Il faut se résoudre à l’évidence : dans un an (à quelques jours près), s’il n’y a pas de révolution sanglante ou de coup d’état inopiné, nous discuterons du nouveau président français fraîchement élu.
Enfin, je dis « nouveau »… On se comprend : en terme de nouveauté, la France n’est plus guère réputée que pour son Beaujolais. Du reste, ça tombe bien, puisque ces dernières années, le Beaujolais comme le président de la République font tache, laissent un goût amer en bouche, sont difficiles à digérer et piquent dans le palais (buccal pour l’un, élyséen pour l’autre).
Oui, en effet, je crains que l’année prochaine nous apporte son lot de non-surprises.
Regardons les choses en face. Comme je l’écrivais récemment, le président Hollande continue ses petites manœuvres crapuleuses et tout indique que ça marche plutôt pas mal.
À notre droite, un champ de ruines
Sur notre droite (ou disons ce qu’on appelle la droite en France, hein, comprenons-nous bien), ce n’est plus qu’un vaste champ de ruines. Il y avait bien, jadis, une ou deux églises au milieu du village peuplé d’irréductibles politiciens, plus ou moins conservateurs, plus ou moins libéraux, plus ou moins pro-capitalistes ou au moins vaguement en faveur des entreprises et de la création de richesse. Le « carpet-bombing » incessant de l’intelligentsia de gauche à base de moraline, le gaz moutarde de la conscience populaire qui anesthésie et momifie tous les sens critiques, en aura eu finalement raison. Le village s’est rapidement transformé en place vide où le supermarché de la démagogie et des idées idiotes a ouvert ses portes à partir des années 80 pour ne plus jamais les fermer.
Conceptuellement, la droite n’existe plus. Il n’y a plus guère que des personnalités, portées à leur place au gré des marées électorales qui, comme toutes les marées, puent un peu la moule avariée ou le goémon pourri. Il n’est question ni de NKM, ni de Coppé ici. Un peu de sérieux.
Résultat : on écope actuellement de l’improbable quatuor à cordes de pendu composé d’Alain Juppé, François Fillon, Bruno Lemaire et Nicolas Sarkozy. Tout ceci est-il bien sérieux, je vous le demande ?
Peut-on réellement être sérieux lorsqu’on évoque Lemaire, avorton typique des « si prestigieuses écoles » qui nous ont fourni tous les autres politiciens actuels, véritables accidents industriels pour une France en complet désarroi ?
Peut-on réellement être sérieux lorsqu’on examine la candidature de Fillon, qui n’a même pas réussi à rassembler l’once de courage de claquer dans les doigts de Sarkozy pendant les cinq ans où il a servi de fusible et de carpette à un président excité, insupportable et incompétent ? Il a beau jeu de nous dire qu’il trouvera, subito, les moyens de ses ambitions maintenant que le temps a pansé ses petites blessures d’amour-propre, mais son moment est passé. Du reste, la France peut-elle se cogner un troisième François et s’enfoncer encore ? À ce rythme, c’est un prénom qui va devenir impossible à porter dans ce pays…
Peut-on réellement être sérieux lorsqu’on évoque Juppé, ce véritable chippendale de la politique capable de retirer sa culotte plus vite que ses promesses s’il faut laisser passage à de fiers syndicalistes ? Oui, Juppé, le seul exemplaire connu de mammifère totalement dépourvu de colonne vertébrale, ce qui lui permet d’enfiler toutes les idéologies politiques pourvu qu’elles lui permettent d’accéder et de garder le pouvoir, ce même Juppé dont un récent ouvrage biographique indique qu’il désirait plus que tout tringler tout ce qui passait à portée de son pantalon amovible dans les années 90, et qui prétend maintenant faire preuve de self-control s’il parvient un jour à être président ?
Allons.
Outre l’aspect médiatiquement artificiel de sa candidature, on comprend qu’en plus, le septuagénaire sur le retour devra aussi batailler contre un Sarkozy qui n’entend absolument pas lui laisser la place.
