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Le petit
anglais Ashya King est enfin arrivé au centre de protonthérapie
de Prague ! Atteint d’un cancer au cerveau, l’enfant y
bénéficiera d’un traitement de pointe qui lui offre 80%
de chance de survie. C’est la conclusion provisoire d’une
poursuite rocambolesque qui a vu le NHS – la Sécu anglaise
– tenter de s’accaparer l’enfant et qui aura conduit ses
parents en prison pendant deux jours. Au-delà du drame humain, la
folle cavale d’Ashya illustre l’incapacité des
systèmes de santé occidentaux à s’adapter au
nouveau marché de la médecine.
Tout
commence dans le service de cancérologie du Southhampton General
Hospital, une institution universitaire dépendante du National Health
Service (NHS), le très bureaucratique système de santé
publique au Royaume-Uni. Le petit Ashya King y est soigné pour un
medulloblastome, une tumeur du cerveau particulièrement agressive.
Suivant le protocole habituel, les médecins procèdent à
une ablation de la tumeur et se préparent à administrer une
radiothérapie ordinaire à base de rayons X. C’est alors
que la relation avec les parents de l’enfant s’envenime.
En se
renseignant sur la maladie de son fils, Brett King découvre
qu’il existe une technique plus récente, la
protonthérapie, qui semble mieux adaptée aux enfants. En effet,
l’usage de protons permet de concentrer plus précisément
le flux de rayons vers la zone malade et limite les séquelles
neurologiques. Un débat s’ensuit avec l’équipe
soignante qui doute de l’utilité de cette nouvelle technologie
et veut imposer sa propre thérapeutique. La relation se dégrade
rapidement quand le comité d’appel du NHS notifie aux parents le
refus de prendre en charge le financement de la protonthérapie.
Qu’à cela ne tienne, Brett et Naghemeh décident de
financer eux-mêmes le traitement en vendant la maison qu’ils
possèdent près de Malaga.
Mais
l’administration anglaise ne l’entend pas de cette oreille. Alors
même que la famille a prévenu l’hôpital de son
départ, la police du Hampshire lance un mandat d’arrêt
international pour défaut de soin et enlèvement d’enfant.
C’est en Espagne, où ils allaient liquider leur maison, que le
couple sera arrêté et incarcéré, laissant
l’enfant seul et terrifié à l’hôpital de
Malaga, sans le moindre contact avec sa famille. Horrifié, le public
anglais découvre alors qu’on peut se retrouver emprisonné
pour un désaccord thérapeutique avec le NHS. Devant le
scandale, tous les acteurs publics reviennent sur leurs décisions et
le couple est bientôt libéré.
Ivre de
colère, le père déclare lors d’une
conférence de presse que l’hôpital de Southampton voulait
« tuer son fils, le transformer en légume » et
qu’ils avaient été « traités comme des
terroristes » juste parce qu’ils voulaient le meilleur
traitement possible pour leur enfant. Immédiatement, le NHS se
défend en déclarant qu’il n’y a « aucune
certitude que la protonthérapie est meilleure que la radiothérapie. »
En réalité, la protonthérapie est trop récente que
pour être certain de ses effets, mais il semble bien qu’elle
constitue une réelle avancée médicale. Hélas, la
structure bureaucratique du NHS et les règles de
responsabilités internes tendent à privilégier les
décisions conservatrices et à freiner l’innovation.
Ainsi, le Royaume-Uni ne dispose pas d’un centre de
protonthérapie alors qu’on en compte plusieurs en France, en
Allemagne ou aux États-Unis.
Quant
à Ashya King, son traitement lui sera administré dans un grand
hôpital de Prague. Et l’origine réelle du problème
se tient peut-être là. Dans son communiqué, le NHS
exprime ses griefs à l’égard du centre de
protonthérapie tchèque. « Certaines cliniques
à l’étranger font lourdement leur publicité
auprès de parents qui sont désespérés de trouver
un traitement pour leurs enfants » Effectivement, une visite sur
le site de la clinique praguoise convainc rapidement qu’elle
maîtrise toutes les techniques de marketing moderne. Une attention
particulière y est d’ailleurs accordée aux patients
anglais confrontés aux lenteurs bien connues des hôpitaux
britanniques.
Comme tous
les systèmes de soins d’Europe occidentale, le NHS se trouve
confronté à une nouvelle génération
d’hôpitaux qui organisent une concurrence sur le marché
médical et mettent en évidence les faiblesses des
systèmes publics. Doublé d’un accès
désormais aisé aux informations les plus pointues, le client
médical reprend le pouvoir face aux administrations de santé
publique. Sauf réformes structurelles, nous risquons de voir
apparaître de plus en plus de conflits comme celui autour du petit
Ashya. Espérons quand même que celui-ci reste exceptionnel par
son intensité.
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