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première partie de l’article, ici]
Les succès
obtenus par les syndicats dans les combats qui les opposent aux patrons vont
leur permettre d’acquérir un oligopole sur le marché du travail.
Progressivement, ils se constituent en cartel dans le but d’imposer des
salaires au-dessus de l’équilibre de marché. Or, pour garantir des prix
supérieurs au marché, la seule manière de s’y prendre est de réduire l’offre.
Et sur ce point, une grande différence les sépare des cartels habituels.
En effet, les
syndicats ne contrôlent pas matériellement le travail. Ce ne sont pas eux qui
produisent le travail, ce sont les travailleurs, individuellement. Ils ne
peuvent donc pas limiter de leur propre chef l’offre de travail. Leur seule
approche possible consiste à obtenir une réglementation autoritaire du marché
du travail.
Ainsi
apparaissent, à la demande des syndicats, une kyrielle d’interdictions
empêchant de travailler plus qu’un certain nombre d’heures, au-dessous d’un
certain salaire, après un certain âge, etc. Alors qu’auparavant, le travail
était un droit évident pour tous, la notion de travail illégal se répand
progressivement. On oublie souvent qu’avant 1940, le travail était libre. Ce
n’est qu’avec la deuxième guerre mondiale, qu’apparaît l’idée d’un travail
clandestin (le fameux « travail au noir »). Ainsi, grâce à l’aide
des gouvernements, les syndicats parviennent à monopoliser la négociation
salariale (la fameuse « négociation collective »), et à pousser les
salaires à la hausse.
Mais, si les
salaires s’élèvent, les syndicats sont toujours incapables d’augmenter la
productivité marginale du travail. Les employeurs réduisent donc leur
production et leur demande de main d’œuvre. Indépendamment des cycles
économiques habituels, le chômage s’installe du fait même de l’action
syndicale. Comme le résume avec raison l’économiste Murray Rothbard : « Plus
grande est l'influence du syndicalisme, plus un chômage de masse permanent
aura tendance à se développer. » (À lire sur 24h Gold.) Dans
cette seconde période, la hausse des salaires est donc factice. Car, si le
salaire apparent augmente, tout un groupe de travailleurs voit ses revenus
disparaître. Au final, le revenu moyen tend à diminuer. En pratique, des
mécanismes de solidarité comme les allocations chômage contribuent à répartir
la perte de revenu entre les différents travailleurs et à lisser celle-ci
dans le temps, mais le résultat moyen reste le même. En entravant le marché
du travail, l’action syndicale revient à diminuer les revenus des
travailleurs.
Dans un période de forte croissance économique comme les
trente glorieuses, les syndicats pouvaient encore faire illusion. La hausse
de la productivité permet de compenser largement les pertes de revenus
générées par leur action. La mise en place de la négociation collective et du
travail règlementé s’accompagne alors d’une hausse des salaires réels et
chacun d’imaginer un lien entre les deux. Dans ces conditions, il est
politiquement hasardeux d’expliquer que la hausse des salaires réels s’est
effectuée, non pas grâce aux syndicats, mais malgré les
syndicats. Et il est extrêmement difficile de mettre en évidence que, sans
l’action syndicale, la hausse des salaires aurait été encore plus importante.
Comme nous le
voyons, l’histoire de l’action syndicale explique la croyance généralement
admise de leur utilité pour augmenter les salaires. Il fut un temps où cette
action était réellement utile en ce qu’elle fluidifiait le marché du travail.
Ensuite, vint une époque où les effets de la cartellisation restaient
invisibles et pouvaient même sembler positifs. Cette expérience de près d’un
siècle sur « ce qui se voit » explique la difficulté à concevoir
« ce qui ne se voit pas » aujourd’hui, à savoir que l’action des
syndicats revient à baisser les revenus réels des travailleurs.
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