.
1. Valeur ou chose.
. Depuis au moins J.B.
Say (1815), ce qu'on dénomme "valeur" en économie
politique est toute chose que lui donne une personne juridique physique.
En particulier,
"Quand on les [choses] considère sous le rapport de la
possibilité qu’elles confèrent à leur possesseur d’acquérir d’autres choses
en échange, on les appelle des valeurs; " (Say, 1815, p.14)
Par conséquent, il n'y a pas, en économie politique, de valeur
objective à quoi on pourrait opposer des valeurs subjectives, comme certains
imposent de le croire.
Comme y a insisté Murray Rothbard (The Logic of Action,1997):
"Le bien n'est pas défini par
- ses propriétés technologiques mais par
- son homogénéité aux exigences et aux souhaits des consommateurs".
En anglais:
"Good is not defined by
- its technological properties but by
- its homogeneity in relation to the demands and wishes
of the consumers" (Rothbard, 1997, p. 302).
Et Carl Menger (1840-1921), économiste "autrichien", avait
développé le sujet dans son ouvrage intitulé Principles of Economics:
"La
valeur n'est rien d'inhérent aux biens [...]
[n'est] pas une propriété de ceux-ci, ni une chose indépendante existant
en elle-même.
C'est un jugement que les individus font de l'importance des biens [...]
la valeur n'existe pas en dehors de la conscience des individus" (Menger, 1871, pp.120-21)
a. Objet ou service.
. Les choses que tout un chacun peut discerner dans la réalité et évaluer
sont décomposables par ses soins en deux grandes catégories:
- l'objet, chose matérielle ou corporelle, et
- le service, chose immatérielle ou incorporelle.
Longtemps, la notion de "chose" a été une notion pratique pour
beaucoup d'économistes puisqu'elle n'était jamais qu'une analogie, implicite
ou non, faite avec des éléments des sciences physiques ou
chimiques qui mettaient l'accent sur l'objet, la matière ou le corps,
plutôt que sur le service, quand bien même les savants de ces dernières
sciences ne mettaient pas le doigt sur la notion de "service".
Je laisse de côté les nouvelles choses découvertes depuis lors comme les
ondes, le plasma, etc. très éloignées de l'économie politique.
. Reste que des propos de Frédéric Bastiat (1850)
ont conduit certains auteurs, tel que H.L. Asser (1893) (cf. texte
de juin 2015), à dire que :
"On
sait que Bastiat trouva l'origine de la valeur des choses dans le service
qu'elles nous rendent,
là où nous combattons les obstacles qui se mettent entre nos désirs et
leur satisfaction."
A ce titre, ils étaient alors en opposition avec Menger.
. Reste aussi que, pour certains, objet et service ne sont pas a
priori indépendants l'un de l'autre.
Mais, selon les uns, l'objet est essentiel, selon d'autres, c'est le
service qui l'est, selon des troisièmes, il existe une relation entre objet et
service à ne pas mettre de côté dans l'analyse et sur quoi il faut se situer.
Tout objet se voit recevoir des services que produisent et leur
donnent les gens et tout service cache les objets que possèdent les
gens.
Il y a une relation d'identité entre objet et service que coiffe toute
chose.
Seule l'ignorance cache l'un ou l'autre.
Ainsi, selon Bastiat,
qui privilégiait la notion de service, s'était posée la question suivante:
"Faut-il
voir le principe de la valeur dans l'objet matériel et, de là, l'attribuer
par analogie, aux services ?"
Et il y avait répondu :
"Je dis que c'est tout le contraire, il faut le reconnaître dans les
services et l'attribuer ensuite, si l'on veut, par métonymie, aux objets
matériels."
Il fallait aussi faire intervenir les circonstances qui contribuent à
augmenter ou à diminuer le principe de la valeur.
b. Valeur ou utilité.
Selon la question de J.B. Say :
"Comment donne-t-on de la valeur à un
objet?" (Say, op.cit., p. 10)
la réponse était:
"en
lui donnant une utilité qu'il n'avait pas".
