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Alors
que la crise grecque bat son plein, les avis divergent : comment sauver
la Grèce de la faillite ? La renflouer avec l’argent des
autres Européens et risquer de faire peser sur eux une charge si
lourde qu’ils se retrouveront tôt ou tard, à leur tour,
dans la même situation ?
Ou
bien comme le proposent certains
responsables politiques et économistes, permettre à la Grèce de
quitter l’euro, et de rétablir la drachme en dévaluant
fortement sa monnaie ?
Le
scénario inverse est proposé pour la France par Jean-Jacques
Rosa, récemment auteur chez Grasset de L'Euro
: comment s'en débarrasser ? et qui a accordé un
entretien au Figaro
Magazine dans l’édition du 10 juin dernier.
L’économiste, opposant de longue date de la monnaie unique,
prône la dévaluation de l’euro dans un premier temps, puis
le retour au franc. Les avantages
à en attendre, selon lui ? « La
dévaluation stimulera la croissance, et nous donnera par
conséquent davantage de moyens pour le service de la
dette », affirme-t-il.
Cela
constitue sans doute une option intéressante, et il ne s’agit
pas ici de discuter en détails la pertinence de l’analyse de
Rosa. Le seul problème avec cette proposition, c’est
qu’elle fait fort peu de cas des créanciers : une
dévaluation de la part des États endettés, cela signifie
la spoliation de ces créanciers. Au Café du Commerce, on dira
que les créanciers, les banquiers, ont des revenus déjà
conséquents et que payer un peu pour les pauvres Grecs (et
bientôt pour les pauvres Français…) ne pourra pas leur
faire de mal.
C’est
oublier que les créanciers sont non seulement les
intermédiaires financiers, mais aussi les épargnants, qui ont
confié aux banques le soin de placer leur argent. Dévaluer
l’euro et revenir à la drachme (ou l’inverse), cela veut
dire pour les créanciers de l’État grec que sont les
clients de la BNP, de la Société générale et du
Crédit agricole, être privés d’une partie de leur
épargne.
Cette
perspective inacceptable est utilisée comme repoussoir par tous les
partisans du renflouement par les contribuables européens des
États surendettés. Plutôt que de laisser certains
être spoliés par un État mauvais payeur, les gouvernants
européens prônent la
« solidarité », c’est-à-dire le
fait de faire assumer par tous les erreurs d’une partie des acteurs, ce
qui est tout autant inacceptable. Souvent, d’ailleurs, la
« solidarité » sert de prétexte à
des intérêts nationaux : si le gouvernement allemand a
été si prompt à exiger de son homologue irlandais
qu’il accepte le plan de « sauvetage »
européen, c’est parce que les banques allemandes avaient
beaucoup à perdre dans une éventuelle faillite de
l’État irlandais.
Une
alternative serait de traiter le problème à la racine : si
des États comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal sont hyperendettés, c’est parce que les
dépenses publiques ont excédé de beaucoup les recettes
fiscales. Traiter le problème à la racine signifierait donc
réduire de façon draconienne les dépenses publiques de
ces États, ce qui enverrait un signe fort à ce que l’on
appelle par simplification « les marchés » pour
leur faire accepter un rééchelonnement de leur dette,
c’est-à-dire un remboursement plus tardif.
L’inconvénient
d’appréhender ces problèmes avec un regard purement
comptable, c’est que l’on ne voit plus
« l’éléphant dans le salon »
qu’est la dépense publique. La cuisine monétaire, ou
budgétaire, sera toujours impuissante tant que les États seront
incapables de limiter, puis de réduire leurs dépenses.
Roman Bernard
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