Ce dont les pays de l’OPEP
ont le plus peur, c’est d’une nouvelle révolution technologique susceptible d’entraîner
un deuxième boom du secteur pétrolier américain. Et cette peur se concrétise
aujourd’hui.
Une récente révolution
technologique a donné lieu à un boom pétrolier qui a engendré la plus
importante hausse de production de pétrole enregistrée en plus d’un siècle.
Bien qu’il en ait découlé un effondrement de prix et une campagne de l’OPEP
pour le maintien de sa part de marché, la réponse des Etats-Unis pourrait
être une nouvelle révolution technologique qui fera passer la première pour
une simple expérience embryonnaire.
Schiste n’est plus au
goût du jour – tout ce qui importe aujourd’hui, c’est de raviver les champs
pétroliers matures grâce à une technologie avancée de récupération de nappes,
chose qui permettrait l’exploitation de nouveaux champs pétroliers de
schiste, mais aussi une exploitation renouvelée des champs pétroliers plus
anciens.
Nous avons pu entendre
toutes sortes de choses au sujet de ce qui est souvent appelé un boom
pétrolier américain éphémère. Ce que beaucoup ne comprennent pas, c’est que
les révolutions de cette nature se font par phases, et commencent par l’apparition
d’une nouvelle technologie suivie par un arrêt temporaire du progrès pendant
que les résultats en sont étudiés et qu’une meilleure alternative est
recherchée.
Ce que nous observons
ici, ce sont les avancées en matière de récupération améliorée du pétrole,
qui visent à une production accrue et à une efficacité en matière de coûts
susceptibles de tempérer l’effondrement du prix du pétrole et d’éveiller le
géant endormi des Etats-Unis. De nouveaux acteurs devraient bientôt
apparaître, qui achèteront des champs pétroliers pour y installer des
systèmes de récupération pétrolière améliorée et redonneront vie à la récente
révolution.
La révolution de schiste
a été époustouflante, mais a eu des retombées – au-delà même de l’effondrement
du prix du pétrole qui a fait de la fracturation une activité coûteuse. La
fracturation nécessite beaucoup d’eau. Selon une récente étude de l’U.S.
Geological Survey, plus de 36.000 mètres cubes d’eau sont nécessaires par
puits, ce qui nuit à l’agriculture et aux sources d’eau potable dans les
Etats les plus arides, notamment au Texas.
La deuxième phase du
boom pétrolier frappera au cœur des insuffisances de la première.
Deux avancées
intéressantes ont été faites en matière de récupération améliorée de pétrole :
les technologies au CO2 et au plasma pulsé.
La technologie au CO2,
ou au dioxyde de carbone, nécessite l’injection de CO2 dans les champs de
pétrole plus anciens afin de faire remonter le pétrole restant à la surface.
Dans certains cas, la durée de vie du champ peut être rallongée de plus de 25
ans. Les Etats-Unis ont de la chance en ce sens, parce qu’ils disposent de
gros volumes de CO2 naturel et peu cher. En revanche, afin que cette
technologie puisse se répandre, une infrastructure importante est nécessaire.
Selon Visiongain,
les dépenses globales en CO2 seront de 4,74 milliards de dollars sur l’année.
« Elles enregistreront bientôt une baisse, parce que l’effondrement du
prix du pétrole commencera à avoir un impact sur les programmes de récupération
pétrolière améliorée au CO2, avant de repartir à la hausse avant ces dix
prochaines années. »
Et puis nous avons
quelque chose d’un peu plus futuriste, bien que financièrement viable – la technologie
au plasma pulsé, qui permet la réouverture de puits sans eau, sans produits
chimiques polluants et sans risque de séisme. Réouverture signifie que,
contrairement à la technologie de fracturation, la roche n’est pas fracturée.
Les puits sont nettoyés afin d’ouvrir le passage au pétrole et de permettre
un flux plus rapide et plus efficace vers la surface.
La technologie au plasma pulsé crée un arc de plasma au
sein d’un puits vertical, qui génère une forte chaleur pour une fraction de
seconde, et les pulsations hydrauliques à grande vitesse qui en découle
permettent de détruire les bouchons de sédiments des zones de performation
sans endommager leur enveloppe d’acier. Ces pulsations pénètrent également le
réservoir, ce qui rouvre sa perméabilité pour une année entière après
traitement.
Afin de déterminer
quelle technologie prendra le dessus au cours de ces prochains mois, il nous
faut observer les entrepreneurs du milieu et les investisseurs stratégiques,
comme le milliardaire russe Roman
Abramovich.
Le numéro un du marché
de l’extraction de gaz et de pétrole grâce à la technologie au CO2 est
Denbury Resources (NYSE : DNR), qui selon beaucoup est une société qui
offre de bonnes perspectives de long terme en raison de son souci pour l’efficacité.
Pour ce qui concerne
Abramovich, il est un magnat des métaux précieux qui est également
propriétaire du club de football de Chelsea et est le 143e homme
le plus riche du monde, avec environ 9 milliards de dollars selon Forbes. Il
est le propriétaire principal de Millhouse LLC, une société d’investissement basée
en Grande-Bretagne, dont les actifs incluent des parts Sibneft – aujourd’hui
Gazprom Neft. En 2005, Millhouse a vendu 72% des parts de Sibneft à Gazprom
pour plus de 13 milliards de dollars.
La technologie au plasma
pulsé a pour la première fois attiré mon attention au mois de février, lorsqu’Abramovich
– qui est connu pour ses stratégies d’investissement – a décidé d’investir 15
millions de dollars sur une société de Houston du nom de Propell Technologies Group, Inc
(OTC:PROP). Avant cela, personne n’avait jamais entendu parler de Propell -
dont Novas Energy USA, le développeur de technologie au plasma pulsé, est la
filiale.
Cette filiale brevette
les technologies développées par une société énergétique russe du nom de Novas
Energy. Après tout, la technologie au plasma pulsé a été beaucoup employée dans
les puits russes de production et d’injection. Cette connexion avec la Russie
en dit long sur l’efficacité de cette technologie avancée : la Russie ne
dispose pas de législations draconiennes sur l’industrie de fracturation et
ne pousse pas ses sociétés à avoir recours à des technologies plus vertes. C’est
une technologie qui présente donc un bon rapport
qualité-prix, sans quoi elle ne serait pas utilisée.
Au-delà de la technologie
elle-même, si nous suivons Abramovich un peu plus loin, nous pouvons observer
ce qui se passera sur la scène américaine. En février, Abramovich a fait un
pari sur Propell, au travers d’une société chypriote appelée Ervington
Investments Limited. Propell a ensuite levé 5 millions de dollars de la
vente de 1.525.424 actions à 3,28 dollars l’unité. Ervington a ensuite pu
investir 9,75 millions de dollars supplémentaires, sous les mêmes termes,
chose qu’elle a faite le 6 juillet. L’investissement d’Abramovich sera
utilisé pour acheter des champs pétroliers dans l’objectif d’y développer ces
nouvelles technologies et d’en accroître la production.
Vous l’avez compris, Abramovich
voit les choses en grand. Il mettra en place les infrastructures nécessaires
et prendra position aux Etats-Unis aux prix actuels pour y développer des technologies
de récupération améliorée de pétrole.
Si l’OPEP continue de
maintenir le prix du pétrole sous les 100 dollars, les investisseurs iront
chercher quelque chose qui pourra leur garantir une valeur de long terme, et
se concentreront sur l’efficacité opérationnelle des sociétés.
Bien que beaucoup
pensent que ces technologies sont trop coûteuses pour être développées en
période de baisse du prix du pétrole, je pense que ce facteur changera
bientôt et que les investisseurs commenceront à se tourner vers les sociétés
qui adosseront ces technologies pour bénéficier au mieux de leurs réserves
pétrolières.
Sur le long terme, les
technologies de récupération améliorée rendent la production moins chère.
Comme l’a expliqué Jason
Pigott, de chez Chesapeake Energy (NYSE:CHK) : « Nous ne
pouvons contrôler les prix, c’est pourquoi nous devons nous concentrer sur le
coût de production ».
Quand il n’y a plus de
pétrole peu cher, la technologie prend le relai pour lui redonner vie. L’innovation
actuelle nous mènera certainement vers un nouveau boom pétrolier aux Etats-Unis
– et les plus récentes technologies sont déjà économiquement viables.
Ce que sait l’OPEP, c’est
que les Etats-Unis disposent de plus de 21
milliards de barils qui pourraient être produits grâce aux technologies
de récupération pétrolière avancée. Selon les données publiées par le
Département américain de l’énergie et la Western Governors Association (WGA),
les progrès technologiques sur ce milieu pourraient vite faire doubler ce
chiffre.