Très précisément, Say expliquait :
"qu'entendez-vous par l'utilité ?
J'entends cette qualité qu'ont certaines choses de pouvoir nous servir, en
quelque manière que ce soit." (ibid.)
Jeremy Bentham (1748-1832), un de ses contemporains, mais anglais,
précisait pour sa part alors le sujet de l'utilité dans Introduction
to the Principles of Morals and Legislation (1789) de la façon
suivante :
… "Utility [...] that property in any object, whereby it
tends
- to produce benefit, advantage, pleasure, good, or
happiness ... or ...
- to prevent the happening of mischief, pain, evil, or
unhappiness" ;
* en français:
… "L'utilité [...] cette propriété de tout objet, par quoi elle tend
- à produire bénéfice, avantage, bien, ou bonheur ... ou ...
- à éviter la survenance de perte, douleur, mal ou malheur".
Plus encore que la "valeur" - si on peut dire... -,
l'utilité est nécessairement subjective.
Et Vilfredo Pareto avait insisté dans son Cours
d'économie politique (1896-97) sur le point en introduisant le mot
"ophélimité" dans l'économie politique et en le préférant au mot
"utilité" qui pouvait sembler "objectif".
« Valeur » est le nom donné à toute utilité ou ophélimité, notion de
théorique, d'une chose, objet ou service, qui a été cernée par l’intelligence
de la personne dès lors que ... (cf. Say,
1815 et ce texte
de novembre 2015 ).
Pour cette raison, et malgré les opinions de beaucoup de gens, la
"valeur" de la chose, objet ou service, était subjective, non pas
objective.
Elle ne tombait pas du ciel, ni d'une autorité dite "publique",
mais du jugement de chacun.
La "valeur" est nécessairement subjective.
L'objectivité, chère à des gens tel Jacques
Monod , ne saurait l'affecter.
Malheureusement, par la suite, des économistes l'ont rendu objective,
elle a pris le pas et tendu à dominer les discours ...
2. Valeur, produit et facteur de production.
"...
quand on les considère sous le rapport de la quantité de besoins qu’elles
peuvent satisfaire, on les appelle des produits.
Produire, c'est donner de la valeur aux choses en leur donnant de
l'utilité ; et l'action d'où résulte le produit se nomme Production"
(Say, op.cit, p.14)
Certes, ce propos de Say partait un peu dans tous les sens, mais il
touchait au fait que les choses sont serves et que seuls les gens leur
donnent, chacun, des valeurs.
« Valeur » est ainsi le nom donné à tout objet, élément matériel ou
corporel de la chose, qui a été cerné par l’intelligence de la personne dès
lors que celle-là en recevait une, de sa part.
Il y a aussi des produits immatériels ou incorporels qu'on peut opposer
aux produits matériels ou corporels.
"Qu’est-ce qu’un produit immatériel ?
On désigne par ce nom une utilité produite,
qui n’est attachée à aucune matière,
qui, cependant a une valeur, et
dont on peut se servir." (ibid. p.41)
« Valeur » est ainsi le nom donné à tout service, autre aspect de la
chose, mais diamétralement opposé au précédent (incorporel et non pas
corporel, immatériel et non pas matériel), qui a été cerné par l’intelligence
de la personne dès lors que celle-là en recevait une, de sa part.
Comme l'écrivait Mises:
"Un
bien économique ne doit pas nécessairement être incorporé dans quelque chose
de tangible.
Les biens économiques non matériels sont dénommés services".
"An economic good does not necessarily have to be
embodied in a tangible thing.
Non material economic goods are called services" (Mises, 1949, p.94 )
Un produit immatériel n'est jamais qu'un synonyme de "service"
alors qu'un produit matériel est un synonyme d'objet, la notion de
"chose" regroupant l'objet et le service.
L'action que mène la personne cache des causes, à savoir des facteurs de
production, trop souvent limités malencontreusement au "travail" et
au "capital".
Pour sa part, ce qu'on dénomme "travail" est un facteur de
production "service" particulier, rarement pris, à tort, pour
une marchandise.
