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Des aveux déguisés

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Publié le 22 novembre 2010
1696 mots - Temps de lecture : 4 - 6 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

A quoi servent aujourd’hui les banques centrales ? Cette question renvoie à d’immenses débats théoriques, comme à chaque fois que l’on aborde les questions monétaires. Mais ce n’est pas le biais choisi pour y répondre. Présentées comme clé de voûte d’un système en fâcheuse posture, on en vient à se demander si elles ne le sont pas également, et quel rôle elles peuvent prétendre jouer dans les faits. Le mieux étant alors de suivre leurs traces à la faveur des derniers rebondissements de l’actualité de la crise.


L’attention est d’abord sollicitée par la 6 éme conférence des banques centrales, organisée par la BCE à Francfort. A cette occasion, Jean-Claude Trichet a rappelé que le relèvement du principal taux directeur de la BCE et l’arrêt des mesures non conventionnelles (robinet à liquidités et achats obligataires) étaient deux mesures indépendantes l’une de l’autre, voulant mettre en valeur un changement de politique de la BCE. Une manière d’amuser le parterre, car rien n’est sérieusement envisageable dans les deux domaines.


Pour toute audace, Jürgen Stark, l’économiste en chef de la BCE, avait confirmé cette semaine qu’on envisageait pour l’année prochaine la fermeture progressive du robinet à liquidités ouvert pour les banques. Mais la crise irlandaise a mis en évidence qu’un obstacle de taille subsiste, les banques de pays de la zone des tempêtes étant devenues totalement dépendantes de cette facilité, qui ne peut leur être retirée sans solution de remplacement.


Ce qui explique la virulence des pressions exercées par la BCE afin que le gouvernement irlandais prenne son relais. Essayant de se désengager, elle n’est pas au bout de ses peines, après avoir déjà du manger son chapeau en se décidant à intervenir sur le marché obligataire. Car les pays de la zone euro ne sont pas prêts à prendre sa succession.


C’est pourquoi, se voulant solennel, Jean-Claude Trichet a déclaré à l’occasion de la conférence : « Nous avons appelé ces jours derniers et appelons encore à un changement conséquent dans la gouvernance [de l’Union européenne et de la zone euro] ». Semaine après semaine, il martèle un même discours en faveur du renforcement de la discipline budgétaire et de la réalisation d’un « bond en avant ». Qui devrait selon lui se concrétiser par « une très forte conditionnalité, pour éviter qu’un mécanisme d’aide permanent n’incite à des politiques fiscales laxistes », ainsi que par la mise sur pied de sanctions automatiques en cas de non-respect des règles de déficit et d’endettement en zone euro.


Faisant contraste, Dominique Strauss-Kahn, s’exprimant en sa qualité de directeur général du FMI, tenait un tout autre langage en appelant l’Union européenne à adopter « une stratégie de croissance commune » pour « rompre les chaînes de sa faible croissance ». On croirait entendre un programme électoral.


En dépit des controverses qui sont apparues publiquement en son sein, de manière tout à fait inédite, la BCE pèse de tout son poids dans un domaine qui n’est pas formellement de son ressort. Se considérant sans doute fondée à agir ainsi en raison de la faiblesse de la « gouvernance européenne » qu’elle déplore, n’ayant pas à pourchasser une inflation inexistante dans un contexte de déclin de la croissance, elle précipite celui-ci en édictant un stricte cadre budgétaire aux « autorités fiscales » – c’est à dire aux Etats – s’arrogeant en toute indépendance une mission qui n’est pas la sienne.


Pour autant, elle ne parvient pas à sortir du rôle qu’elle a dû assumer par défaut. Après avoir dû faire face au blocage du marché interbancaire, puis soutenir les banques les plus faibles, elle tente également de limiter les embardées sur le marché de la dette souveraine. Afin de protéger – également à titre provisoire, dit-elle – les Etats en déroute ou menacés de le devenir, et au travers eux la zone euro.


A ce jeu-là, elle est devenue non seulement le prêteur, mais aussi l’investisseur de dernier ressort. Ne pouvant éviter le risque que le provisoire s’installe et dure, changeant au passage dans la pratique le contenu de sa mission. Dans la logique non seulement de l’implosion du système, dont elle était la gardienne du temple, mais également de l’effondrement du socle théorique sur lequel elle reposait. La véhémence de son président a-t-elle une autre explication que sa vaine tentative d’y mettre un terme au plus vite ?


En réalité, la BCE est enlisée dans la crise. Elle est devenue le sauveur en dernier ressort d’un système qui ne retrouve toujours pas son souffle et ses marques. En ce sens, elle n’est qu’un des éléments d’une crise qu’elle prétend dominer, un sort qu’elle partage avec la Fed.


