Nous avons déjà parlé de ce qui s'est passé à Chypre en avril dernier, c'est-à-dire la confiscation des comptes bancaires de plus de 100.000 euros pour renflouer les banques locales en faillite. Nous avons aussi expliqué que cela présageait du mode de règlement futur des crises bancaires : se servir directement dans les comptes des épargnants. Et effectivement, il a été lancé dans la foulée un projet d'une directive européenne pour formaliser ce procédé.
Redisons-le : il ne s'agit rien d'autre ici que d'un vol pur et simple, d'une remise en cause du droit de propriété. Que les actionnaires soient mis à contribution, rien de plus normal. Et si cela ne suffit pas, et bien il faut remettre en cause la loi bancaire et séparer les banques de dépôt des banques de marché, de façon à éviter que les dépôts ne soient mis en danger. Rien de tel ici, on n'empêche pas les banques de grossir et d'accumuler des risques (on fait confiance à Bâle 3 qui n'est pourtant pas du tout à la hauteur des enjeux), et en cas de problème il suffira de puiser dans les comptes des déposants ! L'ensemble des clients de ses banques seront-ils prévenus ? Surtout pas; cela déclencherait un mouvement de panique.
Dans la nuit du 11 au 12 décembre, les 28 Etats membres ainsi que la Commission et le Parlement européen se sont mis d'accord sur le texte de cette directive. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2016; désormais chacun est prévenu.
Beaucoup pourraient se dire qu'avec un plancher de 100.000 euros, ce n'est pas la peine de s'inquiéter. Lourde erreur. Effectivement, à Chypre, les comptes en dessous de cette somme n'ont pas été touchés, mais uniquement parce que l'Union européenne et le FMI ont apporté 10 milliards d'euros dans le cadre d'un plan d'aide. Pour un pays comme l'Espagne, l'Italie ou la France, il faudrait des centaines de milliards pour protéger ces comptes. Qui pourrait apporter cette somme ? D'autant que la directive proscrit ce type d'aide extérieure (le bail out) pour justement obliger le pays à résoudre par lui-même la crise qui le frappe (le bail in). C'est bien sûr TOUS les comptes qui seraient ponctionnés.
C'est d'autant plus évident qu'à l'annonce de cette directive, tous ceux qui détiennent plus de 100.000 euros, et jusqu'à, disons, un million, ouvrirons plusieurs comptes pour se retrouver sous cette somme. Les multimillionnaires, eux, partiront ou feront des montages pour protéger leur patrimoine. Ne resteront alors que les entreprises. Mais qu'est ce que cela signifie de ponctionner tout ou partie des comptes des entreprises, c'est à dire leur trésorerie, sinon les empêcher de faire la paye les mois suivant et les mettre en grave difficulté ou en faillite, et ainsi de provoquer une crise économique majeure ?
Ce chiffre de 100.000 euros est un pur effet d'annonce destiné à faussement rassurer 95% de la population (les électeurs !) mais il ne tiendra évidemment pas en cas de crise bancaire. Avec cette directive, voici une raison supplémentaire de penser à se mettre à l'abri du système bancaire.