Au nombre des services dénommés, il y a le "travail" … et la
fameuse "valeur travail" chers à certains économistes...
Le nom donné ne doit pas être confondu avec la dénomination qu'on peut
aussi lui donner.
Au nombre des facteurs de production, il y a, encore, le capital ou
la monnaie … et les "valeurs" respectives, "valeur
capital" et "valeur monnaie"... chers à certains économistes.
3. Valeur ou marchandise.
Toute marchandise est une "valeur... d'échange".
Elle est synonyme
- de "chose" étant donné l'action d'échange direct
("troc") ou indirect (avec intermédiaire) ou
- de "produit" ou de "facteur de production" étant
donné l'action conjointe de l'échange et de la production.
Fondamentalement, et malgré ce qu'en disent certains économistes, tout
service est une marchandise et il soulève un double problème le plus souvent
mis de côté:
- en tant qu'évaluation, et
- en tant que mesure.
. Echangées ou échangeables.
« Valeur » est le nom donné à toute marchandise – chose échangée ou
échangeable par les gens - qui a été cernée par l’intelligence de la personne
dès lors que...
La marchandise n'est jamais qu'une chose échangée par des gens, voire
envisagée par ceux-ci comme "échangeable".
Comme l'a écrit Say :
"Echangeables,
elles [les choses] sont le plus souvent dénommées
"marchandises".
Quand la marchandise est devenue "chose échangeable", lui a été
opposée par des économistes, des "choses ... non marchandes", ce
qui ne signifiait rien au "vrai" économiste.
Mais elles cachent que, dans l'avenir, elles peuvent ne plus l'être: il y
attente avec incertitude qu'elles ne le soient plus.
Et il est commun, dans cette perspective, de dire que la marchandise est
un "risque".
4. Valeur ou échange de choses.
Echange est aussi une action synallagmatique (direct ou indirect) ou de
marché (nécessairement indirect):
…
"Qu’est-ce qu’on entend
par un échange ?
Un échange est le troc
- d’une chose qui appartient à une personne, contre
- une autre chose qui appartient à une autre personne.
Les ventes et les achats sont-ils des échanges ?
La vente est l’échange que l’on fait de sa marchandise contre une somme de
monnaie ;
l’achat est l’échange que l’on fait de sa monnaie contre de la
marchandise." (Say, op.cit, p.48)
Rarement le service est jugé synonyme de l'acte mené ou menable par la
personne, on peut se demander pourquoi...
ex post, les services sont des résultats qui cachent les actes
effectués.
a. Offre et demande de choses.
On peut bien sûr préférer faire disparaître les actions des gens dans des
notions supposées du type "offre" ou "demande", dans des
relations imaginées variées ...
Vente ou achat sont des types de résultat de l'échange offre ou
demande de choses.
L'offre ou la demande sont des relations imaginées entre la quantité de
marchandise et le prix en monnaie de la marchandise (Cournot, 1838), elles
caractérisent des échanges.
L’offre est une relation monotone croissante, la demande une relation
monotone décroissante.
L'ensemble de l’offre et de la demande pour ne pas dire le système, a été
dénommé "marché" par les gens.
b. Echange indirect.
. Reste que le plus souvent, chaque personne offre des choses pour pouvoir
en demander d'autres qu'elle préfère, au moindre coût, et non pas
l'inverse!
L'action d'échange de la personne est indirecte, fait intervenir au moins
un intermédiaire et s'articule sur deux foyers, au sens géométrique du mot
...
. Quid de ces deux foyers...à quoi on peut faire correspondre les
deux moments de l'échange indirect de la personne (quand, savant, on met
l'accent sur l'action de celle-ci):
- la personne offre des choses en propriété à des gens qui demande - équilibre
de foyer n°1 -,
- pour pouvoir demander d'autres en propriété qu'elle préfère, au moindre
coût à d'autres personnes - équilibre de foyer n°2 -.
L'échange indirect peut se caractériser par la succession des deux foyers
et il ne doit pas cacher l'intermédiaire des échanges qu'il suppose.
