Mes chères
contrariées, mes chers contrariens !
Alors qu’hier je relatais les
bonnes paroles de Jens Weidmann, le patron de la
Banque centrale allemande, qui expliquait lors des rencontres
économiques d’Aix qu’il fallait que les États
puissent faire faillite, la crise européenne qui n’en finit pas
de finir a rebondi avec la nouvelle dégradation de la note souveraine
italienne.
S&P dégrade
l’Italie et menace encore d’abaisser sa notation
En effet, l’agence de
notation Standard & Poor’s a
baissé hier soir la note souveraine de l’Italie en la passant de
BBB+ à BBB, soit à deux crans de la catégorie
spéculative (autrement appelée en langage clair et
compréhensible par tous « obligations
pourries »).
L’agence de notation S&P
maintient l’Italie sous perspective négative.
Cette dégradation est
liée à la révision à la baisse des
prévisions de croissance du PIB pour 2013 puisque désormais,
l’agence table sur une contraction de 1,9 %, au lieu des 1,4 %
prévu précédemment.
Pour les analystes, le PIB par habitant sera de 25 000 euros, mais il sera
surtout inférieur au niveau de 2007, il y a plus de six ans !
Conséquence logique de la
récession et de la baisse du PIB, les recettes fiscales
s’effondrent et cela propulsera la dette italienne à plus de 127
% du PIB à la fin de l’année 2013, et encore, dans ce
calcul, les « subtilités et contorsions comptables » ne
sont pas prises en compte !
L’agence de notation, sur la
même ligne idéologique d’ailleurs que la Commission
Européenne, le FMI ou la BCE, en profite pour fustiger les
rigidités italiennes.
Rigidité du marché du
travail.
Rigidité du marché des biens.
Rigidité à tous les étages de la nation italienne.
Alors sans doute que l’Italie
est un pays rigide. Certainement que c’est également le cas du
Portugal, de l’Espagne est bien entendu de la France. Oui, nous sommes
rigides. Mais ce débat sur nos rigidités économiques est
malhonnête et partiel.
Les rigidités ne sont pas
les causes !
N’imaginez pas un seul
instant que je sois un partisan de la défense de nos «
rigidités ». Nous devons nous réformer, nous
améliorer et progresser. C’est une évidence. Pour autant
les constats simplistes du type « supprimons le CDI et vous verrez
ce que vous verrez » restent profondément absurdes
économiquement.
En effet, le monde anglo-saxon est
censé être le modèle de flexibilité par
excellence, or pourtant là-bas aussi les difficultés sont
exactement les mêmes. Absence de croissance, endettement massif,
croissance anémique et achetée à crédit par le
fonctionnement de la planche à billets…
Le fait que les fonctionnaires se
fassent virer par centaines de milliers aux USA ne change rien aux grands
équilibres ou plutôt déséquilibres
économiques américains.
Pourquoi ?
Simplement parce que encore une
fois, l’on refuse de poser les vrais sujets.
Quelles sont les
conséquences de l’euro ?
Quelles sont les conséquences de la mondialisation ?
Quelles sont les conséquences des délocalisations (et il ne
s’agit pas uniquement des pertes d’emplois mais également
des déficits commerciaux, etc.) ?
Quelles sont les conséquences de la financiarisation extrême de
l’économie, du poids excessif des banques, etc. ?
Quelles sont les conséquences du libre-échange et de
l’abolition de tout protectionnisme ?
Quelles sont les conséquences de l’endettement des États
?
Bref, quelles sont les
conséquences de tous ces sujets et de tous les autres ?
Il ne faut pas confondre
l’intendance avec les grands agrégats et les grandes questions !
Alors nous pouvons continuer
à nous bercer d’illusions en imaginant que revenir sur les 35
heures rendra la France à nouveau compétitive mais ce ne sera
pas le cas. Nous pouvons croire qu’en supprimant les CDI nous serons
compétitifs, hélas ce n’est pas le contrat qui
crée le travail (éventuellement il y participe mais rien de
plus).
Nous pouvons imaginer que les fonctionnaires sont les seuls coupables de nos
problèmes et pourtant cela ne changera rien, de même que de
réduire le remboursement des médicaments, ou encore supprimer
pour 2 milliards d’euros d’allocations familiales…
Car tout ce que je viens de lister
ici fait partie de l’intendance économique. Il s’agit de
la déclinaison concrète de grands choix.
Imaginer que réformer
c’est s’occuper de l’augmentation
du taux de prélèvement machin chouette, c’est se tromper
lourdement. Réformer c’est changer le cadre et le système
lui-même.
C’est évidemment
valable pour nous, et bien sûr pour nos amis italiens.
Les Italiens, prisonniers d’une
monnaie trop forte conçue pour les Allemands et pas le reste de
l’Europe, d’une mondialisation destructrice de valeur et
d’emploi, génératrice d’un peu de
développement là-bas pour beaucoup de nouvelles misères
ici en échange d’immenses profits pour quelques grandes
multinationales, sont condamnés comme l’ensemble des peuples
occidentaux à une paupérisation massive.
La pauvreté comme seul
avenir !
C’est un article
américain qui commence à faire un peu de bruit dans la webosphère puisqu’il nous apprend et nous
démontre que le nombre d’Américains qui reçoivent
une aide alimentaire subventionnée par le gouvernement
fédéral vient de dépasser les 101 millions de personnes,
ce qui représente environ un tiers de la population américaine
!
La population américaine est
de 316 millions de personnes.
Le nombre de travailleurs à temps plein est de 97 millions.
Les gens qui bénéficient d’un des 15 programmes
fédéraux d’assistance… pour manger sont de 101
millions de personnes dont 48 millions rien que pour le plus emblématique
des programmes connu sous le nom de « food stamps ».
Alors les Zaméricains
m’expliqueront qu’ils ne sont sans doute pas allés assez
loin dans l’abolition des rigidités.
On nous expliquera qu’il n’y a pas d’alternative.
On nous expliquera qu’il est interdit de remettre les dogmes en
question.
On nous expliquera que nous ne comprenons rien, que eux savent ce qui est bon
pour nous et ce qui est bon pour nous, c’est que nous travaillions
plus, pour de moins en moins cher, jusqu’à ce que nous soyons tous
à la soupe populaire.
Alors ce jour-là, lorsque
nous serons suffisamment nombreux à la soupe populaire, le
système se rendra compte que les capitalistes se seront
eux-mêmes suicidés en ayant tué tous les consommateurs
solvables…
Le système ne voit
désormais l’individu, le salarié, le travailleur
– peu importe – uniquement comme un coût (ce qui est
souvent vrai), le petit problème c’est que le système a
autant besoin de clients solvables que les salariés de patrons, et
comme en économie tout est une question de respect des grands
équilibres, le moment du grand rééquilibrage approche.
Mais avant le
rééquilibrage, il y aura bien sûr le grand nettoyage.
Charles SANNAT
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