Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Je viens de terminer un ouvrage dont je souhaitais vous parler et partager avec vous quelques réflexions.
Son titre ? Vicilisation, du latin « vicus », signifiant « le village », et nous reviendrons longuement sur cette partie-là.
Le résumé
«Vicilisation – La Chute est un roman d’aventures qui se déroule de nos jours.
La crise économique s’aggrave, les tensions sociales et les attentats se multiplient, le monde occidental vacille, puis s’effondre brusquement.
Les villes en proie aux pénuries et aux émeutes sont les premières touchées.
Jacques, un jeune architecte parisien jeté sur les routes de l’exode, tente de survivre à l’impensable. Son errance spectaculaire au travers d’un monde qui sombre dans l’anarchie lui révèle ce que beaucoup n’auront pas l’occasion de voir : le crépuscule d’une civilisation.
Pourtant, au milieu des doutes et de la violence, un fragile espoir semble renaître…
Jusqu’où ira-t-il pour le défendre ? Que sera-t-il capable d’accomplir pour émerger de ce chaos ? »
Voilà donc pour l’histoire qui, sans être un trésor littéraire (ce qui n’est en aucun cas un reproche), se lit bien et facilement (ce qui est un compliment), ce qui est évidemment fort agréable. On a tout simplement envie de lire la suite et de tourner chaque page ! J’ai passé un bon moment de lecture et cet ouvrage doit nous amener à nous poser quelques questions de fond, en tout cas il peut sans conteste servir de support à une réflexion beaucoup plus large sur notre modèle de civilisation.
La ville tentaculaire comme modèle de développement
Notre modèle actuel de développement est hérité de la révolution industrielle. L’exode rural est, avec le recul, un phénomène particulièrement logique dans la mesure où les usines qui avaient besoin d’une masse considérable de main-d’œuvre se sont installées à proximité des villes donc de leurs clients. Chemin faisant et temps passant, la population très majoritairement rurale dans notre pays à la sortie de la guerre à la fin des années 40 est devenue majoritairement urbaine puis péri-urbaine avec le développement pas franchement réussi de banlieues tentaculaires.
Il est donc essentiel de poser un constat particulièrement fondamental. Ce qui justifie l’existence des villes ce sont les usines et donc les bassins d’emplois liés à cette révolution industrielle.
Aujourd’hui, nous devons bien nous rendre compte, au-delà de la crise actuelle, que nous sommes rentrés dans une ère « post-industrielle », que les usines ferment et que celles qui ne ferment pas ont de moins en moins besoin de bras grâce aux progrès technologiques. La même chose est à l’œuvre dans le secteur des services et évidemment Internet, les réseaux informatiques et autres technologies jouent un rôle considérable dans la raréfaction des emplois disponibles. C’est par exemple cruellement le cas pour les agences bancaires condamnées rapidement à disparaître au profit de la banque en ligne nettement plus rémunératrice pour les banques et qui occupent tout de même environ 480 000 personnes rien que dans les agences de France et de Navarre.
Alors la question que l’on doit se poser est que la ville telle que nous la connaissons aujourd’hui est l’héritage de cette révolution industrielle d’il y a deux siècles, héritage balayé en l’espace de quelques décennies notamment par la mondialisation, les délocalisations et les progrès techniques, cette ville donc a-t-elle encore un sens économique, un sens social, est-elle un avenir possible ou au contraire un vestige de notre passé récent voué à la décadence et à la disparition comme peut nous le montrer de façon assez dramatique l’évolution de la ville de Détroit aux USA qui n’est même plus l’ombre d’elle-même mais un champs de ruines à ciel ouvert ?
Le cas particulier des écoquartiers !
