La culture
française est en crise. Parmi les secteurs subissant la plus forte
désaffection, on trouve le cinéma français qui
n’attire plus les foules. Le début des années 2010
n’a pas enrayé cette chute, bien au contraire.
De
l’autre côté, la musique française s’exporte très
bien et même, de mieux en mieux, à l’étranger. Il
faut dire que la France a pu compter, dans ses rangs, quelques chanteurs de
renom qui ont permis de la faire rayonner : Maurice Chevalier, Yves
Montand, Jeanne Moreau, Guy Marchand, Sylvie Vartan, Jacques Dutronc, Joe
Dassin, Nino Ferrer, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Laurent Voulzy, Patrick
Bruel, Princess Erika, Bénabar,
Mano Solo et bien d’autres encore[i].
Mais on en oublierait presque le seul qui a réussi à avoir une
véritable carrière internationale : Gilbert
Bécaud. S’il n’a peut-être pas été
le chanteur le plus prolifique, deux de ses tubes ont remporté un
très franc succès : Nathalie
et Et maintenant.
De plus,
Bécaud et, surtout, le compositeur de Nathalie, Pierre Delanoë ne portaient pas le communisme dans
leur cœur et regrettaient que cette idéologie ait perverti la
Russie, comme l’expliquait Pierre Delanoë en 1994. Le but de la
chanson était donc de faire ressortir l’« âme
russe » en tentant de la détacher du communisme.
Mais, dans le
même temps, Bécaud n’était pas un
antisoviétique forcené. Dans les années 1960, la France,
prenant en ce sens quelques distances avec les États-Unis, initia des
relations diplomatiques avec l’U.R.S.S., relations diplomatiques qui
déboucheront, par la suite, sur des relations commerciales
fructueuses. Bécaud semblait apprécier cette ouverture de la
France et, donc, le fait que son pays ne cherchait pas à isoler
stupidement les Soviétiques du commerce international.
Bien au
contraire, lorsque Bécaud écrira La fille de Nathalie, vingt ans après Nathalie, certains passages de cette nouvelle chanson sont
critiques à l’égard de l’esprit de fermeture dont
fait preuve Moscou, principalement à l’égard de ses
propres nationaux :
« J’voudrais
bien aller à Paris
Voir les
magasins et les rues la nuit
Mais pour
avoir un passeport
Crois-moi
c’est du sport ».
De plus, si on
se fie à la chanson de Bécaud – et c’est
effectivement ce qui s’est produit en pratique – de nombreux
Soviétiques souhaitaient connaître la culture de
l’« ennemi » occidental, preuve que les grandes
campagnes d’endoctrinement n’ont pas entièrement
porté leurs fruits :
« À
Leningrad, les longues nuits de juin
On se
régale de rock américain
On chante
aussi des succès
En
français et en anglais
Envoie-nous
des cartes postales
De la Tour
Eiffel, du Château de Versailles »
Ce n’est
sans doute pas pour rien si Bécaud (et Delanoë) ont choisi de
prendre pour exemple la ville de Leningrad, meilleur symbole du régime
soviétique, pour montrer que, même dans cette contrée
« rouge », on rêve de culture américaine
et française.
Le
génie de Bécaud et de Delanoë a peut-être
été de ne pas créer une chanson politique trop
subversive mais, plutôt de préparer une révolution douce.
Nathalie et Et maintenant ne sont pas les seuls succès de Bécaud.
D’autres chansons valent également la peine d’être
soulignées, même si le message est parfois moins profond. On
pourrait ainsi citer Quand il est
mort le poète, une chanson aux paroles simples mais qui continue
d’être citée abondamment, aujourd’hui encore.
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