bitcoin
Au royaume des monnaies, le Bitcoin n’est pas roi. Offrant une alternative
aux devises courantes, la monnaie électronique fait parler d’elle, mais pas
toujours en bien. Cela se ressent dans les résultats de l’enquête menée par
Ifop pour AuCOFFRE.com en novembre 2014. Sa réputation sulfureuse est-elle la
seule cause de la défiance des Français vis-à-vis du Bitcoin ?
Le Bitcoin souffre d’une mauvaise presse
Depuis sa création en 2009, le quotidien du Bitcoin est émaillé d’épisodes
de forte volatilité, de scandales et de cyber-attaques ayant donné lieu à
vols spectaculaires.
Dernier scandale en date, celui du procès Silk Road (site vendant des produits illicites, de
la drogue) dans lequel le créateur de la plateforme d’échange de bitcoins Mt
Gox, Mark Karpeles, serait impliqué.
Plus inquiétants, les piratages fréquents que subissent les plateformes de
Bitcoins.
En 2013, le site BitcoinTalk.org a fait l’objet d’un vol de données dont 150
000 adresses mail et de mots de passe de clients.
En février 2014 c’est Mt. Gox qui a été la cible d’une cyber-attaque géante
ayant engendré la perte de 345 millions d’euros en Bitcoins et qui ne s’en
est pas relevé depuis.
En décembre 2014, c’est la plateforme Bitstamp qui a subi un « casse virtuel
» avec une perte bien réelle à déplorer de 4 415 600 euros (19000 BTC).
Ce 10 février, nous apprenons qu’avec une fraude par système pyramidal, 3000 clients ayant investi pour 100
000 euros de Bitcoins chacun ont perdu leur investissement sur la plateforme
MyCoin, ce qui représente un vol de 340 millions d’euros…
Le problème est que l’e-monnaie n’étant régulée par aucune autorité
financière, en cas de vol, il est très difficile de récupérer son
investissement…
Résultat, sur un an, le Bitcoin a perdu 75% de sa valeur en 2014.
Stéphanie Haerts explique sur Economie Matin que, sa production étant générée par un
algorithme et limitée à une quantité finie (21 millions d’unités), le Bitcoin
est perçu comme un actif spéculatif. Nombreux sont ceux qui spéculent sur la
monnaie virtuelle dont la valeur est normalement destinée à monter. « De
nombreux investisseurs ont également cherché à thésauriser leur capital dans
des valeurs refuges durant les périodes de forte volatilité afin de protéger
leur portefeuille. Certains analystes ont d’ailleurs noté des similarités
entre l’or et la crypto-monnaie », ajoute-t-elle.
En effet, le Bitcoin a le mérite de n’être rattaché à aucun État, à aucune
dette, à aucune économie en particulier, comme l’or.
Sauf qu’il s’agit d’argent virtuel qui ne possède aucune des qualités
propres à l’or physique, qui possèdent notamment cette propriété refuge parce
qu’il est tangible…
En outre, le Bitcoin n’a de valeur qu’au regard de la confiance que lui
accordent ses utilisateurs, alors que l’or possède une valeur marchande qui
lui est propre.
Une chose est sûre, c’est que si les investisseurs avaient voulu faire du
profit (ce qui est tout à fait légitime) ils n’ont pas choisi la solution la
plus sécurisée avec le Bitcoin.
Quant au fait de vouloir protéger leur portefeuille, ils auraient mieux fait
d’acheter de l’or physique dont le cours a été particulièrement stable en
2014, en euros.
Que pensent les Français du Bitcoin ?
D’après les résultats de l’enquête Ifop/AuCOFFRE.com, à la question « Il y
a aujourd’hui plusieurs façons de conserver ses économies. A votre avis,
est-ce une bonne ou une mauvaise chose que d’acheter des Bitcoins ? »,
seulement 3% des personnes interrogées ont répondu par l’affirmative (en dernier,
sur 16 placements).
47% ont répondu non et 50% ne savent pas.
Sur les personnes qui pensent que l’achat de Bitcoins est une bonne
façon de conserver ses économies, la tendance est plus prononcée
chez les sympathisants de gauche, tous partis confondus (7%) que de droite
(1%).
– Le Bitcoin est le placement préféré de 1% des Français
pour conserver ses économies en premier.
– Par ailleurs, le Bitcoin apparaît comme un placement risqué
pour 87% des personnes interrogées.
– 63% des Français estiment que l’or est meilleur que le Bitcoin
(pour 79% des sympathisants Europe Ecologie/Les Verts).
– Le Bitcoin pourrait être une meilleure monnaie que l’euro et le
dollar : 11% d’accord, 89% pas d’accord.