Ma tendre épouse, avec qui je partageais ces réflexions, évoquait que ce que je pensais pouvait être relativisé, que la ville est capable de se transformer d’ailleurs, « regarde mon chéri, maintenant on construit en BBC et on bâtit des écoquartiers ». C’est vrai, et pourtant cela ne me semble pas être une solution mais justement bien une confirmation et une démonstration que les villes actuelles ne sont plus adaptées et le seront de moins en moins. Il s’agit là, en tout cas j’en ai la désagréable impression, de tentatives désespérées de « changer » la ville sans la remettre en cause ! En clair, c’est une réformette urbaine ou quelques esprits éclairés glosent doctement autour d’idées fumeuses du type écoquartier, potager participatif de 200 m² aussi vite abandonné que construit, ou encore toitures végétalisées. C’est très beau, c’est très bien, c’est très séduisant et alors ! Combien de millions de personnes habitent-elles dans un écoquartier ? Et qu’est-ce qu’un écoquartier ? Ce n’est rien en réalité, juste un ensemble immobilier perdu au milieu d’un océan de béton et censé avoir un impact plus léger sur l’environnement. Comprenez par là qu’il y a quelques panneaux solaires, une isolation que personne ou presque ne pourra plus se payer dans 5 ans si la crise et le chômage se poursuivent ainsi, et en cherchant bien sans doute quelques arbres tout petits et qui auront besoin de 20 ans avant de fournir de l’ombre… le tout en général assez loin des centres-villes (qui sont déjà construits depuis belle lurette) !
Bref, l’écoquartier est à l’avenir des villes ce que la ligne Maginot était à la protection de la France en 1940. Nous continuons à raisonner ville, à raisonner extension, emprise étalement urbain que les nouvelles constructions soient BBC ou pas ne changera rien ou presque à l’autonomie de leurs habitants.
Le retour du « rural » une tendance lourde et une nécessité économique
S’entasser dans les villes a donc une logique lorsqu’il s’agit avant tout d’une logique d’emploi et de travail. Vous travaillez en ville, vivez en banlieue (en général) et payez généralement très cher le fait d’y être. Même pour ceux qui travaillent, et je pense en particulier aux classes moyennes, désormais le coût économique de la vie en ville mérite d’être calculé, ce que les gens ne font pas encore assez. En gagnant moins à la campagne, on peut vivre mieux qu’en gagnant un peu plus en ville.
En revanche, pour ceux qui sont sans emploi et avec peu de chance d’en retrouver un convenablement payé, la ville est très clairement la plus mauvaise affaire financière. Pas d’argent = les quartiers les plus défavorisés, les problèmes scolaires ou de délinquance, ou encore un éloignement assez fort du centre-ville. Bref, un rmiste a-t-il intérêt à vivre en ville et à s’entasser dans des banlieues dortoirs toutes aussi déprimantes les unes que les autres. Économiquement, la réponse est évidemment non.
Vivre avec un RSA à la campagne c’est presque possible, en aucun cas en ville, encore moins à Paris. La ville, enfin, vous prive de toute autonomie ou presque, les solidarités n’y sont pas les mêmes et les possibilités d’échanges sont très différentes.
En Grèce, comme dans tous les pays du sud de l’Europe, on observe un mouvement très fort confinant à l’exode urbain où les gens par milliers quittent des villes devenues des pièges financiers pour se replier sur des zones rurales ou à défaut de « carrières » professionnelles, ils sont en mesure de subvenir à leurs besoins fondamentaux de se loger, de se nourrir et aussi de se chauffer avec quelques stères de bois au moment où les feux de cheminées sont désormais interdits dans toute l’Île-de-France.
Ces néoruraux représentent à mon sens une forme de solution de « survie » évidente face à la crise économique et au chômage endémique.
Il y a quelques mois j’avais eu l’outrecuidance d’écrire au sujet d’une dame qui dormait dans sa voiture (dans le 15e arrondissement de Paris) alors qu’elle avait une pension de 800 euros, était à la retraite et se plaignait de son sort que rien ne l’empêchait de faire rouler sa voiture jusqu’à Tulles, ville de Corrèze et accessoirement de notre président de la République, pour y dénicher un appartement en excellent état pour moins de 300 euros par mois, ce qui lui laisserait environ 500 euros pour finir le mois. Certes ce n’est pas Byzance, mais au moins on finit son mois et on n’est pas SDF.
