Si quiconque ayant reçu une
éducation supérieure au niveau de maternelle a pu se rendre compte de quels
étaient les intérêts des Etats-Unis dans la question ukrainienne, nous n’en
avons pas entendu parler – et rien n’a fui du vaisseau en perdition qu’est le
Département d’Etat. A vrai dire, en observant la situation de plus près, il
est difficile de comprendre la logique derrière la politique étrangère actuelle
des Etats-Unis. Monsieur Poutine nous en a fait part la semaine dernière,
lorsqu’il disait que « tout ce que touchent les Etats-Unis se transforme
en une nouvelle Libye ou un nouvel Irak ». Et je ne pense pas qu’il ait
tort. Le pays qu’il n’a bien entendu pas mentionné
est l’Ukraine, qui a intégré la liste des Etats en péril il a quelques mois, suite
au renversement commandité par le gouvernement des Etats-Unis de son
gouvernement élu.
Ce qui complique encore plus
la situation est que l’Ukraine est une voisine de la Russie. Pendant de
nombreuses années, elle a fait partie de la même nation que la Russie. La
Russie possède énormément d’actifs en Ukraine : pipelines, usines, ports
maritimes… Parce que les deux pays faisaient autrefois partie d’une même
nation, beaucoup de russophones vivent encore aujourd’hui à l’est de l’Ukraine,
sur la frontière avec la Russie. N’importe qui pourrait se rendre compte que
la Russie a des intérêts en Ukraine. Plus encore si le gouvernement ukrainien
n’est pas capable de gérer ses propres affaires économiques.
Les Etats-Unis disent avoir
des intérêts en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye. Ces nations sont
respectivement situées à 19.191, 17.910, 17.292 et 16.209 kilomètres des
Etats-Unis – elles ne sont pas vraiment leurs voisins. Elles ont tous, d’une
manière ou d’une autre, intégré la liste des Etats en perdition. L’Afghanistan
était, il est important de le noter, un cas particulier, puisqu’il a été
utilisé explicitement il y a treize ans en tant que base par Al Qaeda pour
les attaques perpétrées sur le sol américain. Mais c’était il y a treize ans.
Aucune autre guerre, dans toute l’histoire des Etats-Unis, n’a duré aussi
longtemps. Et des doutes planent encore autour de la présence des troupes
américaines sur le terrain. S’agit-il d’un projet de reconstruction ou d’une
occupation ?
Le président Obama a parlé du
retrait des troupes américaines en Afghanistan, mais elles s’y trouvent encore.
Comment se porte le projet de reconstruction national ? Maintenant qu’Oussama
ben Laden est mort et enterré au fond de la mer, et que les mouvements islamistes
se sont déplacés vers d’autres régions, quel est aujourd’hui le rôle de l’Afghanistan
dans le Jihad ?
Combien de professeurs
instruits et marinés par les médias peuvent expliquer en un court paragraphe
quelle a été la nécessité du renversement de Mouammar Kadhafi ? Je
suppose que, comme pour beaucoup d’autres évènements historiques, il semblait
au début être la chose à faire. Si l’idée était de maintenir le flux de
pétrole et de gaz vers l’Occident, voyez sur quoi elle a abouti. La
production de pétrole n’est plus que d’un huitième de ce qu’elle était avant
que Mr. Kadhafi ne soit renversé.
Et n’oublions pas l’EIIL, ou
le Califat. La conséquence la plus visible d’une décennie d’interventions américaines
en Irak et en Syrie. Bravo ! Les Etats-Unis sont parvenus à offrir au
monde un mouvement politique peut-être plus barbare encore que celui des
Nazis ! Dimanche dernier, le New
York Times parlait d’une admiration pour les accomplissements et
les compétences de cette organisation dans son article ISIS
Displaying a Deft Command of Varied Media.
A la manière d’un savant fou esclave de sa propre
création, le Times
se dit ébloui devant le monstre politique que les Etats-Unis ont lâché sur le
monde.
Au vu de tout ce qui se passe
au Proche-Orient, et du vent mortel qui s’en dégage et pourrait se déplacer
jusqu’en Europe et aux Etats-Unis, est-il vraiment dans l’intérêt des
Etats-Unis de s’en prendre à Poutine et à la Russie au sujet de son voisin ?
Existe-t-il même une autre nation qui soit capable de mieux empêcher l’Ukraine
de s’effondrer complètement ? Pourquoi ne nous contentons-nous pas de
nous mêler de ce qui nous regarde ?