D’ailleurs, peut-on être sérieux lorsqu’on évoque Sarkozy qui a, cinq ans durant, largement démontré son côté cliniquement dangereux dans ses actions et homéopathiquement efficace dans ses résultats ? Son seul domaine de crédibilité évidente est qu’il dispose de la base militante nécessaire pour truquer efficacement la primaire et la gagner.
Notons au passage que tout candidat de droite qui se déclarerait en marge de ces primaires atomiserait complètement la droite dans son ensemble, en éparpillant les votes entre lui et le candidat officiel.
À notre gauche, un cirque désaffecté
Sur notre gauche, le spectacle n’est guère plus réjouissant. Le chapiteau du cirque qui s’était installé là n’a jamais été démonté, les artistes continuent, sans la moindre conviction, à enchaîner leurs numéros alors que le public s’éclaircit franchement en se débarrassant du mauvais popcorn dans les cages des animaux neurasthéniques. En définitive, la scène est bientôt plus remplie que les gradins, tant l’absence visible de candidats crédibles se fait sentir.
Ainsi, on apprenait dernièrement que Mélenchon évoquait les doutes de pouvoir trouver suffisamment de signatures pour sa candidature. Les nouvelles règles en vigueur, changées récemment, n’y sont pas pour rien puisqu’à présent, on saura précisément quel grand électeur soutient quel candidat, et que cette publication complète risque de refroidir plus d’un élu. En outre, l’obligation d’obtenir ces parrainages par la poste promet de grands moments de solitude au candidat paléo-communiste, moments de solitudes auxquels s’ajouteront ceux de prises de têtes comptables lorsqu’il faudra faire rentrer les frais de campagnes sur six mois au lieu de douze précédemment. Aller chercher des signatures coûte de l’argent, et ces frais ne seront remboursés que sur une courte période, ce qui, pour un candidat impécunieux, risque de signifier un arrêt rapide des hostilités en rase campagne.
Quant aux autres candidats à gauche, c’est un peu la même musique.
En réalité, les Frondeurs n’existent pas et aucun n’a la carrure pour attirer à lui les faveurs du Parti Socialiste derrière lui. Dans ce contexte, Macron n’est qu’un aimable fusible destiné à ramener les moins antilibéraux du PS dans le giron socialiste, ces derniers ayant pu avoir fui devant les dernières exactions de Valls. D’ailleurs, rien n’empêche d’imaginer que Macron se retrouve rapidement nommé à la place de Valls, faisant d’une pierre deux coups pour le président machiavélique : il se débarrasse d’un boulet impopulaire et éventuel concurrent pour le remplacer par une vitrine réformatrice qui plaît au peuple, tout en lui coupant toute velléité de se présenter en 2017.
Quant aux Verts, leur récente vaporisation hors de l’hémicycle en dit long sur leur existence réelle. Mitterrand avait exterminé les communistes, Hollande vient de recycler les écolos.
Un second tour quasi-écrit
En définitive, les possibilités au second tour sont de plus en plus minces : soit le président sortant se retrouve contre Marine Le Pen, soit Hollande se retrouve à batailler contre le candidat de la droite. En substance, ce dernier ne peut être que Juppé (candidat officiel des retraités et de la presse mainstream, donc hautement suspect de pouvoir parvenir à décrocher la timbale des primaires) ou Sarkozy.
Seule une crise majeure (due au terrorisme ou un effondrement économique d’ampleur) pourrait modifier cette sinistre dynamique. Hormis cette éventualité, la probabilité que Hollande l’emporte, de peu mais quand même, reste donc la plus forte.
Le verre à moitié vide, c’est que le changement n’est vraiment pas pour maintenant. Le verre à moitié plein (de Beaujolais), c’est que dans six ans à peine, c’en sera fini.
Putain. Six ans.