J’ai reçu un abondant courrier de lecteurs m’accusant de vouloir « déplacer les gens de force ». Mais il ne s’agit pas de cela. Les gens finiront par se déplacer d’eux-mêmes tout simplement parce qu’ils n’auront aucun autre choix. Encore une fois, être en ville sans travail c’est un suicide financier et familial et l’assurance d’être malheureux. Après, il doit tout de même être possible de parler de ce genre de possibilité et d’inciter les gens à se redéployer sur le territoire sans pour passer tout de suite pour un horrible stalinien…
L’intérêt économique de la revitalisation rurale
Et c’est là que ce livre Vicilisation est très actuel et passionnant car effectivement l’intérêt du village et du redéveloppement rural est évident.
Humainement tout d’abord, nous avons besoin de ralentir le temps, d’alléger les pressions psychologiques, de redonner du sens et le sens provient aussi du rôle que chacun peut tenir dans sa communauté immédiate par et pour les autres.
Économiquement, remettre un café dans chaque village, un coiffeur, un épicier, un boucher ou encore un boulanger ce sera autant de travail créé en plus et donc une petite vie économique locale.
Mettre tous ces villages en réseaux, développer le télétravail, favoriser les échanges locaux de biens et services, de réparation comme de production dans le cadre de ce que certains appellent « l’économie circulaire » fera évidemment partie des solutions post-crise que nous devrons mettre en place.
Il ne faut pas s’imaginer que la croissance reviendra comme par magie. Elle baisse tendanciellement depuis 40 ans maintenant et chaque décennie voit sa croissance moyenne inférieure à celle de la décennie précédente. Désormais nous sommes à croissance zéro sans même vous parler de « croissance négative » et du tombereau de dettes que nous ne rembourseront jamais. Pour ceux qui ne l’ont pas lu, téléchargez si vous souhaiter en savoir plus mon ouvrage sur les « vraies raison de la crise » disponible gratuitement sur le site du Contrarien Matin colonne de droite sur votre écran d’ordinateur.
Vicilisation est une partie de la solution
Il nous faudra dans les prochaines années choisir entre ce que nous voudrons faire croître et ce qui devra décroître par la force des choses, il nous faudra passer de la production de masse et de la consommation de masse à l’économie circulaire où tout se répare car conçu pour cela et où tout se recycle. Nous devrons réinvestir nos espaces ruraux car nous disposons encore de place et de ressources. Nous avons même de vastes espaces sous-utilisés. Nous devrons prendre soin de nos sols et de nos environnements. Nous devrons changer nos méthodes agricoles en généralisant des techniques comme celle de la permaculture bio dont les rendements sont excellents et permettront quand même, quoi qu’en disent les Monsanto et consorts, de nous passer de toute cette chimie mortifère, nous devrons réapprendre à vivre ensemble dans des communautés à taille humaine.
Nos villes, nos grandes villes devront décroître par la force des choses, c’est ainsi. Elles sont en réalité totalement dépassées et ne survivront vraisemblablement pas dans leur taille actuelle à l’aggravation de la crise économique.
Le village redeviendra pour un temps l’unité de vie principale. Ce ne sera pas le village ou le hameau de nos grands-parents, loin de tout, enclavé. Non, ce sera, je l’espère, le village moderne et post-industriel, où nous saurons y investir de la technologie et des savoir-faire, des services de transports et de distribution qui rendront les échanges aisés.
Nous pourrions donc inventer un modèle de société totalement différent, beaucoup plus « doux », plus humain, plus efficient économiquement et environnementalement parlant. Nous ne devrons pas opposer technologie et ruralité mais bien faire coexister les deux pour mettre la technologie au service de l’homme et non plus subir l’inverse, à savoir l’asservissement de l’homme aussi bien par la technologie que par le système économique.
La véritable question est saurons-nous le faire avant ou après la chute, car dans ce roman de Chris Antone, la vicilisation ne peut naître que des cendres de la « civilisation » et j’ai bien peur qu’il ait parfaitement raison.
Je vous souhaite donc une excellente lecture de ce que peut être la chute de notre système et de notre pays, du chaos que nous pourrions devoir vivre mais aussi de nos capacités à rebondir comme l’être humain a toujours su le faire.
Préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »