Dans la partie sud de la zone
Euro, les gens se sentent accablés. Leur vie, leur futur ont été sacrifiés sur
l’autel du Saint Euro. J’écris ces lignes aux Pays-Bas, au nord de la ligne
de division de ce qui deviendra bientôt une union politique heureuse et
agréable, un véritable paradis.
Ici, nous ne souffrons pas
autant que les peuples de Grèce, d’Espagne et du Portugal. Pas encore. Mais
nos hommes politiques poursuivent l’établissement d’un état fédéral qui
incorpore d’énormes différences culturelles et économiques. Qui finiront bien
entendu par disparaître miraculeusement dès que les Etats-Unis d’Europe verront
le jour. Comme elles l’ont fait après l’introduction de l’Euro.
Au sud de la ligne de
division, les gens commencent déjà à en payer le prix. Les Allemands, les
Finnois et les Hollandais recevront bientôt leur facture. L’Euro et l’union
politique ne pourront survivre que si une union de transfert était établie,
ou si les nations les plus compétitives économiquement transféraient une
partie de leur patrimoine aux nations les moins compétitives. Pour toujours.
Un fait que nos hommes politiques tenteront de nous cacher autant qu’ils le
pourront.
Et je dois dire qu’ils y sont
jusqu’à présent parvenus avec brio. Le public ne s’intéresse qu’à son propre
portefeuille : ma maison va-t-elle gagner de la valeur, pourrais-je
toucher une bonne retraite, combien d’impôts devrais-je payer ? Ils
n’observent pas les choses dans leur ensemble, et ne sont pas intéressés par
les causes les plus profondes de la crise. Ils veulent continuer de croire
que la reprise économique actuelle est réelle et que le marché de l’immobilier
(qui est en chute libre aux Pays-Bas) se remettra bientôt.
Alors ils votent, comme ils
l’ont toujours fait, pour des hommes politiques qui leur mentent et leur
racontent des contes de fées. Comme par exemple : nous vous donnerons
des retraites plus importantes, et plus d’aides sociales, et nous baisserons
les impôts. Mais aussi : nous n’abandonnerons pas notre souveraineté
nationale entre les mains de Bruxelles, et l’Euro est ce qu’il nous faut. Les
électeurs ne veulent pas entendre de mauvaises nouvelles. Les politiciens qui
osent dire la vérité ne se font jamais réélire.
Mais beaucoup de Hollandais
restent méfiants envers la soif de pouvoir des technocrates européens. En
2005, les Hollandais et les Français ont eu la chance de voter pour un
nouveau Traité européen. L’élite politique n’a autorisé un tel référendum que
parce qu’elle était convaincue que les Hollandais (qui sont réputés pour être
cosmopolites et « internationaux ») voteraient en faveur du Rêve
européen. Mais la population a jeté le Traité aux oubliettes.
Panique à La Hague. Quelques
modifications ont été apportées au Traité européen pour le faire passer pour
un nouveau traité pour lequel un autre référendum était nécessaire. Et cette
fois-ci, la populace n’a bien entendu pas eu la chance de voter. Le nouveau
traité a rapidement été approuvé par le Parlement.
Aux Etats-Unis, il existe un
réel problème de corruption des hommes politiques, parce qu’ils sont élus
directement et ont besoin de quantités d’argent astronomiques pour financer
leur campagne électorale. Aux Pays-Bas, et dans une majorité de pays
d’Europe, les hommes politiques peuvent être élus lorsqu’ils sont à la botte
des dirigeants d’un parti, parce que ce sont eux qui décident si ceux qui
aspirent à devenir politicien obtiennent ou non une place de choix dans leur
liste. Ces chefs de partis rêvent à travailler pour une institution
internationale comme la Commission européenne, le FMI ou la Banque mondiale
une fois qu’ils en ont fini avec La Hague, et ont donc un esprit plus européen
que les Hollandais qui n’en tirent aucun profit mais paient la facture de
l’Europhorie.
Mais ils ne s’en rendent pas
nécessairement compte, parce qu’ils ne s’intéressent que très peu au
fonctionnement de la bureaucratie politique européenne. Pour les électeurs
ordinaires, l’Europe est encore aujourd’hui au second plan, derrière la
politique domestique. Les gens ne réalisent pas encore ce que leur coûtera
une unification de l’Europe.
Et il n'y a pas que des
gauchistes qui vénèrent le Saint Euro. Les centristes, les
libéraux-démocrates, paraissent peut-être un peu moins enthousiastes, leurs
politiques ne sont pas très différentes. Notre Premier ministre Mark Rutte
(un libéral-démocrate) a déclaré devant le Parlement qu’il défendrait les
intérêts des Pays-Bas à Bruxelles et qu’il ne permettrait jamais aux
autocrates des Bruxelles de régner sur son pays. Juste avant d’embrasser et
de faire une accolade à Guy Verhofstadt, l’un des plus grands défenseurs du
projet d’Etats-Unis d’Europe, et de soutenir sa candidature en tant que
Président de la Commission européenne.
Les élections européennes
approchent. En dehors de l’apathie générale pour tout ce qui touche aux
politiques européennes – le taux de participation sera certainement plus bas
que jamais – nous ne pouvons pas dire que le choix offert aux électeurs soit
phénoménal. Aucun des partis établis aux Pays-Bas n’est réellement
eurosceptique. La seule exception est le parti de la liberté, le parti
anti-immigration pour lequel les Hollandais refusent par principe de voter.
L’Europe remportera donc la victoire, et il y aura plus de bureaucratie et
moins de démocratie aux Pays-Bas. Et certainement en Allemagne.
Le Titanic poursuit sa
trajectoire effrénée vers l’iceberg, la musique bat son plein et les gens
continuent de valser.
La même histoire se joue
aujourd’hui dans les nations refinancées de l’Europe. Les grands perdants
sont les pauvres et la classe moyenne, et ceux qui en bénéficient sont encore
une fois les mêmes : les grosses multinationales et les banques. Je vous
conseille de lire “Uncreative”
Destruction: The Troika’s Hostile Takeover of Europe