Outre-Atlantique, un doute profond existe à propos des résultats à attendre du QE 2, nom donné à la remise en marche par la Fed de la planche à billets. Qu’est-ce qui a pu la décider à s’y engager, non sans une longue réflexion préalable, alors que dans ses propres rangs de nombreux désaccords se sont manifestés, sans compter les réactions internationales très négatives qui ont ensuite été enregistrées et étaient prévisibles ? Rien, sinon d’être seule à encore pouvoir agir.


Les milieux d’affaire avaient anticipé la bonne aubaine, mais les calculs de la Fed ont été bousculés ensuite par la crise européenne et la découverte tardive de l’inflation chinoise, représentant toutes deux des menaces supplémentaires pour l’économie américaine. Wall Street en faisait les frais et si le dollar continuait en général de baisser, il perdait par rapport à l’euro, tandis que les taux obligataires américains ne fléchissaient que très peu.


Venu présenter à Francfort une défense et illustration de sa politique, Ben Bernanke, le président de la Fed, l’a quant à lui décrite sans sourciller comme destinée à « soutenir la reprise économique, promouvoir une croissance plus rapide de l’emploi, et réduire les risques de déflation ». Ajoutant pour son auditoire international que « le meilleur moyen pour continuer à assurer la solidité des bases économiques sur lesquelles repose la valeur du dollar, afin de soutenir la reprise mondiale, passe par des mesures qui mèneront au retour d’une croissance solide dans un environnement de prix stables aux Etats-Unis ». Ce qui, en langage de banquier central, revient à dire « ce qui est bon pour l’Amérique l’est pour les autres ! ». La démonstration reste à en faire.


La BCE et la Fed ne se contentent pas de partager un statut de sauveur du système financier. Toutes deux ont été amenées à soutenir les Etats, chacune dans son contexte et avec les outils dont elle dispose, car les sorts de tous sont liés. Une dernière similitude importante s’impose entre elles : le gonflement impressionnant de la taille de leur bilan, assorti d’interrogations sur la valeur des actifs qui y ont contribué. Amenant des experts es-banques centrales à s’aventurer en terre inconnue, afin de déterminer si oui ou non une banque centrale peut faire faillite…


A la différence de ce qui se passe en Europe, mais cela viendra immanquablement, un débat est engagé aux Etats-Unis à propos du rôle de la Fed. Des libertariens, qui sont opposés jusqu’à son existence, aux républicains, une offensive est engagée afin de le faire évoluer. Un sénateur républicain éminent, le membre de la commission bancaire Robert Corker, vient de faire savoir que la mention de la lutte contre le chômage devrait être supprimée de la description des missions de la Fed, afin qu’elle se concentre sur le maintien d’une faible inflation. Mike Pence, un républicain membre de la Chambre des représentants, a dans la foulée déposé une proposition de loi pour retirer à la Fed cette mission, qui lui avait été attribuée en 1977.


Comme si cela ne suffisait pas, deux sénateurs et autant de représentants républicains aussi importants ont rendu public une lettre adressée à Ben Bernanke. « Nous écrivons pour exprimer nos profondes inquiétudes après l’annonce récente d’achats supplémentaires par la Réserve fédérale d’obligations émises par le Trésor des Etats-Unis » expliquent-ils, car selon eux « une telle mesure présente des incertitudes considérables quant à la solidité future du dollar et pourrait à la fois aboutir à une inflation difficile à contrôler, et potentiellement engendrer des bulles spéculatives pouvant provoquer de nouvelles perturbations économiques ». Les honorables parlementaires assurant par ailleurs pleinement respecter l’indépendance de la Fed et n’avoir bien entendu aucune intention d’exercer une quelconque pression sur elle.


L’interprétation de ces démarches ne fait pas mystère : opposés à toute nouvelle dépense budgétaire, les républicains s’attendent à voir le chômage s’installer à demeure et veulent que la Fed l’entérine symboliquement. Ils viennent d’ailleurs d’empêcher au Congrès le prolongement des allocations chômage pour ceux qui arrivaient en fin de droit. Et quand ils évoquent le danger d’inflation, ils craignent plus de futurs revers de fortune pour Wall Street que la hausse du panier de la ménagère.


Les banques centrales ne sont plus ce qu’elles étaient. Sur le marché monétaire, elles regardent passer les trains. Sur celui des obligations, elles ne font plus la pluie et le beau temps. Calibrées pour un monde financier qui s’est depuis hypertrophié, elles sont également dépassées, leurs instruments monétaires conventionnels ne répondant plus. Gérant tant bien que mal les conséquences de l’implosion financière avec les mesures non-conventionnelles, elles s’efforcent de stabiliser la situation mais ne sont porteuses d’aucun recours.


La Fed tente néanmoins encore sa chance, tandis que la BCE cherche à se replier sur des positions préparées d’avance. Dans les deux cas, c’est moins l’expression d’une politique qu’un aveu déguisé d’impuissance.




Billet invité : François Leclerc


 




Paul Jorion


pauljorion.com






(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.






Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).



 

 

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