Il semblerait que quelqu’un,
au Département d’Etat, ait mis le feu à la somptueuse tignasse de John Kerry.
Il a en effet cessé de déclamer (du moins pour le moment) le besoin de
déclencher une troisième guerre mondiale suite à l’annexion de la Crimée par
la Russie. Je n’ai tout au long de ma vie jamais entendu parler d’une crise
plus inutile et ridicule que la bagarre actuelle autour de l’Ukraine. Et en
ce moment, il ne se passe pas grand-chose d’autre.
C’est après tout nous qui
avons tout déclenché en finançant le renversement du gouvernement ukrainien
élu. Comment pensez-vous que les Etats-Unis réagiraient si la Russie
complotait le renversement du gouvernement mexicain ? Certainement un
peu menacés, au point peut-être de déployer des troupes le long de leurs
frontières…
Depuis la fin de la Guerre
froide, les Etats-Unis ont été engagés dans des démonstrations de pouvoir
incessantes qui ont eu des conséquences désastreuses - à l’exception de l’éclatement
de la Yougoslavie. Nos récentes aventures en Irak et en Afghanistan ont été
les plus coûteuses - plus d'un trillion de dollars - et le chaos continue de
régner dans les deux pays. Des rapports publiés ce matin à Kaboul indiquent
que les élections prévues en fin de semaine pourraient ne pas avoir lieu. La
commission chargée d’organiser des élections indépendantes dans le pays subi
depuis des jours des attaques à la roquette, l’hôtel le plus populaire parmi
les journalistes étrangers a été le théâtre d’un massacre il y a deux
semaines, et les Talibans continuent de tuer des civils dans les zones de
non-droit aux alentours de la capitale afghane.
Ces incidents effroyables me
forcent à me demander pourquoi les Etats-Unis se soucient de l’Afghanistan.
De combien d’années aurons-nous besoin pour oublier qu’Oussama Ben Laden y a
un jour dirigé un camp d’entraînement de djihadistes ? A l’heure
actuelle, il ne fait aucun doute qu’il existe, quelque part entre Casablanca
et le Timor Oriental, quelques camps d’entraînement pour fanatiques religieux
et des milliers de rassemblements de jeunes hommes au cerveau bouillant de
testostérone qui n’ont rien d’autre à faire que passer leur temps à faire
joujou avec des armes à feu. Allons-nous envahir tous les pays dans lesquels
de tels rassemblements ont lieu ?
S’il est une chose à retenir
de la réalité actuelle, c’est que l’économie globale se fissure. Malgré les
revendications d’un certain Tom Friedman, du New York Times, le
globalisme n’est pas une évolution permanente de la condition humaine. Il a
plutôt été instauré pour faciliter les relations économiques nées de
circonstances particulières à une certaine période de l’Histoire – une centaine
d’années d’énergie peu chère et près de cinquante ans de paix relative entre
les Etats. Rien de plus. Il disparaît aujourd’hui parce que l’énergie devient
de plus en plus coûteuse, ce qui crée des frictions entre des nations
complètement accro à des afflux permanents de pétrole et de gaz.
Ces frictions se manifestent
notamment au travers de la monnaie et de la finance. Les nations dépendantes
de l’énergie à bas prix ont tenté de contrer la flambée du prix du fruit de
leurs désirs et l’absence de croissance économique en empruntant toujours
plus d’argent, c’est-à-dire en générant toujours plus de dette. Cela se
manifeste par l’impression monétaire, ou devrais-je dire ces activités
bancaires informatiques qui injectent toujours plus de liquidités au sein des
économies « avancées ». La conséquence en est la mauvaise
évaluation des prix (y compris celui de l’emprunt de monnaie) et la guerre
des devises à mesure que les joueurs se battent pour les supposés avantages
de la dévaluation – notamment la capacité de dissoudre leur propre dette
souveraine par l’inflation.
Les conséquences éventuelles
de cette situation sont discutables, mais nous pouvons toutefois tirer
quelques conclusions des macro-tendances. L’orgie globale pour les produits
peu chers et la bulle financière touchent à leur fin. Les nations et les
régions qui les composent devront bientôt trouver un autre moyen d’organiser
la vie à une échelle bien plus petite, ce qui ne manquera pas d’impliquer des
transformations en matière de gouvernance. L’éclatement des nations a
commencé, et se déplace des marges vers les centres politiques – depuis les
nations surpeuplées et désespérées qui ne se développeront jamais aux géants
de plus en plus sclérosés.
Les Etats-Unis présentent au
travers du comportement dément de ses dirigeants des signes sévères de
sclérose, depuis le récent fiasco en Ukraine jusqu’à la détérioration des
villes américaines, le monticule de plastique avec lequel nous avons recouvert
nos paysages mutilés, et le comportement de notre population mentalement
inerte, droguée et couverte de tatouages.
Il est évident que les russes
ont un intérêt à annexer la Crimée, et que nous n’avons aucune raison de nous
en soucier. La ruine de la vie culturelle et matérielle des Etats-Unis
devrait suffire à nous garder occupés.