[MAJ du 19/03/2015]
De l’or pour garantir le Bitcoin
Malgré sa sulfureuse réputation, le Bitcoin continue de susciter bien des
convoitises. A commencer par la maléfique Blythe Masters, à l’origine des CDS. Selon cet article de
Bloomberg (en anglais), la banquière de la JP Morgan est
à la tête d’un Hedge Fund actif sur les crypto-monnaies depuis début mars.
« Grillée » sur le chapitre des métaux précieux, il fallait bien
songer à une juteuse reconversion…
Le Bitcoin intéresse aussi les particuliers à titre de monnaie
alternative. En 2019, ils seraient 5 millions d’utilisateurs, mais en usage
limité, selon cet article de La Tribune (voir l’étude en anglais du cabinet d’analyse Juniper
Research).
En vue de cet intérêt, la société Vaultoro a eu une idée ingénieuse pour
redorer le blason de la monnaie virtuelle très (trop volatile) :
l’adosser à un actif tangible stable pour lequel la confiance ne faillit pas,
l’or.
Les utilisateurs et notamment les commerçant redoutent les écarts trop
importants du Bitcoin d’une journée à l’autre pour se permettre de l’utiliser
couramment. Comme l’explique cet article de Finyear, la plateforme Vaultoro repose sur des réserves
d’or physique. Ainsi, l’utilisateur achète d’abord de l’or à partir d’un
milligramme qu’il peut ensuite convertir en Bitcoins. L’or en pear to pear
serait donc la solution pour servir d’assurance à la monnaie virtuelle, ou
comment allier l’or, monnaie millénaire au Bitcoin, monnaie d’avenir.
[MAJ du 19/05/2015]
Vaultoro n’est pas la seule société à vouloir surfer à la fois sur le succès
du Bitcoin et de l’or. Ce qui peut être reproché au Bitcoin, c’est – comme
toutes les monnaies fiduciaires – son absence de valeur intrinsèque,
contrairement à l’or. L’entreprise Anthem Vault a elle aussi décidé de
concilier la modernité du Bitcoin avec le côté traditionnel et tangible de
l’or en lançant le « Hayek » sur le marché des devises numériques le 25 mai
2015.
Le Hayek (du nom du Prix Nobel de l’économie autrichien Friedrich
Hayek) est une crypto-monnaie adossée à de l’or physique dont une unité
équivaut à un gramme d’or. Vu l’état du système financier actuel, le Hayek
peut représenter un système de paiement alternatif intéressant qui passe hors
des circuits bancaires.
Reste la question de la sécurité des crypto-monnaies qui reste en suspens.
Compte tenu des nombreuses attaques et piratages dont a été victime le
Bitcoin depuis sa création, nous restons circonspects quant à la garantie du
système des monnaies virtuelles. L’or auquel est adossé le Hayek est certes
réel, mais est-il délivrable ? Si ce n’est pas le cas, le Hayek ne vaut guère
mieux qu’un ETF.
Les Français déconnectés du connecté ?
Cette défiance apparaît également dans les résultats concernant les
organismes d’émission de monnaie électronique (Paypal, Compte Nickel, autres
cartes prépayées).
– 44% des Français leur font plutôt confiance
– 56% plutôt pas confiance.
Ce qui est étonnant, c’est que c’est chiffres étaient inversés en 2012, lors
de la 1e édition de l’enquête : 56% des Français leur faisaient confiance,
alors que l’on en parle de plus en plus dans les médias actuellement. Les
gens seraient-ils déçus ?
Dans ce dossier « Les Français ont-ils confiance dans leur banque ? », nous
nous étonnions parallèlement du regain de confiance des Français dans les
banques commerciales, en dépit de leurs mauvais résultats et des différents
scandales qui ont émaillé leur actualité ces dernières années.
Nous avions alors conclu d’après d’autres publications, que les Français
avaient confiance dans leur conseiller, mais pas dans le système bancaire.
Cette tendance apparaît aussi dans la confiance qu’accordent les Français
dans les banques privées en ligne type Fortuneo ou BforBank : 32%. Le
résultat observe une hausse faible depuis 2012. Les banques online n’ont
toujours pas percé, alors que la France est un pays très largement connecté.
A travers ces résultats s’expriment une peur de la dématérialisation, de
l’abstrait. L’argent doit pouvoir se voir et se toucher, un conseiller
clientèle se rencontrer.
La défiance des Français vis-à-vis du Bitcoin, de Paypal, des banques
online va finalement de pair avec leur regain de confiance dans les banques
(enfin pour LEUR banque et plus précisément pour leur conseiller)… Les
Français seraient un peu comme Saint Thomas, ne croyant que ce qu’ils voient.
Et pourtant… Malgré les récents déboires du Bitcoin, les régulateurs ont
autorisé la plate-forme Coinbase à fonctionner dans la moitié des Etats-Unis
(source lesechos.fr), preuve qu’on en n’a pas fini avec la
monnaie-octet !
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Qui veut
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