amazon, et les consternantes idioties qui sont sorties de sa bouche ne constituent donc aucune surprise. Cependant, sans être une surprise, cela reste encore un de ces petits moments de suspension totale d’intelligence, cette courte période pendant laquelle la bêtise proférée fut si forte que toute trace de conscience intelligente, dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, a été interrompue.
D’ailleurs, si, parfois, vous perdez complètement le fil de votre pensée, c’est que vous êtes très fatigué, ou qu’un ministre vient de proférer une énorme ânerie (au choix – cumul possible et dévastateur pour tout dialogue : on reste alors hébété pendant plusieurs secondes).
Et cette fois-ci, la pauvrette avait décidé de donner son avis sur la façon dont l’entreprise américaine de distribution de livres menait ses affaires :
« Aujourd’hui, tout le monde en a assez d’Amazon qui, par des pratiques de dumping, casse les prix pour ensuite pénétrer sur les marchés pour ensuite faire remonter les prix une fois qu’ils sont en situation de quasi-monopole »
Il faut comprendre que dans tous ceux qui se trouvaient à moins de cinq mètre de la ministre lorsqu’elle a sorti ça, seuls ceux qui n’ont qu’un yaourt fade entre les oreilles peuvent avoir survécu. Rassurez-vous, les journalistes du Monde et de l’AFP, impliqués dans cette nouvelle navrante, ont rapporté le message de Filippetti sans dommages. Cependant, cette immunité ne leur a bien sûr pas permis de poser la moindre question ; aucun pour mentionner le fait que d’autres acteurs vendent des livres en France sous le même principe qu’Amazon (et dans ce cas, pourquoi cette attaque sur cette firme et pas sur les autres ?) ; aucun pour noter qu’Amazon n’avait le monopole nulle part dans le monde, où, pourtant, le ministère de la culture française ne peut pas sévir agir ; aucun non plus pour remarquer que la remontée sauvage des prix n’avait jamais été observée.
Le yaourt fade, décidément, n’aide guère la profession.
Alors évidemment, lorsqu’elle annonce un magnifique nouveau plan de 7 millions d’euros d’argent des autres en faveur des libraires, auquel elle rajoute dans la foulée 2 millions d’euros supplémentaires de votre poche (pas de la sienne, eh oh, faut pas pousser) pour la modernisation des librairies (ce qui est un fourre-tout habile) et la vente en ligne des libraires indépendants français (ce qui est un autre fourre-tout génial), personne ne bronche, tout le monde note dans son petit carnet, un ou deux syndicaliste du Syndicat National de l’Édition se réjouit évidemment et tout le monde repart sans trop courir (pour ne pas faire tourner le yaourt crânien).
Parce qu’en réalité, cette belle opération de communication d’âneries de Filippetti, c’est un moyen relativement simple de distribuer 9 millions supplémentaires (eh oui, 9 millions avaient déjà été aspergés en mars dernier) à une coterie de gens bien sélectionnés. Si vous imaginez que cette somme sera distribuée égalitairement à tous les libraires, vous vous fourrez évidemment le doigt dans l’œil jusqu’au yaourt. Et seul le yaourt permet d’expliquer que vous puissiez croire que les buts fumeux annoncés sont poursuivis par la ministre ou les récipiendaires des fonds débloqués.
La réalité est simple : Amazon vend des livres à des gens qui n’iront pas, de toute façon, dans une librairie, quoi que fassent Filippetti et sa horde de suiveurs au goût bulgare. Amazon répond à un besoin précis qui ne peut pas être rempli par les librairies de quartier ; ce vendeur en ligne, et tous les autres, se sont en réalité spécialisés dans les ventes de longue traîne, c’est-à-dire le livre difficile à obtenir, celui qui est sorti en 300 exemplaires et qui est conservé, un temps, chez l’éditeur ou l’imprimeur. Amazon et ses concurrents sont, en réalité, le seul moyen pratique et viable de faire de la marge en vendant des exemplaires de produits sortis en faible quantité. Le secret est que le mode de vente permet de répéter des millions de fois ce genre de ventes, prohibitives dans un mode traditionnel.
Devant ce constat, on peut bien évidemment tenter de s’adapter, comme le reste du monde le fait, lentement mais sûrement. Les librairies se devront alors d’adapter leur offre à leur lectorat, en diversifiant leurs services au-delà de ce que peut faire un vendeur en ligne. En France, et grâce à vos impôts, il en ira différemment (et ce, tant qu’on trouvera à ponctionner, bien sûr) : on ne touchera à rien, on bricolera à la marge, et on conservera l’espoir chimérique de faire tourner près de trois mille librairies là où le pays ne peut en soutenir qu’un millier tout au plus.
Mais voilà : Filippetti s’en fiche, puisque c’est le moutontribuable qui paiera !