La semaine dernière, Hillary a
commencé à ressembler à une candidate tombée d’un camion, portant sur son
visage un masque à l’effigie de Nixon. Emailgate commence à prendre des airs
de Watergate – dont l’ingrédient principal n’était pas le crime commis lui-même,
mais l’obstruction qui l’a accompagné. Le rapport de l’inspecteur général du
Département d’Etat qui nous dit formellement que non, elle n’était pas « autorisée »
à utiliser un serveur privé et non sécurisé pour échanger des emails, n’a
fait que valider le sobriquet juvénile que lui a trouvé Donald Trump. « Crooked
Hillary. »
Si Trump finissait vraiment par
être nominé, nous pourrions ne jamais en voir la fin. Et gît encore dans le
placard d’Hillary le squelette de Godzilla que sont les transcriptions,
encore inédites, de ses discours pour Goldman Sachs, qui devraient bientôt
faire parler d’eux. Se profile en attendant à l’horizon le spectre des
primaires de Californie, un échec plus que concevable pour Bernie Sanders.
Viendra ensuite la convention de Philadelphie qui devrait s’avérer plus
hargneuse et violente que le fiasco de 1968 à Chicago.
Je le répèterai une nouvelle
fois : Hillary est le cheval qui ne franchira pas la ligne d’arrivée.
Les Démocrates feraient mieux de se préparer à traîner l’oncle Joe hors du
placard, à ébouriffer ses transplants de cheveux, à cirer son dentier, lui
donner quelques piqûres de vitamine B-12 et fourrer un harpon entre ses
poings avant que n’arrive l’automne et sa campagne contre la Baleine blanche
(si tant est que Trump soit véritablement nominé).
La convention républicaine de
Cleveland devrait elle-aussi se transformer en une scène violente et sanglante,
les membres de Black Lives Matter ayant déjà promis de se donner en spectacle
pour la télévision étrangère, et leurs frères Latino étant décidés à marcher,
drapeaux mexicains au vent, brandissant des pancartes fardées de messages
mignons à la Trump: Chingate tu
madre, fleuris ou non par le tendre surnom pendejo. Face à une telle
situation, Trump aurait de grandes chances de mettre le feu aux poudres avec
ses répliques enfantines habituelles. En 1968, Hubert Humphrey a au moins eu
le bon sens de se taire quant aux multitudes de protestataires qui avaient
inondé Michigan Avenue.
La guerre du Vietnam a été une
grave débâcle, qui a principalement rendu furieux les jeunes hommes à qui on
a demandé de partir au combat. Mais en dehors de ça, l’étoffe et la trame de
la vie américaine étaient restées intactes. Les cols bleus se faisaient
toujours de beaux salaires dans les trois plus grandes usines automobiles du
pays, et les femmes n’avaient pas encore déclaré ma guerre aux hommes. Les
ondes n’avaient pas encore été pornifiées, et il y avait encore au
gouvernement certaines personnes dotées d’autorité morale qui savaient s’opposer
aux politiques officielles. Les martyres de Martin Luther King et Robert
Kennedy ont sanctifié l’opposition au statu quo. Hubert Humphrey lui-même, un
homme réfléchi sous son masque de Rotarien, a commencé à se détacher des faucons
de guerre de Lyndon Johnson.
Et puis Nixon a gagné. Il n’a
certainement pas bénéficié autant de la question de la guerre et des émeutes
dans les rues des Etats-Unis que de la défection de masse des Etats du sud
face à la domination de longue date du parti démocrate – liée directement au
démantèlement des vieilles lois Jim Crow par Johnson. En tant que personnage,
Johnson n’était pas moins un pendejo
que Donald Trump, mais personne de doutait de sa capacité à prendre les
commandes de la machinerie du gouvernement, même si certains n’étaient pas
satisfaits de la manière dont il prévoyait de le faire.
La grande différence aujourd’hui
est que les deux candidats prépondérants, Hillary et Trump, sont largement
détestés et moqués par des gens de tous les âges, et pas seulement par une
jeunesse insatisfaite. Trump semble en savoir si peu sur les problèmes de son
pays – l’énergie, le commerce, les étrangers – qu’il ne saurait quoi faire en
situation de crise. Hillary passerait le seuil de la Maison blanche avec un
niveau de crédibilité inférieur à celui de Tricky Dick, et plus attachée
encore aux élites parasitiques qui drainent le corps politique de ses « précieux
fluides corporels » – pour reprendre les paroles immortelles du Docteur
Folamour.
Bien qu’il semble que Trump ait
consolidé les votes délégués nécessaires à sa nomination, quelque chose me
dit qu’un coup pourrait encore lui être porté qui ferait sauter la bague d’or
d’entre ses mains sordides. Le Président de la Chambre, Paul Ryan, se montre
méfiant, et vous pouvez imaginer à quel point les piliers du parti de tout le
pays se tortillent dans l’attente qu’on vienne leur demander de suivre Trump
dans un coin sombre de l’âme américaine. Paul Ryan doit bien savoir qu’un
coup reste concevable avant la convention, et que l’action à l’intérieur du
hall de réception pourrait s’avérer tout aussi violente que les émeutes qui
feront rage au-dehors.