5. Equilibre économique.
Hormis les anciens économistes français (les disciples de Say) et, depuis
Menger, les économistes dits "autrichiens", les économistes ne
s'intéressent pas à la réalité qu'est l'action humaine, mais seulement aux
choses, éléments ou résultats de celle-là.
. Valeur donnée par le savant économiste à une de ses inventions,
exemplaire est la notion d'égalité/équilibre économique inventée.
. l'équilibre économique est identifié à une égalité/résultat de l'offre
et de la demande de choses de deux personnes ou de deux populations
différentes, deux échanges indirects ... c’est un « centre » (au
sens géométrique » ...).
. le savant a considéré le plus souvent qu'il fallait s'attendre à la
réalisation de l'équilibre économique quand il ne l’était pas à l’instant
présent.
Dans son article de 1958 (cf. ce texte
d'août 2015), Fritz Machlup n'évoquait pas la question.
. Le «centre», résultat/équilibre/égalité économique, s’oppose à la notion
géométrique de «foyer».
. Reste que l'équilibre/égalité économique supposé des quantités offertes
et demandées convenues ne tombe pas du ciel mais, en général, des actions
supposées des gens (cf. "individualisme"
de Louis Baudin, 1942).
Walras y a fait intervenir le "commissaire-priseur" comme
intermédiaire nécessaire à l'équilibre du "marché"...
D'autres intermédiaires sont apparues depuis lors (tel ou tel "marché
organisé" à fixation permanente des prix, "marché de dérivé",
etc.).
6. Valeur ou monnaie.
. Un exemple de valeur exemplaire de l'économie politique est encore ce
qu'on a dénommé "monnaie" dans le passé, à savoir :
- soit un intermédiaire récurrent des échanges indirects permettant à
toute personne de passer du foyer n°1 au foyer n°2,
- soit, plus récemment, une forme d'épargne (qui va conduire certains à
voir dans "la monnaie" un actif...).
. Reste que le "pouvoir d'achat" de la quantité de monnaie est
une expression ambigüe (Pareto s'y opposait, Fisher s'y vautrait) qui,
implicitement,
- soit situe au milieu de l'échange indirect,
- soit dans l'épargne et ne dit rien sur l'origine de la
"monnaie".
. L'évolution de la (quantité de) monnaie dans le passé a donné lieu à des
réglementations de l'autorité.
Une réglementation du XXème siècle (décennie1930 puis décennie1970) a
détruit une partie du fonctionnement de la monnaie.
Elle a fait que les substituts de monnaie offerts par les autorités
existantes sont devenus des "néants habillés en monnaie": ils n'étaient
plus adossés aux "monnaies".
Elle a fait aussi que les autorités nationales de certains pays sont
convenues de fusionner leurs "néants habillés en monnaie", c'est le
cas de ce qu'on dénomme "€uro".
7. Revenu, dépense, épargne et monnaie.
On peut bien sûr préférer à l'étude des actions des gens, l'étude
d'une partie des résultats de leurs actions que sont revenu, dépense, épargne
et quantité de monnaie observés ou mesurés, ce fut le cas depuis J.M. Keynes
(1936) et ses disciples avec ce qui est dénommé "théorie du revenu"
...
Et les statisticiens de l'I.N.S.E.E. et de beaucoup d'autres endroits, en
France et à l'étranger, s'escriment à expliquer les chiffres
en question.
On peut aussi, et par exemple, faire l'hypothèse d'une relation monotone
décroissante entre la quantité de monnaie en circulation et le taux d'intérêt
(la trop fameuse "préférence pour la liquidité"...).
Soit
dit en passant, d'où viennent ces résultats du revenu, de la dépense,
de l'épargne ou de la quantité de monnaie prétendument observés ou
mesurés ?
A l'expérience, on peut dire que le savant économiste s'en moque!
Dernier exemple en date, la notion, absurde mais curieusement
admise, de "revenu universel" prônée par certains politiques
aujourd'hui en France ...
Mais la préférence pour la théorie du revenu est absurde pour comprendre
l'économie politique ...